Blog - Mélomane en phase de "vieuconisation"
Après des années de chroniques musicales, j’ai l’impression maintenant de ne plus chroniquer grand chose, ni même d’acheter beaucoup de musique. Surtout parce que je préfère le passé au présent en ce moment. A moins que le présent soit trop dans le passé ?
Il faut dire que je prends mon temps, maintenant. Il est rare que je fasse une chronique impulsive comme quand un(e) artiste me fait craquer soudainement. Ca a failli arriver récemment mais je me suis autocensuré pour mieux écouter, comprendre qui était ce groupe, son histoire, ses paroles. C’est sur qu’avec des pochettes/livrets qui ne sont pas dématérialisés comme la musique, ça n’aide pas forcément non plus. Alors je prends surtout le temps de trouver des moments d’écoute attentive, des moments où mon esprit est tout entier dédié à cela. Mais je m’aperçois que je reviens beaucoup à des “classiques”, à mes classiques, ceux que j’ai déjà chroniqué ici, pour la plupart, ou des artistes dont je n’ai pas écouté toute l’œuvre à l’époque.
J’ai pourtant essayé… J’écoute parfois des radios qui passent les succès du moment mais il est rare que quelque chose capte mon attention. Là je vous le dis, c’est arrivé mais ça n’avait absolument rien d’un succès, ou de quelque chose de grand public car c’était durant une émission… littéraire. J’ai noté le nom à cet instant, je suis rentré chez moi, j’ai écouté quelques titres disponibles, et puis ça n’a fait que confirmer…hop, il me fallait l’album. Mais j’ai pourtant regardé le palmarès des victoires de la musique, été matraqué par les hits que les panels des radios ont décidés d’imposer. Rien n’y fait, je ne comprends pas ces succès. C’est pour ça que j’ai l’impression de devenir un vieux con, car je vois trop les ficelles, je compare à d’autres choses que je connais. Des exemples, j’en ai, tiens…
Dans le milieu parisien, on a parlé beaucoup de Clara Luciani, chanteuse corse à la voix plutôt intéressante et qui a trouvé un créneau vendeur : de l’électro-pop. Enfin ça c’est le marketing qui le dit. Son titre “la grenade” tourne pas mal et c’est vrai que c’est agréable à écouter. Je dois dire que je me suis vite ennuyé à entendre un mélange de sons disco des années 80 et une impression d’Etienne Daho avec une voix… grave. J’ai vu les influences qu’elle donne et je ne retrouve pas du tout ça. Paradoxalement, c’est le titre “Drôle d’époque” qui m’a attiré, car il y a un texte, une voix, une guitare acoustique, un vrai moment de grâce. ça fait léger sur tout un album mais c’est devenu courant de n’avoir qu’un ou deux titres potables, trois au maximum. Je vous passe Angèlequi tient de la même escroquerie que beaucoup des titres de Julien Doré. Je vois trop la construction plutôt qu’un sens, un message, quelque chose à dire (il y a un ou deux titres, allez…). C’est la recherche du gimmick efficace avec un vague texte qu’on comprend mais ça s’oublie aussi vite.
Joueur de lyre, par Georges de la Tour 1624
J’avais été interpelé par le son de** Jeanne Added**mais j’ai ri nerveusement quand j’ai vu que c’était la chanteuse rock de l’année. Du Rock, ça ? Euh à la limite entre Trip-hop et autre éléctro, ça vient surtout puiser dans les années 90, mélangeant aussi un peu de sons french touch, cheap tune. A la limite du easy-listening, c’est surtout très passéiste pour quelqu’un qui a écouté de la new wave, dark wave, trip-hop, house depuis 30 ans. Là encore ça s’écoute bien mais les effets sont vraiment datés et ça me paraît symptomatique d’une époque qui croit inventer mais ne fait que répéter et copier. Elle vient du jazz, et ça se sent… Vous méditerez cette phrase. Ce n’est pas désagréable mais l’album manque vraiment de souffle.
