Blog - L'animaliste qui est en moi... En toi ?
Les élections européennes de Mai 2019 ont permis de mettre au moins le sujet du droit animal dans la lumière. Avec 2,2% et près de 500 000 voies pour le joli Beagle de l’affiche du parti animaliste, on a eu droit, à posteriori, à un peu plus de considération que de moqueries. Car s’occuper du droit animal, c’est aussi indirectement s’occuper de tous les droits, humains compris.
En effet, dans la vision “animaliste” ou anti-spéciste, il n’y a pas de racisme, pas d’injustice sociale. Une vision des choses qui paraît utopique mais qui reste un objectif ultime vers lequel nous devrions tendre. L’animaliste qui est en moi voit la planète comme un univers fini, avec de la diversité, des besoins pour toutes les espèces qui doivent trouver un compromis pour cohabiter. Nous sommes bien loin de tout cela puisque déjà nous n’arrivons pas à cohabiter entre humains, même très localement. Mais revenons sur la définition même de l’animalisme :
*L’animalisme est un courant de l’éthique qui s’appuie sur les avancées de l’éthologie et qui défend les droits des animaux. Ce courant soutient que les animaux même non humains sont des êtres sensibles capables de souffrir et par-là même dignes de considération morale de la part des êtres humains. L’animalisme conteste la confusion entre l’« agence » et la « patience » morales : ce n’est pas parce qu’un animal n’est pas agent moral, responsable de ses actes, qu’il n’a pas de droits, qu’il n’est pas patient moral et que les agents moraux sont dispensés de devoirs envers lui.(Wikipedia)*
J’insiste sur le terme “Les animaux même non humains“… qui montre que pour l’animaliste, l’humain reste un animal. Il y a donc de manière intrinsèque une défense des droits des humains. Les plus critiques sur l’animalisme nous assènent sans arrêt que l’on pense plus aux animaux qu’aux humains, ce qui est faux. Si nous préférons parfois la compagnie d’animaux qui sont plus fidèles et plus francs que les humains, nous n’en pensons pas moins que l’humain doit aussi être défendu, surtout celui qui ne peut s’exprimer. Si j’ai aussi été critique par le passé envers certains militants qui dérivent vers des thèses xénophobes par ignorance, je ne fais pas l’amalgame que l’on voit trop souvent, à cause des idéologies de quelques figures médiatiques qui arrangent bien les conservateurs. Car l’animaliste est un progressiste, un vrai, c’est à dire qu’il veut faire évoluer l’humain dans sa relation avec la nature et pas le faire régresser dans la fuite en avant engagée depuis la révolution industrielle.
Par nature, l’animaliste refuse une vision libérale, productiviste, évidemment, ce qui oriente plus le mouvement à gauche, il faut bien l’avouer…mais c’est battu en brèche par des soutiens du parti animaliste plutôt à droite. L’humain est plein de paradoxes. Car tous ceux qui mangent de la viande, même modérément, ne savent pas vraiment ce qu’il s’est passé entre l’animal qui était dans une ferme et l’animal qui est dans l’assiette, loin des images d’Épinal et de packaging. Si des associations montrent les dérives, on ne parle que des abattoirs, pas de pratiques d’élevages qui visent à avoir un prix minimal, peu du transport qui fait aller de plus en plus loin (même si l’élevage a été “respectueux”), quelque soit le temps, pas des tolérances sur les traitements médicamenteux des animaux,… et je ne parle pas des poissons. L’animaliste est juste un consommateur qui sait, qui partage ce savoir et qui veut que chacun se pose la question du besoin de faire souffrir d’autres êtres vivants pour vivre. On oppose souvent le fait que dans la nature il y a des prédateurs, l’humain en étant un… Sauf que l’humain a le choix, que l’humain a surtout le choix d’avoir moins d’impact sur la nature. Car dans cette vision productiviste, il faut beaucoup de ressources pour produire cette viande : De l’eau, des céréales, très souvent OGM, du pétrole pour le transport, le chauffage, la transformation avec les émissions qui vont avec.
