Réflexion - GPA et surpopulation
J’entame ici des articles sur des sujets de société qui viendront parfois le samedi. Le but est d’élargir le sujet en posant les questions, en montrant la complexité des décisions à prendre. La GPA, c’est un peu le sujet du moment et j’ai l’impression que c’est tellement clivant que l’on oublie de penser. Dès qu’on est contre, on se voit taxer de réactionnaire homophobe. Et dès qu’on est pour, on est un esclavagiste pro LGBT. J’ai du mal à avoir un avis tranché mais je ne peux m’empêcher de penser à la surpopulation humaine qui s’accroit.
Déjà, il faut rappeler ce qu’est la GPA : Gestation pour autrui. Je trouve la définition de Wikipedia assez tendancieuse : “Une femme, appelée mère porteuse ou gestatrice, est inséminée par des embryons, puis est enceinte et accouche d’un enfant qui est remis à la naissance à la personne ou au couple de commanditaires, appelés aussi « parents intentionnels ». Les embryons ne sont habituellement pas conçus avec l’ovule de la mère porteuse, mais avec celui d’une donneuse d’ovocyte ou de la femme commanditaire – appelée également « mère intentionnelle ».” Mais ça montre aussi la complexité du sujet entre “bénévolat”, “marchandisation”… On y accole souvent la PMA, procréation médicalement assistée, qui n’est finalement que l’outil permettant la GPA mais qui comprend diverses techniques, sans même parler des outils génétiques qui sont en périphérie de cette recherche.
le genre de caricature qui refuse le débat
Et puis il y a de l’autre côté la population mondiale qui atteint aujourd’hui une estimation de 7,7 Milliards d’individus. Parmi eux, il y a plus de 2,3 milliards de personnes considérés comme sous le seuil de pauvreté (critère discutable…) . Les 10 milliards devraient être atteints entre 2050 et 2060 selon les diverses estimations. Et les estimations donnent une possibilité de nourrir 12 milliards d’individus dans l’hypothèse utopiste d’une répartition égale des richesses. Entre temps, le réchauffement moyen de la planète peut faire évoluer les choses en pire. Parmi cette population mondiale, des pays ont déjà encadré ou légalisé la GPA et la carte ci-dessous les listent. Ce qui n’est pas indiqué, c’est qu’aucun n’a fait comme son voisin de manière identique. Nous voyons que l’aspect religieux, économique, démographique ou même idéologique n’est pas évident à mettre en face de cette carte.
Au coeur de la problématique de la GPA, il y a le “Droit à avoir un enfant”. Si on refuse l’eugènisme qui est une sélection des personnes pouvant procréer, on suppose alors que tout le monde peut procréer. La GPA, comme nous l’avons vu, c’est un des deux parents de l’enfant qui donne de son patrimoine génétique, mais pas que et c’est là où il peut y avoir déjà confusion. En effet, il est parfois envisagé de “fabriquer un enfant” à partir d’un catalogue de gamètes et dans ce cas, on va au delà de la GPA au sens strict. Si nous reprenons pourtant la définition du premier paragraphe, elle inclut ce cas de figure. Il serait peut-être intéressant de dissocier les deux dans l’approche législative de la chose. Car de ce cas précis où aucun des futurs parents n’intervient, vient ce problème de marchandisation du corps, dénoncé par des groupes d’influence parfois idéologiquement opposés.
Pourtant, le drame de beaucoup de femmes, mais aussi d’hommes, c’est la stérilité. Redonner par la GPA la possibilité d’avoir un enfant, ce n’est pas pareil qu’une fécondation in-vitro non plus. Il y a en effet des cas où l’in-vitro n’est pas une solution pour une mère. On se rapproche un peu plus d’une démarche d’adoption sans, peut-être, la durée de procédure (mais là aussi il faut distinguer l’adoption de bébé et celles d’enfants plus grands dans la perception qu’ont les adoptants et les adoptés, voir plus loin). Tout l’aspect psychologique de la maternité/paternité est sous-estimé chez les couples concernés, qu’ils soient hétéro ou homosexuels d’ailleurs. Évidemment, en abordant ce sujet, nous repartons dans le débat sur l’homoparentalité qu’il serait difficile d’aborder ici en même temps. Cela montre toutefois la complexité du problème et le fait que l’on interagit avec d’autres disciplines scientifiques et sociologiques. Il n’y a qu’à voir la vision que l’on donne encore trop souvent des femmes dans les publicités, ou le traitement des problèmes gynécologiques par la médecine pour s’apercevoir qu’il y a bien du chemin à faire sur le sujet de la maternité dans notre société.