Dans la rubrique rap, je suis tombé sur ce que propose Abd al Malik, qui est déjà un rappeur/slammeur pour bobo puisqu’avec du texte qu’on comprend. Là il mélange ça avec du Laurent Garnier, qui a pourtant fait partie de mon univers dans les années 90-2000. D’une bonne idée, on arrive à un truc qui n’est ni de la techno chantée/parlée, ni du rap puisque le flow est en décalage permanent avec un son qui envoie trop de BPM (pulsation par minute) et ni du slam car le son dérange le texte. J’ai fui et avant cela, j’avais aussi fui Orelsan(surtout les derniers albums) qui lui aussi est récompensé par le milieu. Là encore, c’est devenu de la pop, plus du rap, trop mou pour moi. Pas beaucoup d’invention dans le texte, de la musique cheap tune, un flow trop lent, dégoulinant et une voix nasale que je trouve difficilement supportable… Je ne peux pas. Ca m’ennuie profondément, ça m’endort mais c’est peut-être ça le concept, de faire la synthèse de ce qui se vend en ce moment. Et je me suis surpris à réécouter à nouveau du NTM, du Assassin, du IAM, du Eminem, du RZA sans aucun problème. Avec Orelsan à côté, J’ai l’impression d’écouter une personne qui n’a pas grand chose à dire ou alors ne sait pas le dire pour capter mon attention (même “Basique”…). Un grand fossé générationnel se présente face à moi. Béant quand j’ai revu le magnifique Rizede David La Chapelle et puis quelques émissions d’Arte sur les origines du rap français où des artistes actuels massacrent en fin de reportage chacun des morceaux originels.
Et puis on a beaucoup parlé de PNL, le duo rap (mouarf…!!) qui cartonne. Là j’ai vraiment l’impression d’une bouse mais sans doute parce que je ne comprends pas. Linguistiquement, c’est très limité et ces mecs là ont trouvé le moyen de foutre auto-tune et vocodeur par dessus pour tenter de faire moderne, mais surtout de faire illusion. Pas de chance les gars, je connais un peu la technique alors ça ne prend pas avec moi. Et bien ça marche donc chez les autres mais quand je vois comment sont perçues les paroles, souvent incomprises, je ne comprends pas le succès. Enfin si, par l’évènementiel qui va autour. Même phénomène pour** Aya Nakamuramais tout ça est délicieusement emballé dans un beau paquet cadeau et ça marche. Mais après tout, j’ai aussi aimé des trucs merdiques dans mon adolescence, cru comprendre des paroles alors que ça n’avait pas ce sens, chanté des trucs sans savoir ce que ça signifiait…Et puis dans la même catégorie, je me sentirai plus proche de **Columbine, ce collectif rennais qui n’a pourtant rien inventé et utilise pourtant les mêmes gimmicks. Pas au point de faire tourner un album ! Sinon mieux, de Nessbeal…
J’écris donc ce billet en écoutant un(e) de ces artistes et ça ne parvient pas à capter mon attention, à me faire arrêter le flot des mots. C’est pourtant souvent dans les moments de désespoir musical que vient l’illumination, l’album qui m’accompagnera pendant un an. Il arrive un âge où tout simplement il est difficile d’être surpris quand on a beaucoup écouté, beaucoup essayé de styles. Je reviens donc à ce que j’ai aimé ou à des artistes considérés comme classiques, des indémodables. Damien parlait aussi de cela dans un billet ou il disait qu’il réécoutait du Nu-Metal. Chacun sa génération, mais là aussi quand on regarde ce qui a survécu dans les mémoires, il n’y a pas eu tant de choses que cela.
J’ai chroniqué récemment un film sur un groupe des années 80 que mon confrère Pilgrimwen (qu’est-ce-qu’il ne faut pas faire pour qu’il vienne commenter celui là :p ) n’a pas spécialement aimé. Pour une fois, c’est presque lui qui aurait pu être le vieux con à chercher autre chose de plus profond. Je ne l’ai pris que comme un prolongement filmique d’une carrière musicale d’un groupe qui a marqué une époque, pas forcément musicalement parlant, finalement, même si leurs hits envoient du lourd. Mais si on y attendait du réalisme, du documentaire, c’était raté, sachant que ceux qui racontent étaient complètement camés et souls à cet instant ! Alors c’est sûr qu’aujourd’hui on regarde ces années 70 avec tendresse, ces années 80 avec encore un peu de dégoût, ces années 90 avec la tristesse du moment, et pas encore les années 2000. Ceux qui sont adolescents aujourd’hui auront la même condescendance que moi avec leurs enfants et ce qu’ils écouteront, j’en suis sûr, et peut-être même comprendront ce que je viens de dire plus haut à la lumière d’autres expériences musicales.
