Blog - Un Paris au mois d'Août
J’aime particulièrement Paris quand la ville est désertée de ses habitants. J’aime d’autant plus Paris quand c’est le matin, dans la fraîcheur relative, le silence. Alors je vous emmène avec moi dans une errance au coeur du 3ème et du 10ème arrondissement, cette fois.
J’ai habité et j’habite encore à moins de 50km de la capitale; j’ai vécu dans Paris et on peut me considérer comme Parisien par bien des côtés. Mais j’y vais de moins en moins. Cette balade a été dictée par un besoin, celui de faire un peu de shopping dans un des secteurs fréquenté par ces êtres étranges, verdâtres, … les vegans ! Oups, j’en suis, gnark gnark. C’est donc dans le secteur d’une boutique historique que je vous emmène d’abord, au sud de la Place de la République et au nord du Marais, dont j’ai parlé assez récemment.
Fidèle à mes (mauvaises habitudes) j’ai plus d’une demi-heure d’avance par rapport à l’heure d’ouverture de la boutique, ce qui me laisse du temps pour parcourir les rues alentours. Je pense que je l’ai un peu fait exprès, et pas seulement pour la marge de sécurité par rapport aux embouteillages, aux accidents éventuels. Je suis non loin du Conservatoire National des Arts-et-métiers, vénérable ensemble de bâtiments issus de la Révolution française pour son activité et installé dans un ancien prieuré, ça ne s’invente pas ! Il y a quelques relations avec ma spécialité mais je ne suis pas là pour cela. Pas d’étudiants, de chercheurs ni même d’expositions en ce lieu de savoir et d’enseignement à l’architecture religieuse et classique. En ce samedi, autour de 10h, il n’y a pas foule dans le quartier. Je croise deux femmes grisonnantes prises dans une discussion familiale animée. Je descend vers le marais pour rattraper la rue de Turbigo puis la rue des Gravilliers. J’ai appris à mieux connaître cette rue grâce à une recherche généalogique. Un ancêtre y habitait et y était joailler. Mais aujourd’hui, justement, le quartier est peuplé de boutiques de joaillerie destinées aux professionnels surtout. Signe des temps, beaucoup sont tenues par des Chinois et petit à petit, un petit Chinatown s’est créé dans les petites ruelles avec des salons de massage, des épiceries, de petits traiteurs, sans que le côté cosmopolite disparaisse. En réalité, c’est le quartier chinois originel à Paris, celui des premiers travailleurs chinois venus pour construire le métro mais il reste plus discret que le 13ème arrondissement et ses supermarchés. On y trouve aussi une communauté juive Ashkénaze pas très loin qui a quand même tendance à disparaître. J’apprécie de voir encore de belles devantures et enseignes comme au 19ème siècle/début 20ème. Au loin, un Monoprix a gardé l’inscription F. Potin gravée dans son fronton. Les ruelles sont étroites, ombrageuses et fraiches, peu adaptées aux voitures, ce qui ne va pas pour me déplaire en tant que piéton.
Peu de magasins sont ouverts à cette heure. Maintenant, c’est plutôt 11h qu’il faut attendre pour trouver de l’activité dans Paris, surtout le week-end. Et au mois d’août, soit c’est fermé, soit c’est en chantier. J’ai donc croisé beaucoup d’ouvriers en train de refaire l’intérieur d’une boutique. Ici c’est une camionnette qui recharge son matériel pendant qu’un des ouvriers passe l’aspirateur dans ce local flambant neuf, presque trop néo-classique. Le quartier se “boboïse” beaucoup trop à mon goût, je dois dire. Mais sans ses habitants, c’est nettement mieux, hé hé ! En remontant ensuite la Rue Saint-Martin qui jouxte le CNAM, je tombe sur quelques boutiques africaines. Ce n’est certes pas Chateau-rouge mais ça rompt avec la monotonie qui pourrait guetter le quartier avec des produits qu’on rencontrent peu dans les magasins habituels. Un avant-goût de ce qui va suivre… Soudain j’entends une musique au loin… Du blues, oui, c’est ça ! Et je ne trouve pas d’où ça vient. C’est joué live, on dirait, à la guitare électrique. Et je réalise alors que c’est là, au pied de la porte saint-martin, qu’un homme a installé son amplificateur et sa Stratocaster pour jouer en plein air. Heureusement, personne ne vient lui faire regretter son acte qui égaye l’ambiance morne. En plein milieu de cet arc de triomphe qui a perdu de son triomphant, le tableau est cocasse à cette heure. Je ne croise que quelques touristes sur le départ, des commerçant désœuvrés à la terrasse d’un café. Mais je profite du silence et de la musique tout en admirant ce monument historique du 17ème siècle.
