Géopolitique - Europe, la pauvreté en chiffres et ... en réel
Parfois, il faut des chiffres pour se rendre compte et comparer les situations entre pays. Celui de la pauvreté en est un.
Il y a plusieurs méthodes de calcul mais elles se basent toutes sur le revenu médian, le pourcentage étant soit de 60%, soit de 40%. Pour situer cela, il faut se souvenir qu’en France, selon l’Insee en 2012, il est de 29300 Euros par an pour un ménage soit 2441 Euros/mois. Avec un seuil à 60%, cela donne donc un seuil de pauvreté à 1465 Euros pour un ménage qui est composé en moyenne de 1,8 personnes (en diminution constante) soit 813 Euros/mois/personne. Mais on donne un salaire net médian de 1730 Euros pour la même période (soit 1013 Euros/mois/personne). Et au final, le chiffre retenu par Eurostat est de 930 euros pour le seuil de pauvreté et de 987 pour l’Insee. Allez comprendre…. Ce qu’il est plus important de retenir, c’est le pourcentage de la population touchée, et cela est en moyenne en Europe de 25% !
Mais prenons les chiffres d’eurostat, l’organisme de référence dans le domaine. Dans son rapport de 2013, on lisait “ En 2012, les plus fortes proportions de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale ont été enregistrées en Bulgarie (49 %), en Roumanie (42%), en Lettonie (37%)ainsi qu’en Grèce (35%) , et les plus faibles aux Pays-Bas et en République tchèque (15% chacun), en Finlande (17%), en Suède et au Luxembourg (18% chacun)”. Mais ce taux était en diminution en Roumanie alors qu’en forte augmentation en Grèce (+8% en 4ans) Irlande (+7%), Lituanie (+5%), Hongrie (+4%), Italie (+4%), Espagne (+3,5%) Danemark (+3%) et même Luxembourg (+3%).
Mais depuis 2013, des tendances ont changé. L’Allemagne, après une baisse, repart à la hausse et les derniers chiffres de 2014 confirment la tendance avec une augmentation de 0,5% passant en 2 ans de 19,6 à 20,8%. En France, les chiffres annoncent une baisse à 18,1% (contre 13% en 2006) et pourtant, cela masque bien des inégalités. Les populations les plus sensibles (femmes seules, familles monoparentales, personnes agées seules à petites retraites) ont continué à sombrer dans la précarité. Le salaire moyen a même diminué dans cette même période. C’est bien une accentuation des écarts de richesse qui a masqué cette accentuation de la pauvreté.
Sur l’ Europe en 2013-2014, la situation devient alarmante en Grèce (36% de la population mais bien plus en réalité) évidemment, mais aussi en Espagne (+2% en 2 ans) mais s’améliore modérément en Lettonie ou Italie. La Finlande voit sa pauvreté augmenter sensiblement, de même que la Suède, bien que ces pays restent les meilleurs élèves. Portugal et Irlande restent stables. Cela permet de comprendre certaines positions politiques quant à la solidarité entres membres de l’UE mais illustre aussi le décalage entre la réalité du terrain et l’image que l’on peut se faire (notamment l’Allemagne).
By Hysohan (Data from Gini Coefficient World CIA Report 2009) [Public domain], via Wikimedia Commons
Si l’on met cela dans une perspective mondiale, on s’aperçoit de la difficulté de la comparaison. Ainsi les USA ne parlent pas de revenu médian mais fixent un seuil en fonction de divers paramètres et cela selon le nombre de personnes dans le foyer. Le chiffre reste pourtant bien dans une fourchette haute de ceux à 50% du taux médian en Europe (proche de l’Espagne). Pour comparer, il existe d’autres outils statistiques, comme le Coefficient de Gini qui ne tient pas compte des inégalités entre haut et bas revenus, ou l’Index Atkinson qui dépend d’un ratio entre plus haut et plus bas salaire donnant un indice Epsilon. Plus la valeur choisie pour Epsilon est grande, plus l’indice est sensible aux inégalités. Ainsi pour un Epsilon de 2, on obtient des résultats très différents sur l’Europe.
Tous ces différents indices de mesure résumés ci-dessus, montrent à la fois que les grands pays d’Europe sont bien à la traine concernant la pauvreté mais qu’il est difficile de rendre de la réalité par des chiffres et des formules. De plus, le ressenti de la population et le fait que d’un pays à l’autre le seuil peut aller du simple au double, rend cela complexe à analyser en valeur absolue. Il est plus intéressant de les observer en relatif chaque année pour connaître l’évolution, notamment sur l’augmentation des inégalités par classe de population.
Pour la France, l’Insee donne ces chiffres:
Les femmes sont nettement plus touchées que les hommes, et ce sont les jeunes de moins de 30 ans qui sont les plus précaires. Du coté des personnes agées, ce sont les personnes de plus de 75 ans qui souffrent le plus. Elles n’ont guère profité des 30 glorieuses et des hauts niveaux de retraite.. D’ailleurs la disparité de sexe apparaît alors beaucoup moins que dans les personnes de 50 à 59 ans où c’est presque du simple au double. Cette répartition de la pauvreté et des revenus influe directement sur la consommation mais aussi dans le délicat problème du logement avec des jeunes obligés de rester plus longtemps chez les parents.
source à lire : Rapport de 2012 d’Eurostat