Géopolitique - Les "Palmyres" oubliés
Alors que la ville de Palmyre et ses ruines continuent d’être un enjeu de communication pour le régime de Damas, on oublie que dans les guerres, il y a eu d’autres Palmyres, ces vestiges historiques sacrifiés.
Dans notre vision Européenne, nous nous souvenons évidemment de toutes les destructions des bombardements de la seconde guerre mondiale. La ville du Havre a été rasée par les bombardements américains en France et n’a plus la physionomie du passé. Paris et ses monuments ont échappé au pire. En Allemagne, c’est Dresde qui vient en mémoire.
Par Deutsche Fotothek, CC BY-SA 3.0 de,
C’est le camp dit “du bien” qui fut coupable de cette destruction et on considère cela comme nécessaire, sans doute. La photo ci dessus montre le patrimoine architectural détruit dans cette ville. Dans le cas de Palmyre, il y a eu utilisation du symbole comme propagande par les deux camps. Ce n’est hélas pas le seul cas. Napoleon croyait en la valeur symbolique de la prise de Moscou et pourtant la ville fut détruite par un incendie (ordonné par Feodor Rostopchin) et le Kremlin a été aussi partiellement détruit ou pillé par les français. Des centaines d’églises le furent aussi, ainsi que des trésors littéraires inestimables dans les universités et bibliothèques de la ville.
Pendant la guerre du Vietnam, de nombreux vestiges de la civilisation vietnamienne ont été détruits par les bombardements aveugles. Il y a notamment la citadelle de Hué, ancienne capitale impériale qui n’avait rien à envier à la cité interdite de Pekin du temps de son prestige. Elle contenait des trésors de l’histoire qui ont été détruits et disseminés, rajoutant encore au mystère qui entoure l’histoire vietnamienne.
Aujourd’hui, la citadelle est en restauration car il existait de nombreuses photos du lieu. La Bataille de Hué fut une des plus meurtrière lors de l’offensive du Têt. La citadelle avait été prise très tôt dans l’offensive nord-vietnamienne. Pendant 28 jours, elle sera le théâtre d’âpres combats. Dans les premières heures, ordre avait été donné aux américains de ne pas bombarder la citadelle pour sa richesse culturelle et historique. Mais le réalisme de la guerre l’a emporté et 90% des bâtiments historiques furent touchés. Hué fut aussi par la suite le théâtre d’une épuration politique, pour des raisons autres que symboliques. J’aurais pu parler aussi de nombreux temples Cham qui furent des refuges pour les combattants et en subirent les affres.
On pense peu aussi aux richesses des villes japonaises de Nagasaki et Hiroshima, tout comme on a oublié les destructions commises par le régime de Staline, celui d’Hitler, de Mao, mais aussi les richesses culturelles des guerres indiennes aux États-Unis. L’utilisation de part et d’autre de ces vestiges comme monnaie d’échange, argument de communication est aussi ancien que la civilisation. On a aussi des sortes d’exceptions, comme la fameuse Basilique Sainte Sophie d’Istanbul, qui au lieu d’être détruite par son conquérant, fut convertie en Mosquée par Mehmet II et surtout restaurée par l’architecte Sinan qui s’en inspira par la suite pour d’autres constructions. Il s’agissait alors d’une prise de guerre, un trophée qu’on arbore et que l’on fait sien. Au moyen orient, nombreux sont les sites à ne pas avoir eu cette chance.
A Jerusalem, aujourd’hui, l’esplanade des mosquées et celle d’Al Aqsa sont des exemples de ces destructions perpétuelles. Le temple de Salomon s’est élevé là, dit-on. Les chrétiens détruisirent le lieu, puis les musulmans y bâtirent une mosquée. Le lieu est revendiqué par des membres de ces trois religions, pourtant si proches. Et l’on pourrait continuer longtemps la litanie de cette utilisation des merveilles architecturales dans les guerres. Elles représentent des cultures, des peuples et en les détruisant, on croire détruire la mémoire, ce qui soude le camp adverse. Parfois elles ont justes été au mauvais endroit au mauvais moment.
Mur sud de la Mosquée par Kirk Miller
Alors on pleure aujourd’hui le Palmyre déjà en ruine depuis des siècles. On ne parle pas des pillages des ruines antiques dans les siècles passés non plus, mais Palmyre a la chance d’avoir des témoignages de son état passé. Comme les temples Khmers que l’on tente de rebâtir comme des puzzles, il viendra un jour où l’on reconstruira cette splendeur. Mais je ne peux m’empêcher de penser à toutes les splendeurs détruites par la main de l’homme, celui là même qui est capable de construire ces merveilles et que nous ne reverrons pas.