BD - Contes ordinaires d'une société résignée d'Ersin Karabulut (2018)
Quelle bonne idée de Fluide glacial d’éditer ce jeune auteur turque. Si l’on pense parfois à la société turque dans cette suite de contes fantastiques, il y a aussi un message plus universel.
Le titre de l’ouvrage m’a intrigué d’abord et la première histoire m’a confirmé qu’on parlerai politique internationale, révolte, et d’une société qui ne manifeste plus vraiment et élit ce qu’on lui dit d’élire, parfois avec de faux prophètes du changement. Le dessin m’a séduit aussi. il est original, varié mais toujours très fouillé avec quelques fils conducteurs entre les histoires qui composent cet ouvrage. Et puis, au fil de la lecture, je me suis délecté de ce voyage à la fois fantastique et glauque dans une anticipation très sombre.
Ce n’est pas sans apporter de la nausée, c’est sûr. il faut en passer par là. J’ai vu que la presse française regardait cela plutôt comme une peinture de la Turquie actuelle, une vision d’une jeunesse désenchantée. Et pourtant aucune des histoires ne semble vraiment ancrée dans un pays en particulier. il y a bien ce patriarcat beaucoup plus fort que chez nous, la place de la femme, qui fait penser effectivement à ce pays. Mais d’autres histoires sont plus universelles, plus européennes (la poignée de main Merkel Hollande…) ou mondiale. L’auteur y parle de l’avenir de l’Homme ou de la planète. Il y a parle aussi de nos lâchetés de tous les jours, du regard que l’on n’ose même plus poser sur les autres ou des moqueries envers les faibles et les différences.
Et puis il y a un fantastique qui rappelle beaucoup, par moment, les nouvelles d’Edgar Allan Poe. Il y a cette manière d’emmener le lecteur dans une impression de normalité même si l’histoire paraît improbable, jusqu’à une chute, un twist improbable et terrible qui arrive sur deux ou trois cases. Sur la grosse dizaine d’histoires, il y a bien quelques faiblesses mais c’est quantité négligeable face à l’excellence du reste. Une des meilleures sorties BD de l’année.