Automobile - Le mythe de la productivité
Non, ce billet n’est pas politique, même si les politiques usent allègrement de ce terme de productivité pour faire croire qu’un pays n’est pas assez “compétitif”.
Car si l’on observe le graphique ci-contre, montrant le nombre de véhicules produits par travailleur dans les pays d’Europe, on tombe inévitablement sur des surprises. La France est en effet au dessus de la moyenne, devant l’Allemagne ou la République Tchèque, mais derrière l’Espagne, la Belgique ou la Slovaquie. En queue de ce classement, on retrouve les pays nordiques mais aussi la Roumanie, terre natale de Dacia, la marque low-cost du groupe Renault-Nissan. L’italie semble bien loin, comme la Pologne dont certaines usines sont pourtant des modèles de robotisation avec les productions coréennes.
Mais pour être exact, il faudrait aussi rajouter le coût horaire de la main d’oeuvre (et parler aussi des conditions de travail). La Belgique fait partie des coût les plus élevés, avec 10 fois plus que la Roumanie, selon des chiffres Eurostat 2016. La France est à 8 fois la Roumanie, un peu en dessous de l’Allemagne et à peine au dessus de la moyenne. L’Espagne est à 5,5 fois la Roumanie…. à comparer avec une production 5,5 fois plus lente. Evidemment, dans tout cela, on ne parle pas de la qualité des produits ou de la complexité différente de la manufacture, du taux de robotisation de l’appareil de production. Il faut quand même remarquer que des produits premium sont fabriqués aujourd’hui dans les pays de l’est ou l’Europe du sud (par exemple, Audi produit en Belgique et en Hongrie). Difficile aussi de comparer la part des côtisations sociales puisque le modèle social est aussi financé différemment et avec des qualités différentes. Je n’entrerai donc pas dans ce terrain plus politique. Ces chiffres ne font pas état non plus de crédits d’impots, subventions accordées pour l’implantation d’usines.
Mais il est intéressant de constater que l’on élève en modèle des pays qui n’en sont plus vraiment… Pour rappel, le palmares de la production européenne a largement évolué en 34 ans :
Mais si la part de l’Allemagne a augmenté (grâce aussi à la gentrification de ses marques), et l’Italie sombré dans le néant, le mouvement de délocalisation commence déjà à toucher nos voisins d’outre-rhin avec des fermetures programmées et un marché qui se déplace vers l’Asie. L’arrêt du marché russe a aussi eu une part dans l’évolution. La productivité de la Chine est aujourd’hui assez comparable à la Roumanie, tandis que la Corée a un coût horaire approchant déjà la moitié de celui de l’UE, la Chine étant encore plus basse dans ce domaine que la Roumanie de 30% (chiffre évoluant très rapidement à la hausse chaque année tout de même). Et comme la Production en Europe stagne depuis 15 ans, voir baisse jusqu’au niveau des années 80, il y a de quoi se dire que la productivité reste une donnée anecdotique par rapport à la demande et l’obsolescence.
Aujourd’hui, il faudrait aussi rajouter le Maghreb, nouvelle terre d’investissement pour sa proximité, sa main d’oeuvre qualifiée, et … pour son marché trop longtemps délaissé par les européens. A ce petit jeu, l’équilibre productivité / coût jouera non seulement contre la main d’oeuvre des grands pays européens mais aussi peu à peu contre les pays de l’est les plus en pointe. Aux Etats-unis, c’est une concurrence entre états et “partenaires” de l’ALENA qui a changé le paysage avec une baisse du niveau de salaire. Quant aux modèles, il y a quelques années que les modes ne sont plus dictées par l’Europe. La productivité n’a donc finalement que peu à voir dans les choix et le consommateur devrait se souvenir de la part considérable qu’ont pris les sous-traitants par rapport aux usines terminales… une information non fournie dans l’étiquetage.