Blog - Le danger de l'anti-"fake news"
C’est la nouvelle lubie de l’internet : Combattre les “fakenews”, ces informations mensongères qui pourissent la vie des réseaux sociaux, des campagnes électorales et pervertiraient les cerveaux.
Ce qui a poussé à ça est connu : L’élection de Donald Trump et la manière qu’il a de tourner des évènements à son profit. Je ne vais pas sortir ma carte “Point Godwin” mais ce n’est pas le premier dans l’histoire et il ne sera pas le dernier. Pourtant, un point échappe à l’analyse : La presse et les politiques sont pointés sans arrêt du doigt pour leurs “mensonges”, leurs oublis, et pas que par de sombres sites conspirationnistes. Des candidats à la présidentielle utilisent même ces arguments pour dire que la presse serait “aux ordres d’officines”. Alors si on suit cette logique, tout le monde donne donc des “fake news”, des fausses informations?
Pour contrer cela, les journaux “dits sérieux” ont dégainé des services dédiés à démasquer ces horribles manipulateurs. Petit souci, ce sont justement des journaux qui sont aux ordres de grands groupes financiers, et le prix Renaudot 2016 (que je chroniquerai prochainement) parle des conséquences de cela. Des articles ont montré les grosses failles de leur système, notamment dans l’affaire Wikipedia. Les Decodex amusent un peu plus la galerie qu’autre chose. Aucune personne adepte des sites “alternatifs” ne mettra les pieds sur ces outils. Le lectorat de cette presse fond au soleil (zut, l’été revient) et beaucoup préfèrent s’amuser à regarder une vidéo youtube dénonciatrice que lire un dossier du Monde. A coté de ça, on a des sites comme Acrimed, plus indépendants mais avec aussi des orientations politiques, qui décodent les erreurs et manipulations des médias, ou bien des périodiques d’information vraiment indépendants économiquement ( Mediapart, Canard enchaîné, monde diplomatique…) mais mis en cause par les accusés comme opposés à eux (ça change comme la majorité).
Car un média, télévisuel, écrit ou autre, donne une interprétation de la réalité, via un angle d’attaque. Prenez une même nouvelle, quelque chose que vous avez vécu par exemple, et regardez la retranscription de plusieurs médias et vous trouverez des manques. Regardez comment en parlent d’autres personne et ce seront d’autres manques. Regardez ensuite comment les gens reçoivent cette information et ça sera encore différent. C’est tout le problème de la communication humaine et qui se retrouve dans les Internet. Donc il y a un choix, un consensus trouvé pour une interprétation et faire le tri en amont revient à restreindre ce choix.
Le problème vient des organismes qui vont faire ce choix Facebook et Google font déjà ce choix et le renforcent, donnant une interprétation très américaine et puritaine. Le Monde aura aussi sa version parfois très sociale libérale tandis qu’on aura une autre variante chez Le Figaro (pas toujours différente) , fakir ou que sais-je encore. Sputnik ou Russia Today en ont une autre, très criticable, qui parfois aussi à ses parts de vérité mais seront censurés par ces filtres. Et nous, dans cette nouvelle guerre froide de l’information, nous retrouvons à être guidés par un camp auto-proclamé du bien. Tout ça rappelle presque la sombre époque du MacCarthisme. En effet, sans y prendre garde, on entre dans un nouvel organe de censure qui, en voulant nous protéger de fausses informations, nous met entre les mains de multinationales et de puissances financières qui suivent leur propres intérêts. On a déjà vu par le passé Google ne pas mettre en avant une messagerie chiffrée concurrente de gmail dans les résultats de recherche et cela se remarque de plus en plus. On constate déjà les choix éditoriaux de google news. Et bien ce sera pire. L’autre alternative proposée étant de passer par les gouvernements, je vous laisse deviner le résultat.
Il faut quand même regarder comment est “consommée” l’information. Autour de moi, je vois des applications de smartphone de médias assez simplistes (Le Parisien, 20 minutes…) ou bien du Facebook où le flux mélange tout et n’importe quoi, entre les partages des amis et les flux des sites d’info. Et puis sinon, il y a donc google news mais pas mon flux RSS préféré, sauf évidemment dans ma famille, tyran que je suis. Bref, tout ça donne quelque chose de très sujet à ces filtres et ces choix éditoriaux. Et comme en plus la profusion d’information crée un reflex de repli dans sa bulle, on a tendance à n’aller voir que ce qui nous conforte dans notre opinion déjà préfabriquée.
La seule alternative possible, mais qui aujourd’hui est totalement absente, reste d’éduquer à la “lecture” des médias, des informations. l’apprentissage par mimétisme avec les parents, ça ne marche pas, puisque c’est justement notre génération et celle passée qui tombe déjà dans ce piège, et pas seulement les jeunes des générations Y, Z, …Comment montrer de manière neutre et où le faire ? Cela me paraît le rôle de l’école et notamment de matières comme l’histoire-géographie qui sont friandes de données et de recherche. Je pense que mes excellentes profs de lycée auraient fait le job comme certains le font aujourd’hui. Par exemple, nous avions fait un travail approfondi sur le traité de Maastricht (ça vous donne mon age, ah, ah), sans que l’opinion politique de la prof ne transparaisse puisque nous avions le document brut et non des opinions. Aujourd’hui, il est paradoxalement difficile de lire un document de ce genre in-extenso dans la masse des résultats de recherche. C’est aussi une forme d’apprentissage du langage, comme on peut le faire dans les classes primaires surtout quand des parents trouvent intelligent de se débarrasser des gamins en leur filant tablette et télévision. Mais comme on pense plus à façonner de bons petits soldats que des personnes aptes à développer une réflexion par elles mêmes, on en arrive à passer totalement sous silence tout cela. C’est bien dommage et la fiction des auteurs de SF et anticipation se trouve presque dépassée aujourd’hui.
A nous d’être nos propres héros….