Automobile - La voiture électrique remise en question ?
M. Remy Prud’homme, professeur d’économie renommé se fendait d’un édito dans l’édition du 22/10/2010 des Echos, intitulée « La voiture électrique, un pari qui risque de coûter cher ». Il argumente son propos avec des chiffres qui sont pourtant à nuancer. Sa conclusion est brutale : la voiture électrique n’est rentable ni écologiquement, ni économiquement. Mais que propose-t-il dans son modèle économique ? Voyons d’abord la question des rejets de CO2, Monsieur Prud’homme ayant concentré son argumentaire sur ce seul polluant. Il nous rappelle qu’une vache rejette 2,4 tonnes de CO2/an. Il fait donc l’amalgame entre les vaches laitières et les vaches dites « à viande », lesquelles n’ont ni la même durée de vie, ni les même rejets, ceux-ci oscillant entre 1,3 à 2,6 Tonnes de CO2. Ce n’est pas à un végétarien que l’on apprendra cela mais il était bon de le rappeler. Par contre, il calcule le rejet d’une voiture diesel à 1,3 Tonnes/an.
Si on veut comparer ce qui est comparable, deux solutions :
- Hypothèse 1 : On prend une utilisation de voiture citadine classique, c’est-à-dire de la taille d’une Peugeot 107. Elle fait 110g CO2/km et roule moins de 10000 km/an. Dans ce cas on obtient 1,1T/an
- Hypothèse 2 : On prend le véhicule diesel moyen, tel que défini annuellement par les études. Elle fait donc 125g CO2/km et roule plus de 17000km/an. Là on grimpe à 2,1T/an
Partons donc sur l’hypothèse 1 pour être totalement cohérent.
Nous avons donc en face un véhicule électrique qui parcourt moins de 100km/jour (le besoin étant fixé à 70km/jour d’après les études actuelles) compte tenu des autonomies annoncées, minorées par l’utilisation d’accessoires de confort comme climatisation, autoradio, GPS. M. Prud’homme joue sur l’amalgame entre des pays qui n’ont rien à voir. Ainsi la densité de population et les ressources du Japon, pays en pointe dans l’électrique, n’ont rien à voir avec la Chine. Les besoins et habitudes sont donc bien différents comme le seront les réponses à fournir en matière de mobilité. Concentrons nous donc sur le problème français puisque c’est la base de son édito.
Avec une telle autonomie, on va considérer que la recharge aura lieu à 80% en heure creuse et 20% en heure pleine. Considérons que le chiffre proposé de 100g/kwh est acceptable. Nous estimerons la consommation à 20kwh au 100km (chiffre supérieur à ce qui n’est curieusement pas mis en avant par les constructeurs). Nous aurons donc 2000kwh annuels si nous avions un kilométrage identique à la petite citadine. En reprenant le chiffre de 100g/kwh, nous aurions donc 200kg de CO2 par an, soit seulement 900kg de réduction. Mais de manière plus réaliste, avec 70km/j sur 20 jours, nous aurions d’un coté 1,84T coté diesel et 0,34T coté électrique soit un gain d’une tonne et demi. Nous somme donc d’accord sur le surcoût de la tonne… Mais en pourcentage cela revient à une diminution de 80% !
Voyons maintenant l’aspect coût :
La voiture électrique coûte donc 35000 Euros. Ne déduisons pas la subvention puisque cela reste un coût pour l’état. En face nous avons une 107 d’un cout de 8000 Euros (voir moins, le diesel devenant une aberration pour ce kilométrage en ville). La différence est donc bien pire que ce qu’annonce notre économiste. Maintenant prenons la vie moyenne d’un véhicule, soit 8 ans. Le coût d’un kwh électrique étant de 0,11€ environ on obtient sur 8 ans une différence de 22000€. Pour le modèle proposé par Renault (coût d’achat inférieur et location batterie estimée), on se retrouve avec 13000 Euros de différence.
Volontairement, je n’ai pas tenu compte du coût CO2 du raffinage, et de tous les coûts annexes liés au retraitement du véhicule, des batteries, de la production du véhicule.
Brutalement, on a donc bien un coût de 15000 Euros la Tonne pour le gain voir 9000 Euros au mieux.….. Alors vu comme cela, évidemment, on ne voit aucun intérêt à acheter un véhicule électrique, économiquement.
Mais regardons aussi la réalité en face : le client urbain qui va acheter un véhicule électrique peut aussi être un client qui veut être à la mode, qui aime l’avant garde et donc qui achèterai aussi un véhicule urbain premium. Et de l’autre coté, ce seront des véhicules de flotte donc comparable à une 107, voir Clio. Pour le premier cas, le coût serait plutôt de 20000 Euros avec 120g CO2/km. La différence sera donc d’autant minimisée se rapprochant de l’égalité sur une période de huit ans avec la proposition achat subventionné + location de batterie. Cette clientèle de niche permettra ensuite la démocratisation de cette solution et la baisse des coûts. Nissan Leaf et Renault Zoe semble orientés sur cette clientèle tandis que C-Zero et Ion sont plus sur des offres de flotte.
Mais le cœur de la question est le suivant : Est-ce que diminuer les rejets de CO2 doit être rentable pour le client ? Nous avons vu en effet que ce véhicule permet de diminuer par 2 ou 3 les CO2 produits. Il permet aussi de ne plus avoir des rejets de NOx, de particules, dont le coût est aussi à ne pas négliger dans le calcul, puisque cela crée des dépenses de santé. Il ne faut, bien entendu, pas négliger le fait que l’énergie nucléaire est aussi productrice de déchets qui ont un coût et un impact sur la vie. (rappelons au passage que 80% des petites voitures diesel sont revendues avant d’avoir atteint leur seuil de rentabilité par rapport à une essence)
Bref, la conclusion rapide de cet édito est critiquable dans le sens où elle veut (ou semble le vouloir) rayer de la carte la solution électrique car jugée non rentable économiquement mais ne propose rien du tout en échange. M. Prud’homme raisonne également sur une vision globale alors que la voiture électrique n’est qu’une solution locale pour l’instant, des alternatives étant possibles pour d’autres pays. Comme un de ses rapports le suggère d’ailleurs, il ne faut pas forcément imposer nos solutions adaptées aux pays occidentaux à d’autres pays qui ne disposent pas des même ressources. Ainsi, comme le souligne un autre lecteur, les Etats-Unis partent sur des solutions de PlugIn Hybrides, développées aussi chez nous dans un avenir proche. Les chinois partent aussi sur des solutions diverses, autant l’électrique chez BYD que l’hybridation et d’autres sources d’énergie à plus long terme.
M. Prud’homme, quand on se permet d’écrire sur un journal comme Les Echos, il est bon de faire le tour du problème et de ne pas “balancer” ainsi des information parcelaires pour parvenir à de telles conclusions. Si la solution électrique n’est aujourd’hui pas mûre, elle est une réponse à une clientèle et surtout à la pollution des villes. Elle n’est pas LA solution mais ne doit pas être négligée pour des raisons de rendement à court terme. Si nous étions resté sur ce principe, pas sur que nous aurions ne serait-ce qu’un catalyseur ou un filtre à particule sur nos véhicules actuels.