Moi aussi j’ai fait chier mes parents à vouloir écouter autre chose qu’eux, à mettre les clips à la télé plutôt que leur émission, à vouloir voir la dernière chanson de la star du moment. Et puis j’ai aussi appris à écouter ce qu’eux aimaient, à l’apprécier. J’y suis revenu plus tard parfois pour le redécouvrir et ça a influencé mes goûts, malgré moi. J’ai déjà expliqué cela dans une série d’articles… Je crois qu’aujourd’hui je suis sur la fin de cette période de transition entre le jeune con et le vieux con (le “true” con alors ??). Je ne suis pas encore totalement étanche à tout ce qui peut arriver, pas encore dans le conservatisme ou le réactionnaire musical mais j’ai peur aussi de m’en rapprocher un jour. J’ai même lu, dans le courrier des lecteurs du dernier Rockhard, un type de 29 ans déjà aussi atteint que moi…Ouf, je me sens moins seul.
Et puis quand je vois des gens comme le youtubeur PVNova, musicien émérite, qui décode les succès et fait lui même de la musique, je comprends un peu mieux ce qui m’arrive. Le paradoxe est que, quand il fait de la musique, ça n’est pas un hit, malgré sa connaissance des recettes qui marchent (les fameux accords magiques). Tout simplement parce que lui même recherche autre chose et se fait plaisir à lui et à quelques-uns (je me suis ennuyé aussi sur ses créations dans l’internet orchestra). C’est un peu comme quand on veut trop en montrer en même temps, quand on a trop d’informations et qu’on ne sait plus par où commencer. J’ai cessé de faire un site musical et j’ai bien fait (même si je ne l’ai pas fait par choix au début). Je parle maintenant de ce qui me plaît, pas de ce qui sort et ça fait la différence. Je n’essaie pas de coller à l’actualité, de faire le pied de grue auprès des éditeurs pour avoir les sorties, etc. Comme Frédéric, Alias et bien d’autres parlent de ce qui leur plaît, ça ne plaira pas à tout le monde mais ce n’est pas si grave. C’est aussi pour ça que j’ai remis ça dans un blog et plus un site dédié, car c’est plus personnel qu’auparavant.
Peut-être aussi parce que j’essaie à nouveau de créer des trucs et je suis assez époustouflé de ce que l’on peut faire avec un simple smartphone (ma série tracks va dans ce sens avec toutes les erreurs et défauts qui en ressortent). Je n’arrive pas à comprendre le retour au passé, les gros effets faits à la truelle alors que l’on peut faire tellement mieux, que les langues anglaise ou française ont tant à offrir pour les paroles… Si je regarde ce qui capte encore mon attention, c’est symptomatique : une voix particulière, des mots, des phrases bien sentis, un son novateur, un grain d’instrument, de la puissance, de l’énergie. J’ai l’impression d’une époque où même la musique est devenue molle, ou brouillonne, trop dans la facilité. En réalité, il y a toujours eu cela… Pourtant il y en a encore capable de mettre le feu sur scène, de soulever une salle avec quelques notes, de faire chanter 10 000 personnes mais ça devient franchement rare, … ou des vieux, ha, ha, ha. Bref, comme en France il n’y a plus de radio rock (ah, il y en avait ???) et que l’on fait la pop que les Anglais faisaient il y a dix ans, ce n’est pas gagné pour que je change et retrouve l’envie d’avoir envie…. Et toi, lecteur, si tu regardes ce que tu écoutes VRAIMENT aujourd’hui, tu t’apercevras que peu à peu, tu glisses aussi sur la même pente. On parle de retrouver son âme d’enfant, parfois, mais musicalement et même artistiquement, ce n’est pas facile de vider sa mémoire sélectivement, de retrouver ce côté sauvage !
PS : ne croyez pas qu’il n’y aura aucune nouveauté musicales… Il y en aura et même plus d’une, et puis d’autres que je ne chroniquerai pas pour des groupes déjà largement mis à l’honneur ici. Mais à partir de mai, il y aura globalement un rythme d’articles 30% plus faible, ce qui est largement suffisant. Si je ne le disais pas, vous ne le verriez peut-être pas.