Travail - Quand tu te crois "Casque Bleu"
Ah ça me manquait, les cours de récréation… Enfin, pas tant que ça mais dès fois, au boulot, tu vois que l’on régresse dans le comportement jusqu’à un point de blocage.
J’ai changé un peu d’activité et on a regroupé deux services, le mien et un autre dont je connais quelques individus depuis plus de 10 ans. Je me retrouve le seul (en dehors de mon chef) à être entre ces deux entités, ces deux activités, ce qui déjà n’a rien de facile à gérer. Chacun a son mode de fonctionnement et on a prévu de converger peu à peu vers un seul. Donc déjà, il faut éviter de dire que ce sont toujours les mêmes qui ont raison. Dans les deux, on a une population composée de cadres, de techniciens, voir d’ouvrier dans celui d’où je viens, et des ages allant de 25 à 55 ans. Dans mon service d’origine, on s’est toujours efforcé de garder une ambiance joyeuse et conviviale, de parler et trouver des solutions ensemble, même si ces derniers temps, il y en a un qui attrape la grosse tête et que plus personne ne sait vraiment ce qui se passe sur le terrain au niveau manager. Il y a parfois des frictions mais la communication fait le reste. J’ai toujours ma petite burette d’huile pour en mettre dans les rouages mais aussi “gueuler” quand ça ne va pas (plutôt exploser… mon défaut tous les 3 ou 4 ans). Sauf que là, on récupère des personnes avec un autre historique, un service qui est issu lui-même de la fusion de deux sites, des gens qui étaient sous la coupe d’un véritable dictateur…
La géopolitique montre que sortir d’une dictature est très complexe. C’est souvent une période d’anarchie ou de tensions, où chacun veut grappiller quelque chose, accéder au pouvoir à son tour. Dans le monde du travail, c’est un peu pareil et les vieilles rivalités qui étaient maintenues sous l’éteignoir, se retrouvent alors en pleine lumière. Il n’a pas fallu plus d’un mois pour que je me fasse un premier avis, et trois mois pour que cela explose, au grand dam de mon nouveau chef. Étant amené à travailler avec tout ce petit monde, j’ai l’impression d’être dans Sniper Alley à Sarajevo. Alors j’ai sorti mon plus beau casque bleu et je suis parti au combat…ou plutôt non, j’ai essayé d’éteindre le conflit. Et pour cela, il faut déjà essayer de ne pas prendre parti car au final, tout le monde a tort. Remonter aux racines du conflit ne sert finalement pas à grand chose. C’est un peu comme chercher l’origine du conflit israelo-palestinien, c’est sans fin. Faire oublier ce qui se passait avant, c’est peut-être la clé.
Alors tu saisis** le sujet clivant du moment**, celui qui déchaîne les passions et sans demander la permission, tu t’en empares après une période de réflexion. Il ne faut pas rêver, aucun ne veut travailler avec “ceux de l’autre camp” et j’imagine aussi avec ceux de mon service. Il faut aller voir les uns, discuter, les laisser vomir leur bile, prendre ce qui en sort de bon, aller voir les autres, faire de même, expliquer les intérêts techniques, ne pas afficher que ça vient d’untel mais de plusieurs. Pour un sujet qui devrait prendre 10 minutes, on passe déjà par 3h de palabres puis 1 réunion d’1h30 après avoir laissé murir le sujet. Ca me désespère mais peut-être qu’à force de grignoter les efforts de chaque coté, on va réussir un truc. Dans ces moments, on se dit que l’humain est vraiment un cas. Là, je sais que ce petit sujet de rien du tout n’est qu’une étape, qu’il faut le faire vivre, puis le faire oublier surtout, pour ne pas refaire surgir l’origine. Il pourra être utile pour montrer d’où on est parti. Mais surtout, il va falloir que certains se rachètent une virginité. A se demander si ce n’est pas comme après une “libération” ou une révolution dans un pays.
un navire en perdition (casque bleu, le film)
J’essaie d’utiliser la neutralité de l’animateur de réunion de travail comme rempart. Il faut alors faire abstraction de certaines considérations personnelles, des affinités. Il y a toujours des personnes qui sont dans la séduction, d’autres dans l’enfermement, et d’autres dans une neutralité de façade. J’essaie de ne pas être dupe mais surtout de ne pas rester dans cet environnement de tension. Il faut savoir sortir de la zone du conflit pour ne pas se laisser bouffer, basculer dans un camp, garder un œil suffisamment extérieur. Je vois bien qu’il y en a qui “crient au secours”, pourtant. Je ne suis qu’au début d’un grand chantier qui va me faire à la fois changer moi même de modes de fonctionnement tout en en “vendant” d’autres. Passer d’un système verrouillé et fermé à quelque chose de plus ouvert, ça pourrait se comparer à passer d’un Windows 10 à une Archlinux, ah ah. Au début, on va se chercher, perdre un peu de temps mais quand ça marchera, ça sera diablement efficace. J’en ai déjà bluffé avec ce qu’on sait faire dans l’équipe où j’étais : Efficaces, rapides, solidaires, on sait répondre à quasiment tout ce qu’on nous demande avec en plus cette satisfaction d’avoir participé à une œuvre collective. Mais on manque encore d’anticipation. Pour le reste, on désamorce vite les risques, avec notre pointe d’humour habituelle.
Après, il y a aussi une hiérarchie au dessus, qui tiens aussi ses discours, chez qui certains se précipitent pour pleurer ou balancer le petit copain. Et j’ai aussi parfois l’impression d’un double discours, que personne n’est là pour trancher, pour imposer certaines actions avec des pilotes et des délais. Je commence à avoir l’habitude de ce genre de personnages proches de l’anguille et qui font leur chemin dans l’entreprise…contrairement à ceux qui sont réellement efficaces et compétents dans leur domaine technique. Bon, après trois semaines où je n’ai pas compté l’énergie passée à convaincre chacun, on a un document et une méthodologie issue de cela et qui a montré que ce que certains donnaient pour inutile au départ est pourtant un sujet technique, économique où il a fallu amener du suivi, de la qualité. En positivant, j’ai montré que chacun a apporté sa pierre à l’édifice contrairement à l’habitude de travailler par clan ou en solo. Reste à le faire vivre, à le suivre comme un plan d’action et c’est souvent là que ça pèche. Le chef est content mais qu’il ne se réjouisse pas trop vite. Les jalousies sont encore fortes, ce que j’ai du mal à comprendre… D’ailleurs, depuis que je suis parti de l’ancienne équipe, ça commence déjà à se fritter !
Allez, je parlais d’hommes (et de femmes évidemment mais humain ça ne marchait pas pour le jeu de mots) au travail, justement, et de gens qui sont hors du temps :