L’enfant est confié après la naissance à une autre famille que la mère qui l’a porté. Mais la mère porteuse peut avoir différents statuts. Elle peut-être une amie des parents, une volontaire bénévoles mais aussi une personne payée pour cela. Et à partir de cela, beaucoup considèrent** le risque de marchandisation du corps**. On voit déjà des sociétés se monter pour proposer des ovules, du sperme (un exemple) avec possiblement une sélection “raciale” qui fleure bon l’eugénisme et des tarifs à l’avenant. Je refais le parallèle avec l’adoption car là aussi, et essentiellement sous l’impulsion états-unienne, nous assistons à une augmentation des prix pour l’adoption dans certains pays du globe. Les adoptants américains viennent carrément faire leur marché en payant très cher, si bien que des pays ont interdit l’adoption par des ressortissants des USA. Si en France, l’adoption met en moyenne près de 5 ans, il y a des pays européens qui ont tenté d’autres voies avec des avantages et des inconvénients, comme la Pologne et son adoption par “déclaration”, remise en cause depuis 2018. De ce fait, le risque est très réel de voir des dérives à travers des sociétés qui viennent littéralement louer de l’ovocyte, du sperme et surtout des mères porteuses. Nous voyons déjà un business se monter sur l’ADN et les origines, sans contrôle (mais interdit en France). Géopolitiquement, nous pourrions voir aussi un véritable commerce de la naissance s’installer entre pays du sud et pays du nord où être “mère porteuse” deviendrait un métier pour subvenir à ses besoins. Sachant qu’en plus la puberté intervient plus tôt, selon une étude récente, les pires dérives peuvent être imaginées dans un monde ultra-libéral et sans contrainte.
l’imagination fertile (hum) d’un réalisateur de série z ? Breeding farm - 2013 et sa ferme d’humains
Et puis il faut aussi parler d’une autre dérive de l’adoption qui montre que le statut même de l’enfant n’est pas uniforme dans le monde : Le Rehoming. Il s’agit de considérer, aux USA, que comme l’enfant ne donne pas satisfaction, on peut le revendre ! Il y a donc un marché parallèle et sous-marin, des enfants d’occasion et cela profitant d’un vide juridique dans la majorité des états du pays. Il est légitime de penser qu’un enfant issu de la GPA pourrait tomber dans ce biais, même si ces cas sont marginaux. Il n’y a pas ce type de vide juridique ou de dérive dans d’autres pays, aujourd’hui, fort heureusement. C’est même grâce à ce type de cas que l’on peut mieux baliser aujourd’hui le problème. Sans modification de la loi sur les droits de l’enfance, il n’y aura pas d’évolution.
c’est marqué dessus…
Les risques de dérives sont donc nombreux mais pas insurmontables par la mise en place de lois éthiques. Est-ce que cette pratique ne sera pas aussi réservée aux riches, créant de ce fait une forme de sélection ? Face à la surpopulation dans quelques décennies, on peut aussi imaginer des lois régulant les naissances, à l’image de celles qui interdisaient le deuxième enfant en Chine mais peut-être des “permis” qui seraient vendus. On vend bien des choses inimaginables, du droit d’avoir une plaque d’immatriculation au droit de polluer ou de tuer des animaux “en boite”. Mais d’un autre côté, la GPA aurait-elle un intérêt si l’adoption était mise en avant, accessible mais protégée ? Il y a des inégalités, des enfants malheureux de par le monde. Évidemment, il faut éviter la création de “faux orphelins” que l’on vend mais je ne peux m’empêcher de mettre en relation GPA et adoption. Ce problème de l’adoption est lui même complexe car si la procédure est longue, c’est qu’il y a des enquêtes, très pesantes pour les futurs parents. Paradoxalement, il n’y a aucune enquête pour autoriser un couple à avoir un enfant de manière “classique”. Les cas de maltraitances sont suffisamment médiatisés pour que l’on voit qu’être parent n’est pas aisé. Et en même temps la facilité d’adoption peut conduire à des cas extrêmes de trafic d’êtres humains. Pour ces rares dérives, jusqu’où peut-on complexifier l’adoption et/ou la GPA ?
Et, pardonnez moi la comparaison, cela me rappelle aussi ce que je vis lors des journées adoptions dans les associations de protection animale : Tout le monde veut du chaton et du chiot et ne veut pas des jeunes et adultes. J’ai l’impression qu’on considère que l’enfant ou adolescent peut avoir des défauts alors que le bébé n’en aurait pas. Je pourrais faire la réponse que je fais aux adoptants chat/chien, c’est à dire que l’on connaît déjà le caractère des moins jeunes et que l’on sait comment y remédier, ce qui convient le mieux aux adoptants alors qu’un bébé évoluera avec toutes les erreurs de l’adoptant. Malheureusement, élever un enfant n’est pas écrit dans une notice d’utilisation convenant à tous les cas. J’ai même l’impression que les “notices”, à la mode il y a quelques années, ont conduit à des impasses quand on voit aujourd’hui les problèmes d’éducation…. Autre débat. Il faut aussi prendre en compte la pression sociale qui fait croire qu’une femme sans enfant ne l’est pas tout à fait et en même temps il faut comprendre le besoin d’être parent, d’élever un enfant. Je me souviens toujours de ce que ma mère disait : Quand je n’avais pas d’enfant, les voisins m’ignorait. Quand j’en ai eu un, j’ai commencé à exister. La GPA est une des réponses mais est-elle la seule et surtout la bonne ?
La naissance de Vénus de Sandro Botticelli 1485
J’espère que tous les comités d’éthique qui se penchent sur la question dans le monde aboutiront à des résultats comparables, car sinon nous aurons toujours des dérives possibles. L’interdiction pure et simple a ses limites aussi puisque l’on voit que des couples vont dans les pays qui autorisent cette pratique. L’uniformité face à cette question est malheureusement utopique, pour les raisons déjà évoquées précédemment. Considérer l’ouverture de cette pratique sous le prétexte que ça se ferait ailleurs n’est pas une réponse mais une fuite. Mais considérer la question sous l’angle des droits de l’enfant, des mères et du besoin des parents peut certainement amener à des réponses pour chacun des cas. A suivre ?