Géopolitique - Puerto Rico, la Grèce de l'Amérique
Porto Rico ou Puerto Rico est un archipel d’îles des Caraïbes qui apparait très peu dans l’actualité. Et pourtant, aujourd’hui, il se retrouve en pleine banqueroute. Pourtant, ce territoire est considéré comme dépendance des USA, sans en avoir le statut d’état.
Ce statut particulier ne facilite pas le sort des habitants de San Juan et des autres iles. Pour schématiser, Porto Rico se situe entre l’Etat américain et le Pays, n’ayant ni les avantages de l’un, ni de l’autre, mais cumulant les inconvénients. Par exemple, Porto Rico ne peut pas bénéficier de la possibilité de faillite offerte aux villes américaines comme Detroit. Mais d’où vient ce statut si particulier de Territoire Non Incorporé?
Porto Rico a été, comme Cuba et les Philippines, pris par les Etats-Unis en 1898 au royaume d’Espagne. Mais contrairement à la grande ile voisine des Caraibes, Porto Rico ne va pas accéder à cette autonomie souhaitée après la seconde guerre mondiale. De manière similaire au Cuba d’avant Castro, Porto Rico est dépendante économiquement des Etats-Unis, la dictature de Batista en moins. C’est Luis Muñoz Marín qui est l’artisan de cette transition “en douceur”, alors que Cuba a été agité par des massacres et exactions depuis le début du 20ème siècle. Pourtant, depuis la fin de l’ère Marín, les partis au pouvoir ne cessent de réclamer un véritable statut d’Etat des Etats-unis ou de pays, et non une pseudo-indépendance qui justement, les laisse très dépendants, demande appuyée par l’ONU.
Dès 2006, la situation de Puerto Rico (comme on doit l’appeler maintenant), est critique financièrement. Le gouvernement portoricain est alors en grave déficit, ne pouvant payer les fonctionnaires. La Banque de Développement du territoire approuva un prêt en échange de réformes sur les taxes. S’en suit une crise politique autour de cette question qui aboutit à des manifestations et des grèves générales. La situation vient d’un système d’émission d’obligations particulièrement attractives (depuis 1973, soit la fin de l’ère Marín avec exemption des taxes quelque soit la localisation du possesseur), pour compenser la dette. Mais lorsque le seuil de la dette a atteint 68% du PIB, les agences de notations ont déclassé ces obligations, entrainant alors ce cataclysme financier. Sans obligation, la dette n’est plus solvable.
Mais Puerto Rico paye aussi son incapacité à avoir des rentrées financières par ses ports, à cause du Jones Act de 1920, obligeant les marchandises à transiter d’abord par les Etats-Unis avant d’arriver sur l’ile. Cela impacte fortement le prix des denrées et donc le niveau de vie des insulaires. D’autant que les salaires sont inférieurs à ceux des Etats-Unis et que l’Etat doit subventionner largement les installations d’Entreprises pour compenser ces coûts fixes. Le Sénateur Mc Cain a proposé un ammendement au Jones Act en 2015, sans suite… Et contrairement aux états des USA, Puerto Rico touche moins de fonds fédéraux, même en tenant compte des réductions de taxes; Des taxes inexistantes sur les obligations. La politique monétaire n’étant pas indépendante de celle des USA, Puerto Rico ne peut pas non plus agir sur sa monnaie. Sans réserves naturelles énergétiques, Puerto Rico est aussi dépendant de l’approvisionnement des USA dans ce domaine. Beaucoup d’inconvénients qui finissent par faire émigrer les portoricains vers les Etats-Unis (il y a plus de Puerto Ricain aux Etats-Unis qu’à Porto Rico aujorud’hui), et à demander plutôt un statut d’état américain.
Mais si l’on compare à la Grèce, on remarque des similitudes dans le fait que ce sont les établissements financiers qui ont profité longuement des largesses fiscales de Puerto Rico. Ce sont eux aussi aujourd’hui qui réclament des créances poussant l’ile vers la banqueroute et la cessation de paiement. Cette cessation de paiement a aussi pour conséquence de ne plus pouvoir payer les fonctionnaires, ne plus ouvrir les écoles, de perturber le système de santé, etc…. Des conséquences que nous avons vu en Grèce également. La Crise devient humanitaire ! Certains experts proposent des coupes drastiques dans les dépenses afin de retrouver la confiance des marchés pour emprunter à court terme et payer les dettes… En 2009, il y a eu déjà la suppression de 12500 fonctionnaires (près de 10%) et le chomage s’élève à 16% aujourd’hui. Ce mécanisme ne vous rappelle rien? De l’autre coté, on réclame la loi de Banqueroute applicable aux Etats-Unis, mais qui aboutirait probablement à des coupes similaires. Le problème de fond de Porto Rico est bien son développement économique, dont 20% est orienté vers…. la Finance et l’immobilier, le reste étant dans une manufacture peu compétitive sur les marchés internationaux, du fait des handicaps vus précédemment.
Puerto Rico semble dans une impasse, tant que son statut n’évoluera pas afin de rebâtir son économie. Trop dépendant au niveau de l’énergie, esclave d’une économie US tournée vers la finance, l’archipel-état est dans une asphixie entretenue virtuellement par des établissements financiers qui ont largement profité de la situation des années durant. On ne peut pas dire que les Portoricains ont vécu au dessus de leurs moyens mais qu’ils ont simplement été orientés sur la mauvaise voie, comme tant d’autres économies dans le monde (cf politique de la Banque Mondiale et du FMI). L’ouverture entre Cuba et les USA s’accompagnera-t-elle d’une évolution pour Puerto Rico ? C’est à souhaiter.