Bon, avec tout ça, ma boutique va ouvrir et je vais chercher ce que j’ai réservé la veille. Le rideau est encore baissé et le souffle de la climatisation caresse mes jambes nues (moment érotique…)…Youpi, j’aurais 10% de réduction, lis-je sur la devanture en patientant. Le mois d’août est propice à vider les stocks, brader les dates courtes, sur des produits où souvent la date est conseillée, pas imposée. Ah ce gaspillage…. Au lever de rideau, j’entre et je me demande vraiment de quelle climatisation il s’agit tant il fait chaud dans le magasin. A tel point que la vendeuse a presque tombé le haut pour ne garder qu’une brassière, montrant une peau nue couleur chocolat… (quel érotisme décidément dans ce billet) et un charmant sourire à la lecture du ticket de caisse. Le mien sera un peu plus forcé, argh…Me voilà tranquille pour 4 mois, facile et ça m’évite de la VPC de toutes sortes chez le grand méchant Bezos et ses amis. Mais ça me charge beaucoup… Par chance, j’ai garé mon véhicule non loin de là, mais c’est fini le temps où le stationnement était gratuit au mois d’août. On paye maintenant par une application sur smartphone qui permet de régler au plus juste le temps de stationnement. Je dépose mes victuailles dans la glacière et je repars pour une deuxième boutique du même genre aux produits plus exotiques. C’est souvent là que j’y déniche les trucs bizarres dont je parle parfois, comme des glaces, des faux-mages.
En ce moment, dans le veganisme, c’est la nouvelle mode de faire du faux fromage à partir de noix de cajou. Il y a plein de choix mais toujours autour du camembert ou du brie et avec des affinages aléatoires. J’ai déjà dit ce que j’en pensais et je suis passé à autre chose. Je préfère me fournir dans des produits que j’utilise très ponctuellement, comme du faux-bacon, du faux-saumon pour les fêtes avec la famille, et quelques mayonnaises veganes parce que je n’ai pas trouvé le moyen d’en faire une aussi bonne malgré de nombreux essais. Même certains des restaurants fast-food vegans viennent piocher dans le coin pour cela. J’ai vu pas mal de nouveaux produits, dont la gamme de Linda McCartney que je n’ai pas trouvé très engageante malgré un très joli packaging. Beaucoup, beaucoup de saucisses de tous genres, de burgers mais qui se ressemblent souvent trop par un côté trop chimique, trop américain, trop mou aussi…Vraiment pas indispensable. Par contre pour trouver du dentifrice non testé au charbon, c’est un bon spot. Sauf qu’après l’abus de fluor, l’abus de charbon n’est pas si bon que ça non plus et pas forcément efficace non plus. Comme toute chose, on va revenir aux recettes de grand-mères…
Il est temps de finir mes pérégrinations dans ce 3ème arrondissement et de quitter la place de la République, pas encore envahie par une manifestation en mémoire de Steve Caniço. Direction le nord et même la gare du nord ce qui n’est pas une mince affaire car Paris est un immense chantier, surtout au mois d’aôut. Le boulevard Magenta est coupé en deux et cela n’arrange pas une situation déjà critique en temps normal. Je dis bonjour aux deux majestueuses gares de l’est et du nord pour me rendre au coeur du quartier indien de Paris. Mais si Paris est désert en ce mois d’août, ce n’est pas valable pour ce quartier de la rue Cail au sud du métro La Chapelle. Les travaux continuent en plus dans ce secteur et le stationnement en double-file est une spécialité. A cela s’ajoute le fait que c’est un quartier de restaurants et que l’on approche de midi, que c’est aussi un quartier de Cash and carry et que ça continue de livrer. A Paris, fais comme le Parisien…je gare le véhicule comme je peux, à moitié sur une place, en warning et je termine en marchant.
