Blog - Covid-19 et moi, épisode 7/?

Voilà, nous entrons dans le deuxième mois de notre confinement. Et on pense/pensait que c’est celui du dé-confinement, apparemment, le 11 mai n’étant qu’un Objectif, dixit le shérif Castagnettes. Faut-il que je sois oiseau de mauvais augure ?

Je dis ça parce que j’ai reçu un protocole de mon employeur dès le 9 avril. Il me demande de ne revenir que si j’ai un historique de prise de température de 14 jours…. Donc ça veut dire que je dois commencer à prendre ma température 14 jours avant une date que je ne connais pas, soit donc maintenant ? Plus certainement fin Avril. Honnêtement, je ne me vois pas revenir sur le site avant fin Mai, et encore c’est optimiste vu l’approvisionnement en masques. On m’en promet 1/jour ce qui dois être le cas avec 1/10 des gens sur site, mais après? Je m’amuse quand même de cela avec des prises de températures qui seront faites dans tous les sens, n’importe comment et surtout une lecture du document qui sera bâclée à l’arrivée, surtout aux heures de pointe. Oui, la mesure c’est mon métier et je connais trop la technique pour savoir toute l’erreur qui se glisse dans une mesure d’apparence simple. Tu allumes, tu laisses pendant un temps, tu lis quand c’est stable. Déjà il y a au moins 4 méthodes reconnues pour la prendre cette température et pas comparables entre elles. Ensuite, c’est quoi le seuil pour dire que c’est trop ? Que ça évolue à la hausse ? On sait que le Covid-19 est joueur à alterner bonnes et mauvaise périodes, donc on ne sait finalement pas grand chose, surtout avec des porteurs sains. Par contre, pour une même population en prenant une même méthode, au même endroit, ça serait plus recevable déjà. En France, je n’ai vu que très peu de test infra-rouge (et pas laser comme j’entends dire, le laser n’étant qu’un pointeur de visée ) au front. C’est +/- 0,2°c à 0,4°c par construction pour ceux réellement réservés à l’usage humain, le double pour les IR standard. Donc on peut avoir 37°c à 37,8°C pour une même mesure à 95% de confiance. On ratera 5%…Mieux que rien. Alors sous-traiter cela au “patient”, c’est uniquement pour se couvrir légalement, pas plus que ça en fait.

Du côté de mon association de protection animale, je suis allé aux nouvelles du siège, qui est dans l’Yonne (région très prisée des parisiens friqués en ce moment, il paraît). Ça va, ils ont tout ce qu’il faut et il n’y a pas eu trop d’abandons. Il y a même eu quelques adoptions autorisées très localement. Mais je dois me coller à un article de fond pour le bulletin à venir sur la perception que l’on a du confinement vis à vis du sort des animaux. J’en mettrai une copie ici qui fera, je l’espère, un peu réfléchir. Mais une autre information m’est arrivée par ce biais, c’est ce qu’il se passe dans les supermarchés, ou plutôt à l’arrière de ceux-ci. Je vous surprendrai peut-être, mais l’association récupère des choses dans les poubelles des supermarchés. Il y a de plus en plus un premier tri pour les associations pour humaine. Sauf qu’en ce moment c’est compliqué aussi pour ces associations, ne serait-ce que pour aller collecter. Après elles, ça fini à la poubelle. Et bien en ce moment, il y aurait de plus en plus de denrées dans ces mêmes poubelles. Déjà parce que les gens n’achètent plus la même chose, délaissent certains produits qui se retrouvent périmés. Mais il y a aussi trop de commandes de denrées périssables, le client voulant toujours du beau produit intact, calibré, … une connerie. Fort heureusement, ce gâchis profite encore à nos amis animaux sans les mettre en danger car on peut être malin. Quand on sait ce qu’il y a dans certaines marques de nourriture animale industrielle, c’est toujours mieux, je vous l’assure.

