Automobile - Voitures électriques, panorama 2019
Après un premier bilan en 2017, l’imminence de la généralisation de cette motorisation et l’augmentation du coût du carburant nécessitaient une bonne mise à jour.
J’ai changé la classification des véhicules pour me rapprocher des classifications habituelles des véhicules :
- Urbaines : C’est souvent le second véhicule du foyer, celui que l’on utilise pour aller à son travail et non pour travailler, nuance importante. Son utilisation privilégiée est la ville avec une autonomie moins importante mais une économie d’usage supposée.
- Compactes et SUV compacts : C’est un véhicule familiale tout en restant relativement économique. Il devrait pouvoir vous emmener en vacances aussi mais ce n’est pas toujours le cas.
- Routières et gros SUV : C’est un véhicule plus pensé pour une activité professionnelle, un véhicule de flotte mais aussi qui peut facilement vous emmener en vacances. L’économie n’est pas le premier objectif mais plutôt l’autonomie et la performance.
- Utilitaires : Encore rare, il vont peu à peu se multiplier pour accéder aux villes interdisant les moteurs thermiques. Pour l’instant cela va de l’utilitaire compact au gros van.
La consommation, principe de mesure et de comparaison
La puissance en cheval vapeur, la donnée qui intéresse tant les amateurs de performance, n’ayant pas de sens pour une voiture électrique, on l’exprime en Kilowatt. La capacité énergétique de la batterie est exprimée en kilowattheure (KWh) . On peut considérer l’approximation suivante :
- 1 L de Gazole = 10KWh ou bien 1KWh = 0,10 l de gazole
- 1 L d’Essence = 8,8KWh ou bien 1KWh = 0,11 l d’essence
Cela permet de conserver ses repères par rapport à une automobile thermique classique. Les consommations/autonomies sont prises selon le nouveau cycle WLTC avec un facteur de conversion de 0,75 pour les constructeurs non encore homologués donnant des chiffres en cycle NEDC. Il faut aussi garder à l’esprit que sur Autoroute en stabilisé, on dégrade fortement la consommation électrique, contrairement à un véhicule thermique qui est mieux optimisé pour cela. A prendre en compte si vous avez une part très importante de ce type de trajet. Les prix des carburants intégrés sont une moyenne indicative, sachant qu’il y aura un fort renchérissement dans les années à venir mais que d’ici 10 ans il peut y avoir une explosion du prix du kW nucléaire avec les démantèlement de centrales. J’utilise aussi un calcul de rendement avec le poids du véhicule pour montrer l’optimisation aérodynamique et l’impact de la taille du pack batterie qui est le poste le plus cher dans le véhicule.
Il faut tenir compte de la capacité de recharge rapide. Elle met en jeu la durabilité des batteries et la voiture enregistre chaque charge effectuée. Il faudra pendre garde à lire les recommandations du constructeurs vis à vis de la garantie. Les prix de recharge sont calculés au prix EDF du kWh. Il faut compter 20 à 30% de plus lorsque vous utilisez des bornes publiques, sachant qu’elles sont facturées souvent au temps et non au kW pour éviter les voitures ventouses. Le chargeur fourni peut avoir plusieurs capacités de recharge ce qui impacte la rapidité de recharge donc attention aux options : de 3,7kW sur la prise standard à plus de 150KW à l’avenir en passant par les standards 11kW, 22kW, 50kW.
Et puis, s’il y a des bonus du gouvernement pour l’hybride rechargeable, ils ne sont valables qu’avec la destruction d’un véhicule ancien, comme d’autres bonus. Je ne les ai pas intégré dans les calculs mais ça peut rendre des offres plus intéressantes. Renseignez-vous sur ce à quoi vous avez droit.
Bilan par catégorie
En jaune, sur les tableaux, vous retrouverez le véhicule thermique essence ou diesel équivalent. Les chiffres écrits en rouge sont des calculs estimés pour la norme WLTP. Pour les prix, j’ai utilisé un profil d’utilisateur à 10 000km par an ce qui serait plutôt urbain et un profil d’utilisateur à 15 000km ce qui est plus routier, sachant qu’aujourd’hui il est très difficile de faire mieux avec le réseau de bornes de recharge.
