Blog - Le faux progrès et la fausse nouveauté
A l’heure où l’on a réussi à vendre des idées conservatrices emballées dans un beau “packaging” tout neuf, je trouve intéressant de se pencher sur ce conservatisme ambiant qu’on déguise en nouveauté dans tous les domaines.
Évidemment, je peux commencer par l’Automobile, où je me suis endormi depuis quelques années devant le manque d’innovation stylistique qui vient même dans les concept-cars. Moi qui ai acheté un véhicule qui avait presque 15 ans d’avance à l’époque, avec un style en “rupture”, je m’entendais et m’entends encore dire dire que c’est moche par des gens qui achètent des choses qui ne comprennent aucune innovation, pas même technique et qui sont d’une banalité à (me) faire peur. A l’heure de la domination du SUV dans le monde, aucune tendance stylistique ne ressort vraiment de ces années 2000 et 2010. Les innovateurs ont été avalés et mis de coté pour mettre en place des codes plus rétros et une mise en avant du logo de la marque par rapport au style. Dans les marques leaders et particulièrement Volkswagen, et ses marques Audi, Skoda, on décline le même style décennies après décennies dans une épure et un classicisme déprimant comme un costume Hugo Boss. Chacun ses goûts, après tout…
Mais dans des domaines plus techniques, comme l’informatique, a-t-on réellement vu de l’innovation ces dernières années? MacOS X ronronne désespérément et je cherche vraiment ce qu’a pu créer Apple depuis 15 ans en dehors de services. Ni le téléphone tactile, ni le téléphone connecté, ni le PDA …. (ah si, le Newton?). Google n’a pas fait mieux non plus entre ses chromebooks qui ne sont que des netbooks repackagés, et ses produits nexus sans âme. Continuons dans le Hardware où l’on se contente d’ajouter des coeurs aux processeurs, et des cellules aux disques durs, qui ont repris eux-même le principe des clés USB. On reste dans l’évolution pas dans la révolution coté architecture des ordinateurs personnels avec les mêmes goulots d’étranglement qu’on agrandit juste un peu plus à chaque fois parce qu’il y a plus de données à passer. Coté soft, a-t-on vu une révolution dans les interfaces ? Pas vraiment dans le classique PC avec même un repli stratégique de Windows qui a hésité dans la rupture. Coté GNU/Linux et ses desktop, je ne peux pas dire qu’on sorte un truc innovant (pas même Budgie desktop) et le tactile a maintenant stabilisé son interface. L’innovation est d’ailleurs souvent conspuée (Unity, Gnome3…). Là encore, ceux qui ont voulu innover (Microsoft, Ubuntu, Mozilla…avec modération) se sont cassés les dents devant le conservatisme de la clientèle. Et pourtant, on nous vend à chaque fois un nouvel android ou un nouvel ios qui ne change pas vraiment, se contentant de repeindre la façade, ou de reprendre une astuce apparue chez le concurrent. Le marketing, le mot “nouveau” matraqué, l’image de marque vont faire le reste.
1951… le rétrofuturisme pour nous asservir ?
Mais prenons ce qu’on annonce encore perpétuellement comme l’innovation : La réalité virtuelle ? Cela fait 20 ans qu’on parle de ça cycliquement, avec un échec tout aussi cyclique, que ça soit la Virtual Boy de 96 ou tant d’autres bricolages jusqu’à l’oculus rift et les ridicules “casques” en carton où mettre son téléphone. Par contre, cela fait bien plus de 10 ans qu’on l’utilise couramment en conception automobile mais le grand public c’est autre chose. On peut mettre aussi dans le lot tous les univers virtuels comme Second Life ou le Deuxième Monde. La nouveauté ne marche pas toujours, surtout quand il s’agit de faire vivre à l’utilisateur un monde trop proche du monde réel, avec les codes humanoïdes et de la gravité terrestre.