L’animaliste sera vegan ou tendra à l’être et c’est là, la limite de cette éthique pour le grand public. Aujourd’hui, si le veganisme est plus à la mode, il y en a qui se refusent même de réfléchir à la possibilité du végétarisme, considérant cette pratique comme extrême. Je vois encore des pétitions disant que c’est un danger…Ca l’est autant que tout régime alimentaire mal maîtrisé, en fait et il faut surveiller les carences, comme tout humain, juste un peu plus les vitamines B12 et le fer pour lesquels il y a des solutions. Ils ont la vision du vegan comme un intolérant violent, bien aidé par quelques actions militantes médiatisées. La société refuse trop souvent de réfléchir sous prétexte de violence. Nous l’avons vu avec les gilets jaunes, qui après adhésion de la population, a été un mouvement détourné habilement par la machine médiatique (une majorité, pas une totalité) pour montrer une supposée violence majoritaire. Lorsque j’ai entendu les questions d’un journaliste à la leader du parti animaliste, cette semaine, je voyais bien les ficelles qui voulaient l’attirer sur ce terrain. Au premier acte violent d’un vegan, on demandera “condamnez vous cette violence”, oubliant que derrière une boucherie, il y a des abattoirs, un transport, la plupart ne respectant absolument pas le bien-être animal. Demanderait-on à un mangeur de viande s’il condamne la violence sur les veaux et agneaux que L214 montre dans ses vidéos ? Et puis à défaut d’être vegan, changer pour le végétarisme est un pas à franchir, avec moins de carences possibles.
Mais l’animaliste voudrait souvent aussi aller trop vite dans le changement de la société, interdire tout tout de suite (ce qui n’est pas le cas du parti animaliste, qui préconise des objectifs de diminution plutôt raisonnables). Je ne cache pas que s’il n’y avait aucun abattoir ou production animale, ce monde me conviendrait mieux mais il y a du chemin à faire avant cela, dans les têtes, dans les moyens mis en œuvre. Je sais trop bien que la tentation est grande de manger l’animal avec un marketing habile, des souvenirs de senteurs, de goûts. Il me suffit de passer vers une rôtisserie, une charcuterie pour avoir des souvenirs qui remontent… mais aussi pour visualiser la souffrance qui va avec. Évidemment, pour cette vision des choses, il faut mettre sa conscience animaliste au dessus de son propre plaisir. Je le trouve aussi ailleurs avec plus de 15 ans de végétarisme. Cette démarche n’est jamais immédiate, écrite ou descriptible. Chacun a ses raisons primaires pour l’avoir faite, un moment clé. Je dirai même que lorsque l’on passe au végétarisme ou au véganisme, on a justement tendance à vouloir trop en faire, à être trop intransigeant avec les autres. Le “converti” est toujours plus extrême…Je préfère la bienveillance et le dialogue envers celui qui n’agit pas comme moi.
Je pense que chacun peut faire le chemin vers cette prise de conscience du bien-être animal. Il y a globalement deux approches qui doivent être conciliées :
- Il faut donc prendre conscience de la souffrance de l’animal. Il est alors question d’empathie mais on a tendance à personnifier l’animal comme un humain. Il faudrait au contraire considérer que l’humain est un animal parmi d’autres avec ses caractéristiques et que chaque animal a aussi les siennes, des instincts, des sentiments, une sensibilité. Dans un monde qui s’éloigne de la nature, la représentation de l’animal est trop proche de l’objet pour qu’il soit facile de faire cette prise de conscience. Même les documentaires animaliers deviennent trop schématiques avec l’aspect prédation ou reproduction mis en avant plutôt que les interactions sociales, ou avec la nature au sens large.
- Il faut s’habituer à agir et se nourrir autrement. J’ai fait quelques articles sur des produits végétariens et vegans (j’en prévois d’autres). Cela allait dans le sens de l’acclimatation à une autre nutrition. Malheureusement, il y a encore trop de produits transformés, de mauvaise qualité et il vaudrait mieux apprendre à mieux utiliser le végétal sans trop de transformation. Il faut donc mieux apprendre à se nourrir, varier les apports et là aussi c’est un travail fastidieux et long. Je me réjouis pourtant du succès des émissions de cuisines qui aident à cela, même si c’est très orienté “animal” plutôt que végétal. Si quelques grands chefs s’y mettent, il n’y a aucune émission ou publication phare sur le sujet. Le point de départ est quand même d’essayer les alternatives végétales.
