Cinéma - Omar m'a tuer de Roshdy Zem (2010)
Le cinéma peut procurer à la fois du divertissement mais peut être aussi un acte militant. Avec ce « Omar m’a Tuer », Roshdy Zem en donne un vibrant exemple en se repenchant sur l’histoire d’Omar Raddad, accusé d’avoir tué sauvagement Ghislaine Marchal, riche héritière de l’équipementier automobile.
Rappelons brièvement les faits : Ghislaine Marchal, riche héritière de la marque Marchal, est retrouvée sauvagement assassinée dansla cave de sa villa des hauteurs de Mougins avec l’inscription « Omar m’a Tuer » écrite de son sang alors qu’elle n’est pas coutumière de fautes d’orthographe. Les soupçons se portent immédiatement sur son jardinier, Omar Raddad, un marocain marié et père de deux enfants, un père sans histoire qui n’a que deux passions : le jardinage et le casino.
Le réalisateur se focalise sur deux personnages : Omar Raddad et Jean-Marie Rouart, écrivain et académicien qui décide d’écrire un livre sur l’affaire, quelques années plus tard. Alternant les flashbacks entre les deux époques, Roshdy Zem nous fait prendre la place de l’enquéteur, nous déroulant le fil des évènements, nous démontrant que l’enquète n’a pas seulement été baclée mais que des curieuses disparitions volontaires de preuves émaillent la ou plutôt les procédures. L’opposition entre le lettré, parfois condescendant, Rouart joué par Denis Podalydes et le jardinier marocain illetré joué par un Sami Bouajila aussi méconnaissable que crédible, fonctionne parfaitement. Car s’ils sont opposés dans la forme, ils veulent pourtant prouver tous les deux une innocence qui crève les yeux.
Si Jacques Vergès parvient à obtenir une grace présidentielle avec l’appui du roi du Maroc, il ne parvient, malgré tout son métier, à faire acquitter le jardinier. On s’étonne que le pourvoi en cassation soit refusé devant cette accumulation de preuves pour innocenter cet homme. Mais avec des juges d’instruction et présidents de tribunal aux déclarations si insultantes (le réalisateur n’invente rien, cela a été retranscrit à l’époque), si proches du racisme, dans une région où la « bonne société » adhère souvent aux thèses de l’extrème droite, il n’y a rien d’étonnant à cela. On est soulagé de voir la solidarité qu’ont les prisonniers envers Omar et révolté de le voir ainsi poussé au désespoir, jusqu’à la grève de la faim ou la tentative de suicide. Le rôle du père d’Omar, qui a sué sang et eau pour faire vivre sa famille et croît en la grandeur de la justice de la France, est très subtilement intégré à l’histoire.
Et puis, on peut légitimement se poser des questions sur le refus de la garde des sceaux Elizabeth Guiguou, de permettre à Omar Raddad d’exercer le métier de jardinier, malgré des offres d’emplois obtenues à sa sortie de prison, pour que finalement cet homme sans histoire se retrouve à découper de la viande dans une boucherie. Car si Omar est innocent, si Omar avait peu d’intérêts à commettre un tel meurtre, malgré des dettes de jeu, d’autres en avaient et le film sème quelques pistes pour retrouver le vrai coupable. Par chance, il reste encore l’ADN d’un homme dans le sang de la victime….Mais l’obstination intriguante de la justice à ne pas vouloir rouvrir ce dossier peut laisser penser à un scandale bien plus gros que ce simple meurtre. Espérons juste que ce superbe film permettra enfin de faire toute la vérité sur cette affaire et rendre une partie de la vie perdue à un jardinier et sa famille, qui n’avaient rien demandés.