Il ne s’agit pas de mettre “nouvelle recette” sur un produit pour nous faire croire que c’est mieux. D’ailleurs dans l’agroalimentaire, c’est souvent beaucoup moins bien et l’occasion de se faire plus de marge. On nous rajoute du “produit de l’année” autoproclamé un peu partout et jusqu’en politique, donc. On aura quand même réussi à nous vendre un pain de mie sans croute, aberration consumériste qui fait oublier tout le gâchis qu’il y a avant. Là aussi, on fait croire à une innovation géniale qui cuirait le pain sans que ça crée une croute autour. On a aussi le lait sans lactose dont on fait croire que c’est une vache dans un champ qui le produit. Et donc aujourd’hui on aura eu notre Twitter “nouvelle recette” “sans gluten”, ou bien le Facebook sans OGM après le forum sans phosphate… suivez mon regard. Au cinéma, on enchaine les suites, les films de superhéros et les biopics et remakes. Le spectateur ne prend aucun risque, n’a aucun sentiment mais se distrait, en attendant le prochain, sans savoir vraiment pourquoi. Cyrille n’a pas accroché justement à Rogue One, quand j’y voyais moi même un bon produit mais sans plus.
On peut parler aussi de cela sur les réseaux sociaux….Et on peut le constater sur framasphere.org tout comme aujourd’hui sur mastodon: tout nouveau, tout beau. La nature humaine est ainsi faite à chercher des nouveautés tout en voulant se rassurer. On en aboutit à ces paradoxes de voir cycliquement des modes identiques, de reprendre de vieilles recettes habilement renouvelées sans que la nouvelle ne soit justement meilleure. La forme l’emporte sur le fond, ou alors le fond est travesti. On parle de réformer comme un bien, en oubliant que l’on peut changer en mieux mais aussi en pire, lorsque c’est un retour en arrière. Le futur d’aujourd’hui ne ressemble pas à celui d’hier, d’ailleurs.
On nous ressort souvent l’exemple du futur tel qu’on le voyait après guerre, les voitures volantes, etc… L’an 2000 me faisait rêver quand j’étais petit et maintenant j’y suis et je ne vois plus beaucoup de ces rêves pleins d’optimisme. Cousteau voulait conquérir l’Océan. Les séries nous montraient la colonisation de la Lune ou de Mars. Qu’est-ce que tout ça est devenu dans ces deux générations qui sont passées? Maintenant on rêve de produits, de fringues, d’écrans plus grands, de voitures plus grosses… ou juste de survivre, ou devenir riche mais plus d’aventure, de découverte, … J’ai grandi avec Jules Verne sur la table de chevet, puis avec Tolkien, Howard, Dick, Asimov, Moorcock, tout autant que Lovecraft, des visionnaires parfois anxiogènes, et qui ont été remplacés par d’autres dans les générations qui m’ont suivies, si on oublie les les plagiats manifestes et autres refontes de ces univers (vampires, dragons, magiciens, révoltés… des recettes qui marchent). L’âge et les responsabilités ont parfois tendance à faire oublier nos rêves d’enfance, à nous faire croire qu’il faut être raisonnable, jusqu’à ce qu’on le soit à l’excès. Nous nous interdisons de vivre, peu à peu, ou bien nous transferons nos rêves dans des objets plutôt que des actes, des créations. Et quand nous nous en aperçevons, il est souvent trop tard. Je l’ai vu chez mes parents, mes grands parents…
Le futur vu par Virgilio Marchi en 1924 …
Demain sera robotisé avec des aides à notre image et à notre service, dit-on. La finance sera aussi robotisée (c’est déjà le cas), dictant ses prix par algorithmes, et ça c’est un peu moins drôle. Nos voitures iront là où on les a programmé, évitant soigneusement les chemins de traverse. Nos courses arriveront directement chez nous à l’heure programmée, nous inscrivant aussi dans des routines. Et ce temps qu’on nous fera gagner par ces nouveautés, à quoi allons nous le consacrer? Notre nature nous poussera à l’oisiveté, ou sinon à la drogue du travail, sans prendre simplement le temps de penser au chemin tracé par ces “nouveautés”. Je laisse la fin à Billy Idol
PS : si tu trouves qu’il y a trop de liens hypertextes dans cet article, c’est que tu n’as rien compris à internet et/ou que t’es trop vieux :p