Et en parlant d’animaux, j’ai eu une urgence vétérinaire à gérer. Ouf, l’attestation le prévoit donc j’ai du me rendre à ma clinique spécialisée à 45km de chez moi. 3h30 aller-retour en comptant l’attente et les analyses. C’est à Paris, un Paris que je n’avais pas vu depuis presque un mois. Il y avait une impression de Dimanche d’Août à 8h du matin, sauf qu’il était 11 heures. J’ai pris les quais de Seine déserts. J’ai croisé quand même une mère et son enfant à vélo, qui devaient se croire au dessus des lois. Pour le reste c’était relativement bien respecté. Sécurité maximale chez la vétérinaire avec une seule personne admise, prise de rendez-vous préalable, masques, gels, nettoyage. Au retour j’ai même dû laisser passer une famille de canard qui allait de son parc habituel aux berges de Seine. Déjà il y a une semaine je croisais un faisan qui faisait son jogging en pleine ville sous la barbe des chasseurs reclus. Ça a du bon cette période. J’ai été contrôlé par la gendarmerie au retour comme je prends une portion d’autoroute menant à des lieux de vacances. Le fraudeur aura sûrement pris des petites routes. Pas de souci, j’avais prévu tous les justificatifs possibles. Ils ne m’ont rien demandé en plus en dehors de mon attestation papier dûment remplie.

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Cicerone denuncia Catilina par Cesara Maccari - 1889*

Mais le peu d’escapades à l’extérieur m’ont confirmé que l’humain reste ce parasite. Avant je voyais des papiers d’emballage sur le sol. Maintenant ce sont des débris de masques, des gants jetables qui jonchent les trottoirs et les parkings, souvent à moins de 20 mètres d’une poubelle. Non seulement c’est dégouttant mais cela peut aussi être contaminant. Apparemment, les messages ne passent pas, comme pour le parisien des beaux quartiers et les crottes de chien. Comme ils n’ont rien pour jeter ces produits après usage et qu’ils doivent avoir peur de se rapprocher d’une poubelle, ils préfèrent polluer, souiller. Je parlais d’escapades mais je suis un chanceux. D’après un sondage IFOP, il y a 15% des français qui n’ont ni balcon, ni jardin. D’autres (20%?) sont dans des maisons de ville sans jardin. Et encore, faudrait-il savoir ce que c’est un jardin quand parfois c’est un petite carré de verdure de 3m sur 3m. Mieux que rien bien sûr mais une sensation d’enfermement quand même dans ces nouvelles banlieues pavillonnaires, presque des HLM recréés à l’horizontal. C’est pourtant bien mieux que des pays à la densité urbaine plus importante, bien mieux que les bidonvilles, que l’on a aussi en France comme des logements … Relativiser.

J’ai pourtant du mal à relativiser les décisions de nos dirigeants. Enfin décision, c’est vite dit car il y a de la peur, celle du retour de baton après, comme dans d’autres crises mais en pire. Il faut dire que ce sont des gens qui mettent la communication en avant, plutôt que la connaissance technique. Ce n’est pas nouveau, on en forme des génération comme ça mais j’y reviendrai. Pour les plus techniques, des ministres, ils ont une calculette à la place du coeur, ce qui empêche aussi de penser. Mais le reste pense à faire de la communication, aux conséquences de cette communication immédiate, sans se rendre compte du risque de se dédire le lendemain à cause justement d’un aspect technique derrière. On a des Veran, des Salomon, des Riester qui parlent de mesures appliquées sans même vérifier que cela fonctionne réellement, comme si un décret était magique. Ainsi on a vu du n’importe quoi avec Macron à Pantin qui veut montrer qu’il pense aux banlieues mais crée un attroupement de gens, dont lui, sans protection. Macron au Kremlin-Bicêtre qui est devant des soignants qui applaudissent, et les applaudit…sauf qu’ils s’applaudissaient eux, dont des revendications d’infirmières, certainement pas le président. Tout n’est que communication plutôt que bonne décision (comme commander ou fabriquer des tests quand les médecins le demandaient il y a un mois et plus), plutôt que les bases élémentaires de la gestion de risque et de la qualité, que l’on apprend pourtant dans de bonnes écoles. Le discours de Lundi était inutilement long si on le compare à d’autres dirigeants, volontairement imprécis puisque dès le lendemain ça partait dans tous les sens avec les ministres, dont celui des écoles. Des bonnes écoles, hum…

