BD - Blake et Mortimer - Le Testament de William S. de Sente et Juillard (2016)
Parmi mes héros de jeunesse, le Capitaine Blake et le Professeur Mortimer figurent dans les premières places. Ils ont bien vite pris la place des Tintin dans ma bibliothèque d’adolescent. Mais depuis quelques années, ils reprennent vie avec d’autres auteurs qu’E.P. Jacobs.
Je ne suis pourtant pas fan de ce genre de “reboot” ou de perpétuation de héritage. J’ai été déçu par des Astérix, des Lucky Luke pour ce genre de choses, alors pensez pour ces deux héros si particuliers. Car Blake et Mortimer, sous des traits de BD belge classique, à la ligne claire, apportaient un univers très particulier. Il y avait de l’aventure, évidemment, mais pas seulement. Les scénarios des enquêtes étaient particulièrement bien faits. On retrouvait des éléments de fantastique, des machinations et de terribles méchants. La Marque Jaune est resté un symbole très utilisé aujourd’hui et c’est un signe de la porté de l’oeuvre. Alors qu’est-ce qui m’a fait changer d’avis ?
Certainement la présence de ce William S. dans l’intrigue. William S, c’est William Shakespeare, le dramaturge anglais. Une telle rencontre ne pouvait que m’attirer, surtout que cet auteur est entouré de mystère quant à sa vie et sa disparition. C’est justement autour de cela que vont enquêter nos deux amis, alors même qu’un soir à Venise, un message surgit du passé pour parler de la mort de Shakespeare. Cette fois, il n’y aura pas de machines extraordinaires ou de fantastique mais un voyage dans le temps qui n’est pas sans rappeler …. le Da Vinci Code, par sa structure en énigmes et sa course poursuite.
Comme son cousin le “page turner” américain, l’énigme prend le lecteur pour ne plus le lâcher. Pourtant, l’oeuvre est bavarde, très descriptive par le texte, jusqu’à l’excès. Si c’était un peu le cas dans les originaux, nos deux auteurs d’aujourd’hui ont abusé de cette figure de style. Plus gênant pour moi, le positionnement temporel manque de clarté. J’ai noté quelques anachronismes dûs à un manque de recherche du scénariste. La recherche de ces erreurs peuvent aussi constituer une énigme pour le lecteur, cela dit.
Le Colonel Olrik, méchant habituel, est bien présent mais d’une manière indirecte. Si c’est original, je trouve tout de même qu’on perd en effet de surprise tout le long du récit. Finalement, je ressens les tentatives de modernisation du récit par les auteurs, tant dans le scénario et la psychologie des héros, que dans des petits détails de dessin et de colorisation. Avec ce 24ème épisode, les héros prennent de l’épaisseur. Nous sommes maintenant arrivés à un stade où il y a autant d’épisodes écrits par Jacobs que par des auteurs tiers. Tout cela reste globalement cohérent, même si j’ai zappé quelques uns des derniers opus
Malgré les quelques défauts, j’ai passé un bon moment à retrouver mes héros. Les renvois de bas de page m’ont même donné envie de relire leurs premières aventures, et c’est aussi le but de ces continuations. Les Blake et Mortimer sont toujours des BD à part, je trouve, par ce style très littéraire. Il y a de la nostalgie, c’est vrai, comme un vieux film de science fiction ou un vieux polar, mais ça marche toujours. Comme quoi, les grands héros sont intemporels.