Littérature - Les Planificateurs de Kim Un-Su (2016)

On connaît mal la Corée du sud. Je dirais même, on connaît mal l’histoire contemporaine de la Corée et ses particularités. Alors la littérature… Ici, il s’agit d’un polar mais pas du tout comme on en connaît.

Souvent, on a une course poursuite derrière un tueur, ou une énigme, un tueur en série, un détective charismatique. Ici, rien de tout ça. On est embarqué derrière un tueur à gage, Laesaeng. Il est l’homme de main de ce qu’on appelle les “planificateurs”, des personnes qui gèrent les contrats, les préparent, héritiers de la période sombre du régime sud-coréen (qui n’est pas terminée, si on suit encore la politique du pays), celle où la police et les militaires étaient tous puissants.

“En Corée du Sud, ­depuis l’époque de l’occupation japonaise, la bibliothèque des Chiens a été le trust le plus puissant de l’assas­sinat. Elle doit son nom étrange au fait que dans ce lieu personne ne lit, en dépit des quelque deux cent mille livres qui garnissent ses rayonnages.

Enfant abandonné, Laesaeng a été adopté par père Raton-Laveur, le directeur de ladite bibliothèque. Après la démocratisation du pays, Hanja, autre fils adoptif de père Raton-Laveur et aîné de Laesaeng, fonde une entreprise de sécurité. Avec son ­diplôme de commerce et ses méthodes expéditives, ­Hanja gagne vite des parts de marché face à une ­bibliothèque vieillissante.

La concurrence entre les deux entités mène inexorablement à la disparition de l’une d’entre elles…” (quatrième de couverture des éditions de l’aube)

Le style de l’auteur surprend. Comme pour le cinéma du pays du matin calme, tout est histoire de rythme. Ici, il est lent, contrairement à ce qu’on imagine pour suivre un tueur. Au début, on le retrouve à observer une victime, un vieil homme qui semble inoffensif. Et puis tout bascule en quelques secondes. On le retrouve dans cet étrange bibliothèque et l’auteur laisse le lecteur s’imagine le lieu. C’est d’abord une ambiance, des souvenirs, des personnages que l’on croise. A ce sujet, j’ai un problème avec la traduction : On a des surnoms comme “raton-laveur”, “poilu” mais pourquoi les franciser alors que les noms des autres sont gardés. Donner la signification en commentaire aurait suffit parce que ça me gâche le récit, sachant que ça n’apporte rien aux personnages les portant.

Laesaeng est comme en dehors de son temps, fruit d’une enfance très particulière après l’orphelinat. Il a un relationnel difficile avec les humains, du moins sur le long terme car il a pourtant des amis. Et puis il y a ses chats… Un homme qui aime les chats ne peut pas être mauvais. Alors que l’on devrait détester ce personnage, on finit par lui trouver des qualités humaines…qu’il oublie l’espace d’un instant. Il remonte le fil de l’histoire, de la sienne, puisque de tueur, il devient victime. La lecture de ce roman m’a amené naturellement à me pencher sur ce que l’on ne sait pas des années 80-90 du pays… Mais il y a de l’humour, de la sensibilité, de la romance même, à travers une galerie de personnages étonnante.

Il s’agit apparemment du deuxième roman de cet auteur. Il ne faut pas s’attendre à un dépaysement, à un voyage dans la tête d’un tueur mais simplement à un parcours très psychologique dans cette période, dans l’ombre de la réussite de la Corée du sud. Et c’est peut-être ça, la véritable victime de Laesaeng.


Ecrit le : 11/12/2017
Categorie : litterature
Tags : 2010s,littérature,LittératureetBD,policier,roman,tueuràgage

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