Ah oui mais pas les écoles de commerce, ces établissements qui ont tant de succès avec des droits d’entrée mirobolants, surtout pour un carnet d’adresse et un nom sur un CV. Pour avoir fréquenté des gens issus de ce milieu, pour avoir aussi une nièce là dedans, on voit clairement que ça ne vole pas si haut, à part leur faire croire qu’ils sont une élite auto-proclamée (comme l’ENA…). Heureusement qu’ils n’y croient pas tous. Nous avons valorisé le marketing, le commerce, la pub, une finance virtualisée par rapport à la création, à la technique depuis des années. Même en entreprise, on vend de la méthode de management hors-sol ce qui donne souvent des catastrophes (cf Orange…), l’objectif étant avant tout la rentabilité court-terme. A force de ne plus valoriser la technique, on perd de la capacité à innover même quand on y met des moyens, et on se retrouve à ne plus avoir d’industrie localement, de tissus industriel capable de répondre à une crise, d’évoluer, de se muter rapidement. Et quand il y a encore de l’industrie, il y a de moins en moins de moyens pour l’innovation par rapport au marketing, du moins sur le sol national. Les chiffres de 2016 montraient la Corée du sud en tête de la part d’investissement en R&D dans le Produit intérieur brut. La France n’est que 13ème, cette part stagnant depuis 20 ans, pendant que le voisin Allemand passait de 2,2 à presque 3%. On fera peut-être des masques pour tous, des trucs lavables qui feront rire le reste des pays développés qui ont les “bons masques”, un peu moins ceux qui n’ont même pas d’eau, ou à qui nous la volons… autre sujet qu’il faudra revoir.

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stagnation de l’investissement en R&D

Mais on a oublié une petite chose là dedans car je ne parle pas ici d’investissement public mais aussi du privé. On a mis en lumière les décès des** EHPAD**, ce vilain acronyme pour Maison de retraite. La plupart sont des organismes privés qui appartiennent à des groupes d’investissement qui gagnent beaucoup. C’est bizarre mais quand on visite ces lieux et qu’on observe bien, on ne voit pas où passe tout cet argent mais on voit des directeurs d’établissements privés se plaindre. Manque de personnel, manque de moyens, notamment pour les protections, manque de médecins sur place, … Il y a longtemps que ceux qui ont affaire à ce genre d’établissement crient au scandale. La semaine dernière on parlait de Korian et de ses établissements. Et bien c’est aussi ça : 3,3Milliards de Chiffre d’affaires, 121 Millions de profit sur 803 établissements. (source). C’est le premier groupe en France. Derrière on a Orpea et DomusVi, le premier ayant été déjà visé par des accusations de maltraitances avec pourtant un résultat net à 220Millions, le second détenu par un fond britannique pour un résultat net de 53 Millions d’Euros. Voilà ce que donne aussi la privatisation de la santé, tant louée par nos économistes libéraux. #OnseSouviendra.