On reproche souvent de faire des produits qui ressemblent aux versions animales. Au point même que les industriels veulent interdire l’utilisation du terme Burger, Saucisse, Steak, … C’est un mal nécessaire justement pour changer ces habitudes. Si le mieux est de s’en passer, c’est intéressant pour justement permettre le partage d’un moment entre une personne végétar(l)ienne et une personne qui ne l’est pas. C’est justement être dans la tolérance de l’autre, lui offrir une alternative la plus proche de ses habitudes et cela montre que le Vegan fait plus de démarche pour aller vers l’autre que l’inverse qui se contente souvent de supprimer l’animal du repas, sans le remplacer. Je croisais justement des personnes qui n’étaient pas veganes ou végétariennes dans un restaurant de burger parisien, il y a peu. Ils faisaient la démarche d’essayer, ou de réduire la consommation carnée. D’où la démarche de faire un repas végétarien par semaine dans les cantines, qui peut aussi être gérée progressivement dans ce sens. Les nutritionnistes ne s’opposent pas à cela lorsque c’est bien fait… Et quand on voit l’alimentation dans les cantines et restaurants d’entreprise, ça fait peur! Mais quand je vois des pétitions “anti vegan” (venant de partis qui se disent pourtant pour le végétal…hum), ça m’exaspère et je ne suis pas le seul. Le retour de bâton m’a finalement réjoui dans ces élections européennes… mais pas assez sur EELV, hélas qui est un vrai panier de crabes. Pour leur répondre :
- L’agriculture végane est Capable de nourrir 8 milliards d’humains dans l’avenir, si on se donne les moyens de changer. Elle permettrait même une bien meilleure répartition des ressources sur cette planète, puisque justement l’élevage est consommateur de ressources agricoles (de 50 à 70% selon les études qui prennent ou pas en compte les prairies non agricoles)
- L’agriculture végane n’est pas la mort de plus d’un milliard de petits paysans car ils se convertiraient progressivement à une autre agriculture que l’élevage animal. Là aussi, il n’y aurait pas des paysans qui cherchent le moins-disant pour la nourriture de leurs animaux d’élevage et se retrouvent à exploiter d’autres paysans à l’autre bout du monde qui n’ont d’autres choix que de produire une autre agriculture que vivrière.
- L’agriculture végane n’est pas le cheval de Troie des biotechnologies alimentaires car on peut faire très naturel. Mais il est vrai qu’il faut être vigilant, notamment sur la culture de cellules animales ou la transformation plus chimique que végétale ou les OGM.
- L’agriculture ne tue pas autant d’animaux et certainement pas plus que l’élevage si on la pratique de manière correcte. Si on n’utilise plus autant de pesticides et produits chimiques qu’aujourd’hui, si on ne déforeste pas (justement pour fournir l’élevage !), l’agriculture ne tue pas d’animaux.
Cette petite mise au point valait bien ce billet. On voit bien justement que la prise en compte de l’animal conduit à reprendre en compte la place de l’humain, à penser plus global dans la gestion des ressources de la planète.
Et puis il y a tant d’autres sujets qu’il faut aborder sur la place de l’animal dans notre société, au delà de l’aspect nutrition, comme les cirques avec animaux, la corrida, la chasse à courre, la place des grands predateurs dans notre société, les parcs marins, les zoos et l’exposition d’animaux dans des parcs, l’utilisation d’animaux dans des tests … Et même l’animal dit domestique, sa vente, son trafic, sa stérilisation. Rien qu’en évoquant cette courte liste, nous voyons bien que l’animal est au coeur de discussions de société, notamment sur l’éthique. Il y a évidemment la gestion de la biodiversité, le partage du territoire avec la définition de réserves et l’extension des villes, des routes. L’animal n’est pas un sujet secondaire comme on essaie trop souvent de le faire croire. A un siècle qui a mis l’animal au rang d’objet, nous allons peu à peu jusqu’à considérer l’humain comme un objet, un matricule, un numéro. Il n’y a qu’à voir le fichage, la surveillance, l’administratif souvent ubuesque et détaché des réalités. Tout est lié dans notre relation à l’autre, dans notre notion de partage, une philosophie de vie.
Je sais que certains vont fuir rien qu’à la lecture du titre mais j’ai espoir qu’ils lisent un peu. Nous voyons que beaucoup de jeunes se sentent concernés par l’écologie. Pour moi, c’est devenu indissociable de l’animalisme aujourd’hui. Malheureusement, il y a toujours ce clivage à l’intérieur même du mouvement écologiste (cf les EELV cités plus hauts dans le No Vegan). Si tout le monde ne devient pas vegan ou végétarien, respecter le vivant est déjà un grand pas vers l’animalisme, oserais-je dire vers l’humanisme. Se poser des questions dans sa nutrition, dans le jardinage, dans le développement urbain, dans l’architecture… Le champ est large pour aller dans ce sens et trouver aussi un sens à une vie qui en manque, retrouver des repères. On parle du phénomène des cadres qui quittent les villes pour revenir au rural. Au delà de l’aspect Bo-Bo, c’est bien une recherche de fond, de sens, de respect de son environnement, de relations plus humaines avec ses semblables. Je suis plus optimiste sur l’évolution des relations de l’humain avec le vivant que sur l’évolution de l’impact de l’humain sur la planète. Si pour l’un, on peut se dire qu’il est trop tard, pour l’autre, il ne l’est pas et ça ne fera que participer à cette “transition” appelée à corps et à cris. Il y a bien de l’animaliste en chacun de nous, … un peu de l’animal qu’est l’humain en réalité. Laissons le s’exprimer pour le bien être de tous.