Musique - Carla Bruni - Quelqu'un m'a dit (2002)
Le marché français de la musique à ceci de particulier qu’il a connu des succès incompréhensibles du commun des mortels et même du pire des producteurs. Parmi ces succès, il y a eu le premier album de Carla Bruni, pas encore première dame de France.
Carla Bruni est la fille d’un compositeur et d’une pianiste et actrice, bien que son véritable père soit un homme d’affaire brésilien. La famille, aisée, migre en France pendant la période des brigades rouges et Carla abandonne ses études pour le mannequinât. Pendant 10 ans, elle fréquente ainsi les podiums et devient un modèle en vogue. Elle croise ainsi quelques personnes influentes dans le monde de la culture et de la musique. Car ses conquêtes sont aussi nombreuses que les saisons qui passent, à croire qu’elle en change aussi souvent que de tenues sur un défilé. Ainsi, alors qu’elle vit avec l’éditeur Jean-Paul Enthoven, elle a une relation avec le propre fils de celui-ci qui divorce d’ailleurs de sa femme, Justine Levy qui alimentera le scandale dans un livre. Cela ne sera pas sans conséquences musicales. Après cette carrière de mannequin, Carla a un rêve : faire de la musique. Alors elle s’en donne les moyens en étant des soirées qui comptent dans les milieux culturels, en fréquentant le milieu musical. On la retrouve donc un moment avec Louis Bertignac, ancien guitariste et chanteur dans le groupe** Téléphone**, musicien respecté dont la carrière solo est tombée en désuétude. Elle devient évidemment sa muse et même plus et voilà le couple attelé à l’enregistrement d’un premier album.
C’est le premier single, Quelqu’un m’a dit qui ouvre cet opus. Musicalement, c’est simpliste : deux guitares, une voix. Mais là où cela suffit à des pointures de la folk, comme Joan Baez par exemple, dont la voix est un véritable instrument, ici nous avons une voix voilée et chuchotée quasi monocorde. Le refrain est simpliste et facile à retenir, le couplet répétitif et sans originalité. Nous sommes presque dans une berceuse. Heureusement que le break du solo de Bertignac vient sauver l’affaire. Mais justement, cette similitude avec une berceuse doit avoir une résonance dans l’esprit, rappelant la maman qui chuchote à son enfant pour qu’il soit détendu.
Raphaël parle de Raphaël Enthoven, le fils de l’éditeur et c’est encore le jeu de guitare de Bertignac qui nous sauve de l’ennui puisque le couplet est soporifique. Bien sur certains diront qu’il faut écouter les textes. Effectivement, elle parle et si l’on reste éveillé entre les deux ponts du morceau, on a droit aux poncifs du genre, comme si elle avait sorti son dictionnaire de rimes pour trouver que Raphael rime avec voyelle, soleil. Passons sur Tout le monde dont elle dit elle-même que « tout le monde ne s’en souvient pas ». Car les morceaux sont très courts, rythmiquement très lents et les soli de Bertignac sont nombreux. La noyée, si on frise les fausses notes sur l’intro très grave, réussit l’exploit d’atteindre 4 minutes. Nous sommes encore dans la comptine enfantine. C’est un peu comme si Henri Dès avait sorti un album de berceuses, mais en version aphone. Elle tente bien l’exotisme dans Le toi du moi mais les petites variations de tons ne sont qu’esbrouffe pour masquer le vide de la composition. Cela tient plus à un arrangement qu’au travail du compositeur. Le ciel dans ma chambre revient dans le style berceuse pour être l’autre morceau de plus de 4 minutes. On sent ici qu’il a fallu faire coller la musique à un texte un peu à l’arrachée. Le rythme lent y aide beaucoup avec quelque « hon hon hon » pour meubler et un long solo. Passons sur quelques demi morceaux qui font du remplissage. Le plus beau du quartier reprend le gimmick d’une musique de publicité, très légèrement modifiée par la slide de Bertignac. L’excessive joue avec la syllabe « Ex ». Effectivement, elle est l’ex de tant de personnes que cela a pu l’inspirer. Malheureusement pour nous, elle n’est pas ex-chanteuse. On croit à une blague pour le dernier morceau, La dernière minute qui dure une minute et qui n’est qu’un petit poême posé sur trois ou quatres notes de guitare. Mais la bonne nouvelle, c’est que notre sieste est terminée. Nous pouvons enfin sortir de cette torpeur pour réécouter de la musique.
Sans le talent de Bertignac pour faire passer tout cela, que serait-il advenu de cet album ? Rien mais il tombe à un moment où le microcosme culturel parisien aime l’épuré, la musique d’ambiance, le coté « roots » d’une guitare classique. Alors, avec quelques appuis, le buzz se crée et les ventes décolent. L’album ne choque pas, les textes, facilement compréhensibles puisque sans artifices ou effets de styles, interpellent quelques personnes, les scandales et la plastique de la chuchoteuse faisant le reste.
Elle décroche même une victoire de la musique pour cela mais peut être plus pour récompenser Bertignac qui revient en grâce. La belle s’en va vers d’autres bras et laisse Louis à ses guitares pour atteindre le pouvoir. Oui, la rime est aussi facile que cet album dont le single fait plus rire, avec les variantes des humoristes, qu’il ne retient aujourd’hui l’attention. Car Carla Bruni, présentée à Nicolas Sarkozy se marie presque aussitôt pour devenir la première dame de France. Le couple fascine et c’est la meilleure promo qu’elle pouvait espérer pour sortir un autre album. Car entre temps, un second album No Promises anglophone, et dont les textes ne sont pas d’elle mais de poètes, a été un bide. Elle passe des deux millions du premier à seulement 80 000 exemplaires. Alors en 2008, avec son mari président, elle ne peut que faire mieux. Malheureusement, il n’y a plus Bertignac pour sauver tout cela et la critique est moins élogieuse, même parmi ses « amis » et amants.
Finalement, de trace, elle laissera celle de l’épouse d’un président mais pas celle d’une musicienne. Si elle est invitée dans des émissions pop, c’est plus pour ce rôle que pour l’intérêt que l’on porte à sa musique. Cela lui importe-t-il vraiment puisqu’elle ne rêve que d’être devant les projecteurs comme la petite enfant gâtée qu’elle reste. Rendons lui service : oublions cet album.
Production et arrangements : Louis Bertignac
- Quelqu’un m’a dit
- Raphaël
- Tout le monde
- La noyée
- Le toi du moi
- Le ciel dans une chambre
- J’en connais
- Le plus beau du quartier
- Chanson triste
- L’excessive
- L’amour
- La dernière minute