Coté performance, nous nous baserons uniquement sur la capacité d’accélération de 0 à 100 km/h. Rappelons que ces véhicules n’ont pas de boite de vitesse avec de multiples rapports qui permettraient des réglages pour se caler sur des allures typiques du cycle de consommation. L’optimisation se fait ailleurs, pour l’instant (poids, aérodynamique, emplacement des organes)
Les compactes et SUV compacts
Coeur de gamme pour beaucoup de constructeurs, ce segment est clairement pris d’assaut par le groupe Hyundai-Kia qui a une grosse longueur d’avance (il y a eu de petites retouches dans les autonomies que je n’ai pas pu intégrer à temps mais qui ne changent pas le classement). Normal, les coréens sont parmi les meilleurs fabricants de batteries avec LGChem et Samsung. Mercedes est là pour témoigner mais totalement dépassé. La nouvelle version de la Golf a progressé mais reste nettement insuffisante en autonomie pour une utilisation autre qu’urbaine, de même que l’i3 de BMW qui vient d’être upgradée pour revenir au niveau. La nouvelle Leaf doit avoir prochainement un upgrade de son pack batterie (385km en WLTP annoncé). Pas sûr que les Européens répondent dans ce segment car ils privilégient les urbaines. Ce seront plutôt des hybrides rechargeables qui seront proposées pour la polyvalence. On remarque qu’une bonne berline essence d’aujourd’hui consomme 6 fois plus que la meilleure électrique, tandis qu’une diesel consomme 4 fois plus. Mais en ville, le bilan est plus favorable pour les électrique alors que sur autoroute c’est l’inverse.
Et si on parle prix, il faut se dire qu’avec un diesel et une essence un peu plus chère qu’aujourd’hui et un prix du kW électrique actuel, il est très difficile d’être rentable. On peut toutefois supposer que l’entretien et l’assurance seront meilleurs marché. La Leaf et les modèles Hyundai Kia commencent quand même à faire réfléchir si on les garde plus de 5 ans, par rapport à des SUV ou des compactes concurrentes. Si on considère la e-Golf comme concurrente d’une Mercedes classe A (qui a quand même une base proche de la Mégane Renault), elle peut être intéressante mais manque quand même d’arguments.
Les Urbaines
Les constructeurs marginaux de 2017 ont disparu. Aujourd’hui, l’offre commence à peine à s’étoffer. PSA,VW, Toyota, Ford, Fiat, etc… tous vont proposer une offre d’ici l’année prochaine. Par exemple, la Peugeot 208 est promise pour une autonomie 30% meilleure que la concurrence, tout comme VW, mais Renault réagira aussi d’ici là. Le constructeur français conserve une avance technologique et Kia reste timide avec sa Soul qui va évoluer aussi en récupérant les batteries des grandes soeurs et les dernières générations de moteurs. Pour l’instant, il y a bien un rapport 5 en consommation par rapport à une urbaine thermique, essence. Mais que dire du prix….
Pour le prix, il faut prendre garde au prix de l’abonnement mensuel des Renault qui rajoute pratiquement 800 Euros par an. On estime le prix du pack batterie à 9000 euros. Heureusement pour le constructeur français, il n’y a pas de concurrent crédible aujourd’hui en terme de confort et prestation. Demain, les Zoe auront des véhicules autour de 30000 Euros comme concurrentes, et le calcul sera compliqué. Mais pour l’instant il faut vraiment faire des concessions pour trouver plus compétitif que l’essence en terme de coût, à moins d’offres de reprises.
Les routières et gros SUV
Dans les routières et SUV, on retrouve aussi bien du premium que du familial. Le premier est le gros enjeu actuel car c’est là que les constructeurs font leur rentabilité. S’il y a 2 ans, Tesla avait de l’avance, l’arrivée de Jaguar a montré que les cartes seront bientôt rebattues. Porsche, Mercedes, BMW et Audi arrivent prochainement avec leurs modèles. Coté thermique, j’ai intégré une diesel (Peugeot), un monospace diesel, et la Prius dans sa version hybride et hybride rechargeable, ce qui se fait de mieux dans le domaine du rendement. On voit qu’il n’y a plus qu’un rapport de 3 avec une hybride essence qui est proche du diesel. Mais attention les chiffres de l’hybride rechargeable sont trompeurs car ils n’intègrent pas la consommation de la partie électrique. Si vous ne faites pas des trajets de plus de 30-50km avant une recharge, c’est rentable et la consommation au delà sera comparable à la version hybride normale. Mais le surcoût est difficile à amortir. Aujourd’hui, les électriques routières ne sont pas comparables aux meilleures ventes thermiques en prix.
