Automobile - Des nouvelles du marché Vietnamien
Quelle métamorphose depuis mon dernier point ! Si les ventes sont enfin fidèles aux espoirs des investisseurs, elle montrent aussi la mutation de la société vietnamienne. Au delà de l’analyse barbante des chiffres, on peut y voir la métamorphose d’un pays.
Du point de vue purement comptable, le changement principal vient du fait que Toyota, autrefois titulaire de la moitié du marché, ne possède plus qu’une part de marché de 34% dans les véhicules particuliers. Il y a trois ans, j’aurais parié sur les coréens pour prendre le leadership Que nenni puisque c’est un nouvel entrant, Mazda qui est arrivé en 2013, qui rafle aujourd’hui la troisième place avec 19,3% du marché VP, à peine derrière Kia (quand même) à 20,3%. Chevrolet/Daewoo est passé en 7 ans de 15 à 5% du marché ! Honda, que l’on donnait pour mort, a changé complètement sa stratégie, tout comme Mitsubishi, Nissan et Suzuki, au point que Ford stagne mais nous allons voir pourquoi? Quant à Peugeot, les ventes restent confidentielles. Mercedes, Fiat et les marques chinoises ont disparues ou presque, alors qu’Isuzu perce sur les SUV. Le seul constructeur local, Mekong, ancien partenaire de Fiat, vit sur le modèle nord-coréen Pronto, une ancienne Toyota Land-Cruiser.
La mutation vient d’une percée à nouveau forte des véhicules d’entrée de gamme du segment A ou B (taille Clio, 208 ou plus petit) et du segment M1 (taille 308, Golf). Pour le segment B, il s’agit de primo-accédants des classes moyennes qui achètent des véhicules très bons marchés. Autrefois c’était la Toyota Vios (une Yaris à coffre), tandis qu’aujourd’hui, c’est la Mitsubishi Mirage, la Kia Morning (la Picanto), la Honda City (une Jazz avec coffre), des véhicules pensés pour ces marchés émergents d’Asie du Sud-est, notamment avec des boites CVT. Le segment M2, représentant le véhicule statutaire, ne perce plus. Le SUV prend la place et rappelle que les routes ne sont pas toutes du billard comme les nouvelles “autoroutes” des grandes villes.
La distinction M1/B est devenue peu évidente entre les berlines à coffre issues de citadines et celles issues des compactes. Mais au vu de ce marché, on comprend un peu mieux la sortie de petits SUV accessibles, des berlines compactes à l’aspect SUV et donc le succès du Renault Kwid en Inde. Car comme en Inde, la classe moyenne cherche un premier véhicule qui paraisse malgré tout statutaire et non plus un MPV/Monospace pour emmener toute la famille. La baisse des impôts sur ce secteur économique et le redémarrage de l’économie font le reste. Il faut dire aussi que le réseau se modernise, que les villes grossissent et que les centre-villes deviennent trop chers pour se loger.
Le seul constructeur français présent, Peugeot, a totalement raté ses objectifs en ne regardant pas les forces en présence (Ford s’y est cassé les dents depuis 15 ans). Avec la 2008, le challenge est compliqué car mécaniquement, la voiture est mal adaptée à la conduite du pays (boite de vitesse notamment). La Peugeot 408 était elle issue de l’ancienne 308 et totalement dépassée par les compactes japonaises et coréennes. Introduire la 208, la 3008 et la 508 est étrange pour au moins 2 modèles. La première parce qu’elle n’a aucune version à coffre, la dernière parce qu’elle est dépassée et sur un segment en perte de vitesse. Seule la 3008 pourrait tirer son épingle du jeu dans sa vocation enfin mondiale. Mais pourquoi pas de 301, même si le segment est très concurrentiel, ou encore la nouvelle 308 à coffre ? L’urgence reste tout de même dans la fourniture de mécaniques robustes et simples pour des personnes ayant l’habitude des boites à variateurs de motos/scooters.
Ce que ne disent pas ces chiffres, c’est qu’en parallèle, les grandes villes se modernisent, faisant table rase des quartiers historiques, installant des transports en commun tout autant que des périphériques et des ponts. La moto ne sera bientôt plus la bienvenue et on verra éclore des parkings aériens comme dans d’autres mégalopoles asiatiques. Mais cela signifie aussi que, comme au Kenya, les usines de montages en CKD laisseront un jour place à de véritables usines terminales, dotées d’une main d’oeuvre déjà bien formée par Japonais et Coréens…mais expatriée aujourd’hui. Déjà la Saigon que je connaissais n’est plus. Hanoi suit le même chemin avec ses spécificités (bâtiments officiels, lacs…). Même si la marché a quasiment doublé en trois ans, je ne pense pas que l’explosion se poursuivra de manière aussi régulière. Les constructeurs risquent de déchanter, comme Honda il y a quelques années, à ne pas anticiper les mutations extrèmements rapides. Les champions d’aujourd’hui sont bien fragiles. A l’année prochaine.