Géopolitique - Turquie , Même si...

J’avais tenté, lors d’un précédent article, de faire voir la Turquie avec plus de réalisme et moins d’Ethnocentrisme. Les évènements dramatiques de ce Wee-end montrent un Turkey-Bashing qui oublie de faire la différence entre Erdogan et le pays qu’il dirige.

Car Erdogan cristalise aujourd’hui l’inquiétude, le ressentiment, les fantasmes qui tournent autour de ce pays. Les critiques font fi de la position géostratégique et de l’histoire de la Turquie. C’est même avec une teinte néo-colonialiste et paternaliste que l’on retrouve ces positions à l’emporte pièce. Toutefois, il faut avouer que dans les derniers mois, Erdogan a vu sa stratégie échouer, tant dans la politique extérieure que dans la vie politique turque.

La politique intérieure turque a dérivé de plus en plus dans le conservatisme de droite. Dans un pays où la corruption régnait, Erdogan se présentait avec son expérience de maire d’Istanbul, comme le monsieur “Mains propres”, l’homme du redressement de la capitale économique. Après sa prise de pouvoir en tant que premier ministre, les résultats économiques sont arrivés mais se sont trouvés fragilisés par une croissance mal maîtrisée, un ultra libéralisme forcené qui a fini par exasperer à force de privatisations et d’atteintes aux libertés. Des scandales de corruption ont émaillé sont gouvernement jusqu’à toucher sa propre personne. Cela ne l’a pas empéché de remporter les élections présidentielles face à une opposition ayant du mal à se reconstruire. A l’image d’autres anciens empires, il a axé sa politique sur le nationalisme et la grandeur retrouvée. Mais la population turque, jeune et ouverte sur le monde, n’a pas envie d’une dérive autoritaire et belliqueuse comme cela a été le cas avec le problème Kurde. Si le PKK est bien le bras armé et terroriste du kurdistan, il reste minoritaire parmi les kurdes. Mais avec l’arrivée de l’EI, la situation a totalement échappé à Erdogan.

En jouant un double jeu, le leader turque croyait pouvoir mettre fin à la rebellion. Mais il a mal estimé le danger que représentait le groupe Etat Islamique. Ce faisant, il n’a pas vu que pour l’occident, les Kurdes représentaient des alliés importants face à la désunion des forces en Syrie et en Irak. Il s’est retrouvé alors isolé sur la scène politique internationale, aussi bien par rapport à l’OTAN que par rapport à la Russie et l’Iran. On peut alors comprendre le sentiment qui commence à germer en Turquie, comme quoi le pays se retrouve non pas comme leader de cette région mais comme le plus détesté de la région. Pourtant, cette carte individualiste n’est pas un hasard. Elle fait suite à la politique méfiante de l’Europe vis à vis d’une entrée dans l’UE. On peut d’ailleurs faire le parallèle avec le rendez-vous raté entre Europe et Russie et qui a conduit à l’arrivée de Poutine au pouvoir. Pays tourné à la fois vers le Moyen-orient, l’Asie et l’Europe, selon son histoire, la Turquie était plus européenne durant les dernières décénies que ce que les dirigeants européens ont voulu faire croire. En la repoussant maintes fois malgré des efforts notables, et en intégrant des pays européens à la fois moins avancés économiquement et sur les droits élémentaires, le nationalisme s’est retrouvé comme un refuge.

Aussi, même si on peut ne pas apprécier Erdogan, même si de nombreuses erreurs ont été faites par les derniers gouvernement sur le plan géopolitique, il faut prendre garde à ne pas se couper de la Turquie. Même si aujourd’hui des éléctions se profilent, mieux vaudrait intégrer ce pays comme allié à part égal que l’isoler et nourrir ainsi d’autres ressentiments. Que cela soit contre l’ennemi commun Groupe Etat Islamique ou dans la reconstruction de la stabilité de la zone, il y a beaucoup à gagner avec la Turquie. Erdogan pourrait n’être bientôt qu’un souvenir tout en conservant un rôle majeur dans l’histoire de la Turquie moderne. San faire d’interventionisme comme cela a très (trop) souvent été le cas, il est possible de tendre la main à nouveau à la Turquie et enfin avoir ce rendez-vous promis.


Ecrit le : 12/10/2015
Categorie : geopolitique
Tags : europe,Geopolitique,turquie

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