Blog - Et la santé, bordel !
Depuis quelques années, c’est devenu un sujet essentiel pour moi alors que pendant longtemps, ma carte vitale sortait peu… Mais c’est aussi devenu un sujet politique, voire philosophique.
Ah, c’est malin de me souhaiter chaque année “une bonne santé, pour ta famille et toi….gna gna gna”. Pour ce que ça m’a rapporté… Est-ce que par hasard ces souhaits n’auraient pas été sincères? Je ne peux le croire. Mais une chose est sûre, elle a bien besoin de nos souhaits, la santé. Enfin je devrais dire Le système de santé.
C’est qu’on ne se rend pas vraiment compte des choses, à force d’avoir des cartes vitales, des CMU, des mutuelles, des caisses complémentaires. On ne paye plus la santé alors tout nous paraît dû, ou pas si mal. Sauf que quand je suis à l’hôpital pour une consultation, je m’acquitte de pas grand chose. Quand je sors d’une opération, les frais sont aussi négligeables par rapport à ce que je sais d’engagé comme matériel et comme personnel. Nous ne sommes pourtant pas seuls à avoir de tels avantages en Europe, du moins en Europe du nord, mais si je commence les comparaisons, ça va parler régime de la sécu, lit par habitant, moyenne, médiane… Je ne suis pas sorti… de l’hôpital psychiatrique. Je me suis amusé pourtant à regarder les tarifs dans mon hôpital public :
Pas donné, tout ça, non? J’étais justement dans le service de chirurgie ambulatoire pour un acte de précision, le truc qui te donne une seconde jeunesse, qui te rend la vie plus… normale. La première patiente était accueillie à 7h du matin, ce qui vous laisse imaginer à quelle heure le personnel a commencé. Et je voyais les infirmier(e)s jongler entre l’accueil des patients, les préparations pour le bloc, les paperasses, et … les médicaments manquants parce que l’approvisionnement se fait au compte-goutte. Avec humour l’infirmier parlait de “flux tendu”. L’hôpital est en travaux, la climatisation déconne et alors qu’il faisait 15°c dehors, on avait un bon 25°c à l’intérieur avec des fenêtres ouvertes pour réguler la température, quand elles fonctionnent encore. Je connais ça aussi à mon travail, car on sous-traite à des gens qui ne connaissent pas bien le métier sur des installations non renouvelées depuis 25 ans au moins. Les chambres ont encore les traces de leur rôle passé. Et même pour les piles des matériels pour prendre les constantes, c’est un problème avec zéro stock, l’appel à un ami. Dans peu de temps, ils iront au Relais H flambant neuf pour en chercher. Je ne vous parle même pas des cas critiques comme Point-à-pitre.
Et pourtant, malgré ces problèmes, on nous accueille avec le sourire, avec disponibilité, avec toutes les informations. Dans cet hôpital, on est en surcharge sur bien des consultations mais on n’attend pas si longtemps que ça. La queue aux caisses est raisonnable. On a même une personne pour orienter pendant les travaux. J’étais il y a quelques mois dans une clinique où c’était un bordel sans nom avec moins de clients et plus de personnel, c’est dire si déjà on a tiré sur la corde ici. Car dans un service plus bas, on a la personne qui fait le standard pour les renseignements, les prises de rendez-vous, l’accueil et l’enregistrement des patients, la facturation, plus un peu de gestion administrative annexe. Il y a deux autres personnes derrière pour la saisie de tous les dossiers, le relationnel avec les autres spécialités comme l’anesthésie, même s’il faut avouer qu’il y a énormément de paperasse manuscrite avec des informations en doublons et triplons qui ne suivent pas comme ça devrait. On parle de numérique mais la santé a bien du mal à suivre. Ils ont passé le cap de l’émulation 3270 mais ça me rappelle les dossiers d’investissement dans ma boîte il y a 20 ans. Mais comment faire progresser cela sans investissement, en rognant les budgets, en ne renouvelant pas le parc informatique, les formations … ?
Parallèlement à ça, j’ai cherché des médecins de garde dans mon coin. Le chien de garde, c’est plutôt la pharmacienne à côté de chez moi. Je ne suis pas à plaindre, j’en ai 4 des pharmacies à moins de 10 minutes à pied. Mais les médecins, s’il y en a plus, ils ne gardent plus. Ils disparaissent et on renvoie sur les urgences. J’entends la ministre qui dit qu’il y trop de cas qui ne devraient pas être gérés par les urgences… Le serpent du caducée se mord la queue. Et j’ai été obligé de prendre comme médecin référent ce qui restait de disponible, ce qui n’est évidemment pas le meilleur. C’est bien simple, les 3 dernières fois où j’ai eu à y aller, j’aurais pu donner déjà le diagnostic et l’ordonnance tellement c’est guidé, cadenassé par la sécu pour éviter les dépassements… mais pas forcément les soins peu efficaces. On sent le dégoût chez certains praticiens qui viennent juste pour prendre l’oseille. Trouver un rebelle qui vise la guérison rapide avant tout (et toux, pendant que j’y suis), c’est quasi-impossible aujourd’hui. J’ai de la chance, je paye un prix normal, j’en connais qui sont obligés de prendre des dépassements d’honoraires que les mutuelles compensent plus ou moins, ce qui crée des cotisations mensuelles de plus en plus importantes, parce que tout est plein partout. A force de ne plus se parler et ne plus s’entendre entre eux, les professions de santé et les gouvernements tirent ce qu’ils peuvent de la bête. Malgré ça, on a encore un système qui fonctionne pas si mal, même si ça se dégrade d’années en années. Enfin, on voit quand même de plus en plus de gens partir dans d’autres pays pour certaines spécialités, comme l’Inde ou la Turquie.