Tout ça pour dire que lorsqu’on cherche l’argent magique dans nos poches, ça a tendance à m’énerver ces temps-ci. Quand on va demander, comme le MEDEF le fait déjà, de travailler plus, pour moins cher pour reconstruire le même système, ça ne va vraiment pas le faire. Et pourtant ça se fera… Un accord négocié me fait perdre un jour de congé, m’incite à en donner, comme l’employeur donne aussi. Mouais, on pourrait parler optimisation fiscale. Je ne pensais pas que ce billet prendrait cette tournure en le commençant, c’est à dire politico-économique. C’est pourtant aussi ça la vie réelle qu’il faut voir en mettant tous ces éléments bout à bout. Ça en choque certains que l’on dise que l’on ressemble de plus en plus à un système de santé du tiers-monde. C’est évidemment exagéré mais lorsque je vois l’excellence de systèmes de santé de pays émergents comme les “dragons” d’Asie, même vers le 50ème rang mondial, je m’interroge. Tous ces indicateurs de développement nous bercent d’illusion sur “notre puissance”, comme nous nous bercions d’illusion sur nos puissances militaires avant les conflits mondiaux. Cyrille comparait les enseignants avec les soldats de 1914 et leurs pantalons rouges. C’est totalement ça au point qu’Odysseus pourrait refaire sa bannière façon militaire. Ceux qui s’engagent en politique pensent au pouvoir en temps calme, pas aux devoirs en temps de crise. Il émerge beaucoup de solutions aujourd’hui, des bricolages locaux qui fonctionnent. Ce qui tombe mal, c’est que les élections municipales à venir (quand ?) vont parfois rayer ça d’un trait de crayon. La révolte leur fait peur, au point qu’ils continuent des appels d’offres sur des drones de surveillance.

Le tableau que l’on peut dresser dans cette période n’est pas joyeux. Paradoxalement, et comme à chaque grande crise mondiale, il va émerger de cela de nouveaux champions et mettre à bas des puissances. J’ai ma petite idée pour quelques uns mais je suis dans l’incertitude totale de comment va évoluer cette crise économiquement, géo-politiquement dans le futur. Je vois qu’on accélère des fusions, qu’on essaye de sauver des pans d’une économie voulue mondialisée qui sont aujourd’hui à l’arrêt. Chacun jouera sa carte sans en informer son voisin. J’ai d’ailleurs une vision assez amère de mon voisinage qui, derrière les discours, ne fait pas grand chose de concret. Nous n’avons plus de personnes âgées dans la rue depuis 2 ans. Dans une rue parallèle, il y en avait une mais elle a du partir aussi. J’observe qu’à 20 h, chaque soir, ce sont les personnes de la cité HLM qui applaudissent, crient leur soutien, s’encouragent en fait car souvent en première ligne. Nous sommes seuls à ouvrir nos fenêtres de manière solidaire mais bien modeste. La branche américaine de la famille va bien, nos amis américains à Los Angeles aussi. Ils nous en disent un minimum, inquiets, priants pour les plus pieux. Au Vietnam aussi ça va, sûrement mieux qu’ici d’ailleurs malgré l’omerta possible. On essaye de se rassurer en prenant des nouvelles de chacun, pour se sentir moins isolés, sans doute.

De cet exercice de billet devenu une sorte de journal, je ne sais ce qu’il en ressortira avec le recul de quelques mois. Je n’aurai pas cœur à le relire tout de suite. Je relis déjà de vieux articles dans mon blog de backup, des textes surprenants aussi. Je n’ai aucune certitude sur ce que cela changera en chacun de nous, en dehors de ce sentiment de mortalité qui avait pu disparaître. J’avais parlé il y a peu dans un moment difficile du fait que je pensais avoir fait déjà beaucoup de choses ici bas. Ma seule inquiétude était pour préparer mes proches à mon absence si ça arrivait. J’ai bien fait de faire le nécessaire, d’écrire tout, de prévoir. Aucune crainte, aucune peur, à part peut-être la souffrance, ce que l’on craint un peu tous finalement, cette question que l’on pose aux soignants : “il/elle souffre ? “. Ce moment où l’on ne pense plus seulement à nous. S’est-on posé cette question assez souvent pour les autres, la nature, la terre ? Il y aura tant à dire aussi sur ce sujet balayé pour l’instant d’un revers de la main, plus tard..pas trop tard.

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Ecrit le : 18/04/2014
Categorie : reflexion
Tags : économie,blog,confinement,covid-19,politique,Réflexion

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