Aujourd’hui, il est clairement rentable de passer à l’hybride par rapport au Diesel mais sans aide gouvernementale, la version Plugin n’arrive pas à être rentable même avec un fort kilométrage. Il faut envisager l’occasion pour gommer la différence. Du côté des électriques, ces hauts de gamme sont innaccessibles de la plupart des clients, sauf pour . Mais pas étonnant que Jaguar vende bien ce iPace par rapport à un Tesla X moins élégant. Et puis, l’année prochaine, tous les leaders du marché auront de gros SUV et des berlines hybrides rechargeables, seules alternatives aux flottes diesels.
Les utilitaires
Il faut le dire, tout est à faire dans ce domaine. Ce n’est pas demain qu’un livreur utilisera ces véhicules. Au mieux, pour livrer localement, pour un artisan sur un petit rayon d’action. Le pire est le ridicule Master ZE de Renault clairement bâclé pour l’autonomie avec son pack batterie identique au Kangoo !
Les prix peuvent paraître raisonnable mais en dehors du peu autonome Kangoo ZE, il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent. Les offres concurrentes sont déjà sur les pistes d’essais pour sortir début 2020.
In the Car - Roy Lichtenstein 1963
Et la pollution ?
Le CO2 émis indirectement par tous ces véhicules est indiqué légalement à 0 mais il faut compter 4g/kWh pour notre nucléaire francophone et 90g en moyenne de la production française, quand le charbon en fait 1Kg et que la moyenne européenne est de 440g/kWh ! Cela nous donne les meilleurs véhicules électriques à 6,3g CO2/km chez nous et 30g chez les voisins. On rajoutera un surcoût carbone de recyclage batterie et de production et ça peut parfois se rapprocher d’un véhicule thermique qui lui aussi est recyclé. Une étude suédoise parle d’un coût de 150Kg par KWh de batterie en construction alors que l’Ademe donne un rapport de 2,2 entre un véhicule thermique et un véhicule électrique sur le cycle complet de vie. On voit tout de même que les meilleurs véhicules d’aujourd’hui ont des rendements 2 à 3 fois meilleurs que ceux sortis il y a 4 ans. On table à peu près sur cette progression sur les 4 années à venir, ce qui veut dire qu’au fur et à mesure de la vie d’une gamme, la densité énergétique des batteries fera évoluer cela en mieux. Attention au moment de l’achat en occasion de bien vérifier la version… De là à dire qu’il faut se hâter d’attendre ?
A l’utilisation
Et puis je n’ai pas parlé des chiffres de puissance qui sont aussi des illusions car atteignables seulement en pic. Mon indice consommation performance est une illustration des compromis que doivent faire les constructeurs. Je pense ici que les coréens ont fait un compromis qui vise une clientèle autre que l’Europe mais qui peut pourtant rassurer le client qui ne voudra qu’une voiture pour tout faire. Le réseau de recharge n’est pas assez dense et avec suffisamment de bornes/station pour absorber une croissance trop rapide du marché. Il faudra aussi changer l’habitude de faire le plein par une habitude de faire de petits compléments de 15/20 minutes. Mais conduire électrique / hybride, c’est aussi goûter à la zenitude. En fonction des aides, la transition évoluera en attendant d’autres sources futures dont la production et la distribution ne sont pas maîtrisés. En 2018, pour mémoire, le prix moyen d’une voiture neuve était de 22 900€…en dessous du premier prix électrique.
Conclusion
Le marché a muri en 2 ans de temps et s’est débarrassé des bricolages pas toujours très fiables, ou de la fausse bonne idée de Bolloré (Bluecar, Autolib, E-Mehari) avec sa batterie en polymères qui nécessite d’être réchauffée pour ne pas perdre de charge. L’arrivée de tous les constructeurs sur l’hybride rechargeable et l’électrique va rebattre les cartes. (A noter qu’en Chine, le plus gros marché de l’électrique, on annonce un véhicule à 7500€ aides incluses pour 300km d’autonomie). On a vu par le passé que le premier arrivé sur un secteur n’est pas payé de ses efforts et Renault comme Tesla en feront les frais. Car aujourd’hui, un constructeur est aussi un assembleur qui intègre d’abord des batteries (le plus gros poste en poids et coût) et des moteurs électriques parfois conçus par des équipementiers. Une chose est sûre, c’est qu’à moins d’être obligé de changer (là vous pouvez bénéficier d’aides intéressantes), je conseille vraiment d’attendre que l’offre soit pléthorique en 2021, avec un bon retour sur la fiabilité des offres et des retouches des constructeurs en “vie série”. Le métier est suffisamment différent pour que de petites erreurs de jeunesse apparaissent.
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