Géopolitique - Bosnie ou Grèce, les racines du mal
Entre les violences lors des célébrations de Srebrenica (Bosnie) et les pays européens hostiles à un plan d’aide à la Grèce, l’Europe semble se rapprocher du gouffre. Est-ce une surprise ?
L’Europe a été pensée d’abord comme un marché commun. Elle a été pensée aussi comme un rempart de plus entre deux blocs de l’époque, face à la guerre froide. Aussi, la mémoire faisant défaut à tous, les aides passées sont oubliées. La solidarité des peuples ne pouvait se bâtir que sur un sentiment d’appartenance européenne fort. Ce n’est pas le cas, et d’autant plus pour les derniers entrants, justement les plus hostiles au plan grec. Mais le plus inquiétant reste la position allemande (que viendra infirmer ou confirmer mon ami Frizztext) .
Proclamée leader économique de l’Europe, l’Allemagne de Merkel (et j’insiste sur le DE MERKEL où la pauvreté est à son plus haut niveau), pense qu’elle peut se passer de l’Europe ou en tout cas ne garder que ce qu’elle veut. Ce serait à la fois oublier les aides dont elle a bénéficiées pour se rebâtir au sortir de la guerre, tout autant que de la solidarité qui joua lors de la réunification. Sans l’Europe et sans USA, elle ne serait pas ce qu’elle est. Mais elle s’est aussi faite toute seule grâce à un développement industriel et international pertinent. C’est justement ce développement économique qui a manqué du coté grec mais aussi portugais ou à une moindre échelle l’Espagne et l’Irlande.
Il faut dire que la situation n’a pas été la même entre le babyboom et les trentes glorieuses d’après guerre et un marché qui explose, et une entrée de l’Irlande en 1973 (conjointement au Royaume-uni), de la Grèce en 1981, du Portugal et de l’Espagne en 1986. Ces pays n’avaient pas la même histoire industrielle et politique. Ils n’ont été vus que comme des marchés supplémentaires. L’Irlande a été un paradis fiscal déguisé pour quelques grosses sociétés informatiques par exemple. L’Espagne a développé une industrie automobile à bas coût, avant que l’Europe de l’est ne s’ouvre. Le Portugal a connu un développement similaire mais moindre, le tertiaire ayant une part disproportionnée face à une industrie de transformation à la fois fragilisée par le cours des matières premières et par la concurrence des pays émergents. Là où l’Europe aurait du donner un débouché et une protection, elle a failli. Elle a failli d’autant plus en Grèce où aucune ligne claire de développement n’a été donnée. Enclavée alors entre les pays de l’Est, la Yougoslavie et la Turquie, elle n’a été vue que comme l’éternel pays touristique voir comme pays d’armateurs (1ère flotte du monde).
Paradoxalement, lors de l’ouverture de l’Europe vers l’Est et les pays baltes, on a oublié ces pays. Les grands pays se sont jetés sur ces nouveaux eldorados du bas coût, considérant que les derniers entrées étaient suffisamment développés à leur goûts. Le gâteau européen s’est retrouvé morcelé un peu plus sans prendre le temps de construire d’abord une Europe des peuples. Historiquement influente, l’Allemagne s’est tournée vers l’est et s’y est taillée la part du lion. Mais quid de l’Europe du sud et d’une zone de conflit dans les années 90 ? La Yougoslavie fut le théâtre d’un conflit ethnico-religieux dont les racines remontent jusqu’à la domination ottomane. Entre l’attentisme de l’ONU, l’OTAN et l’Europe qui amena au massacre de Srebrenica et bien d’autres, et le volontarisme absurde et aveugle au Kosovo, l’Europe a continué paisiblement a construire des nids de conflits. Ajoutons le fait que laisser de coté la Turquie tire un peu plus le développement vers les frontières orientales plutôt que sur son propre marché et nous avons la situation d’une Europe qui se morcelle, se désolidarise.
La Yougoslavie est finalement comme une petite Europe avec périodiquement des retours de sentiments nationalistes et religieux que Tito avait réussi à faire taire durant sa dictature. L’Europe a raté là un premier rendez-vous et une première leçon. Le fait que le premier ministre Serbe ait reçu des pierres lors de sa venue à Srebrenica peut laisser penser que demain, d’autres pierres tomberont sur ceux qui sont en train de lâcher les “partenaires” européens en souffrance. Que penseront les jeunes d’aujourd’hui de ces pays lorsqu’ils verront leur avenir bouché ? Ils chercheront des responsables que l’extrême-droite leur offrira sur un plateau. Si aujourd’hui des Finlandais, des Allemands, des Français, des Portugais, etc… pensent qu’ils ne faut pas aider les grecs car ils ont fait ou font des sacrifices, qu’ils se souviennent qu’ils ont aussi été aidés. D’autant que l’argent prété ne sort pas tant que cela de leurs porte-monnaies, contrairement à ce que l’on pense. Qu’ils se souviennent aussi que leur économie ne tient aussi qu’à quelques fils que des financiers et des investisseurs peuvent couper lorsqu’ils verront un intérêt ailleurs. Ce sont dans les moments de crise qu’il faut savoir dire la vérité à ses amis tout en les aidant, à moins de vouloir se retrouver tout seul face à plusieurs ennemis.