Je connais aussi la version américaine de la santé, où là on sait très rapidement le vrai prix des soins et des médicaments, à moins d’avoir un système privé très généreux par sa boite. Je ne me fais plus d’illusion, on va droit vers une privatisation de l’essentiel avec des réseaux de soins dépendants des mutuelles. Pour mes lunettes, par exemple, je n’ai le choix qu’entre 3 boutiques à des prix négociés. J’ai de la chance là aussi, c’est à 10 minutes de chez moi. Les autres ne sont pas dans le bon réseau. La plupart ont des modèles “de marque” qui sont en fait des merdes fabriquées en Chine avec un joli badge, ou sinon un truc à prix d’appel qu’on sera obligé de changer rapidement. Je n’en ai qu’un qui fait de la bonne lunette d’artisan made in Europe à des prix raisonnables. La concurrence sur les verres n’est que virtuelle et je ne parle même pas des sites internet, puisqu’avec la correction de madame, il ne faut pas trop y compter. On est dans le “produit de niche”. Et pour le remboursement, sans mutuelle, tu dois être riche, ou porter de la merde.
Et puis les médicaments… Ah, s’il y a une profession que je déteste, c’est bien celle là. Entre les fabricants aux tests opaques et bidonnés, la rareté organisée et les pharmaciens qui t’affichent des prix en tout petit derrière eux et jouent sur les divers packaging pour t’arnaquer, il y a de quoi en dire. Faites le test sur une simple boîte de Paracetamol : On va vous filer du Doliprane, du générique en plaquettes de 12, 24… parfois au même prix et ça peut changer comme le temps qu’il fait dehors. Et comme il paraît qu’on surdose… Moi, ça va, j’ai de bonnes relations avec une pharmacie un peu plus loin, la centrale dans mon patelin. On déroge un peu plus des règles quand on connaît la personne.
On considère que la santé doit être une activité rentable. On joue sur les prix des médicaments, on spécule selon les pays. L’hôpital est vu maintenant comme une entreprise comme une autre et le client doit être une “denrée” rentable. On doit faire de la valeur ajoutée. Oh là, je vais finir par parler du management de l’agilité…Non, stop ! Ce n’est pas ça la santé. Je sais qu’il paraît complètement oublié, le serment d’Hippocrate, souvent plus hypocrite…
Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon savoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s’ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l’enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.
Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; […] Je passerai ma vie et j’exercerai mon art dans l’innocence et la pureté.
[…]
Dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.
Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas….
Depuis son écriture, la société a évolué et les capacités techniques aussi. On a des assurances à payer, des matériels pour les soignants et ça joue beaucoup sur le prix des prestations. Comme la sécurité sociale est “rentable” ailleurs avec de forts excédents, on prend ça comme modèle. Sauf que derrière les chiffres, tout est différent, ne serait-ce que dans la répartition et la taille des hôpitaux. En France, j’ai l’impression qu’on va vers l’hypermarché de la santé.
J’ai vu circuler une pétition sur les cas d’abus de pouvoir, de domination à vues sexuelles de médecins vis à vis de leurs patientes. Les fondements de la profession semblent loin chez certains. Et pourtant j’admire tous ceux qui se dévouent à cette profession. J’ai du mal aussi à comprendre ce qui a fait basculer quelques médecins dans l’horreur, la dictature, la torture… La nature humaine ? Oui, toutes ces personnes sont des humains, comme nous tous et on l’oublie. Je vois des gens débarquer comme pour acheter une baguette de pain, vouloir être servi aussi vite entre deux de leurs rendez-vous si importants. Ils ne voient pas la fatigue dans les regards devenus hagards, les astreintes, l’envie de retrouver sa famille, ses enfants. Et cette fatigue se ressent forcément dans la qualité des soins. Est-ce que vous êtes aussi efficaces dans votre travail quand vous êtes crevés ? Non.
En tout cas, ces dernières années, si j’avais une carte vitale fidélité, j’aurais de sacrées ristournes. Je veux la Duo, comme pour le cinéma ! Mais vu que la gestion de cette carte est déjà ubuesque, je ne voudrais pas compliquer cela avec de la big-data dessus et de la revente de données. Imaginez si Facebook gérait la santé dans un partenariat public-privé ! Là j’entre dans un cauchemar et je n’ai pas de médicament pour ça. Docteur, occupez vous d’abord de la santé, là ! Elle est restée dans le couloir depuis trop longtemps.
On termine par un titre de UFO mais avec un ex du groupe…