J’aime la vie de ce petit coin d’Inde, de Sri-Lanka et de Pakistan. On s’y affiche un peu, c’est vrai, avec quelques gros Range Rover (qui appartient à Tata, le constructeur indien), mais rien à voir avec les quartiers rupins ailleurs. Ici on y trouve l’Inde à Paris, ses produits, ses restaurants toujours très bon marché et parmi eux, mon préféré pour ses spécialités végétariennes. Pour moins de 16 euros, vous y mangez comme un roi mais c’est valable globalement dans le quartier. J’aime ces senteurs de l’Orient, la musique de Bollywood qui ne tarde jamais à se faire entendre. Il y a évidemment les incontournables boutiques de téléphonie bardées d’affiches promettant d’appeler le pays au meilleur coût. Le Samedi on fait ses courses en famille, madame arborant ses plus beaux tissus, la jeune génération étant plutôt convertie à l’occidentalisation : Jean-StanSmith-TShirt.Le restaurant est presque rempli avec quelques touristes étrangers et végétariens, comme souvent le samedi midi en Août, beaucoup moins le reste du temps. Ma commande passée, je pars en quête d’épices, d’eau de rose et c’est la cohue comme d’habitude. C’est vivant, agité en apparence mais tout se passe bien, souvent moins énervé que dans nos supermarchés du Vendredi soir. Je reviens prendre mes deux sacs remplis de mets aux noms mystérieux, souvent du sud de l’Inde d’ailleurs. J’en parlerai un jour aussi plus en détail.
Il me faut à peine 150 mètres pour quitter cette animation et filer dans le nord, traversant le 18ème arrondissement qui m’est cher, glissant un regard curieux vers un quartier que je veux (re)visiter prochainement, tant il évolue vite….ça sera une surprise. Me voilà sur un périphérique très calme, croisant paisiblement à 70km/h. Et toujours ces parisiens qui roulent n’importe comment sans se rabattre sur la file de droite. Mais quand je rejoins l’autoroute, c’est encore pire…J’en double un premier qui se traine à 60 sur la fille du milieu, téléphonant et parlant à sa voisine, se disant sûrement qu’au mois d’août, tout est permis. Moins de 30 ans… Mais au loin je vois un Kangoo jaune (non, pas roux….) qui zigzague un peu. En général, c’est le symptôme du type en train de téléphoner, rarement de celui qui est saoul. Bingo, le type est en train de rédiger un SMS ou de regarder une vidéo youporn, je ne sais, mais il regarde alternativement la route et son smartphone. Je profite d’une large ligne droite pour le doubler mais il ne verra pas le signe d’énervement que je lui ai fait. Ce type est fou, oui…mais sa folie pourrait être meurtrière et pas que pour lui.
Qu’à cela ne tienne, ma matinée m’a donné de la fatigue mais des sourires, des souvenirs, des envies de voyage aussi, lointains, un peu de nostalgie aussi. Le meilleur moyen de découvrir une ville, c’est toujours de ne pas avoir de but, de partir avec juste un petit sac au petit matin, de regarder la ville se réveiller, s’animer, de prendre une rue que l’on ne connaît pas, puis une autre, et encore une autre, d’écouter autour de soi, se laisser attraper par un son, par la curiosité, suivre son instinct. C’est souvent comme cela que j’ai eu de bons souvenirs qu’ils soient à New-York, Saigon, Pekin ou même Munich. Comprenez que je ne peux pas voyager avec un tour-operator, au pas de course. Notez au passage que je n’ai pas pris la moindre photo pendant ce périple ni même en illustration de l’article, pour éveiller en toi, lecteur, cet imaginaire qui donne du sel à la vie. Alors à bientôt pour de nouvelles aventures, au hasard de la vie.