Blog - Pouvoir et Contrôle
Si j’ai choisi ces deux mots dans le titre de ce billet, c’est parce ce qu’ils se sont imposés…Oui, ils ont pris le pouvoir, ont contrôlé cette semaine.
D’abord pour mon cas personnel, dans mon activité professionnelle. Si je suis content de la progression en cours dans ma mission, j’ai l’impression de perdre le contrôle sur certaines activités. Je ne suis pas dans l’exercice du “pouvoir” vis à vis de certains services, juste une sorte de “guide” pour orienter les actions. Et dans mon propre service, j’en fais trop ou plutôt les chefs d’équipe et collègues concernés ne sont pas assez autonomes, souvent par manque d’expérience, donc je comble les manques en formant au maximum. Changer ça en un an n’a rien d’évident mais c’est un peu une question de survie en ce moment. Alors pour ce qui n’est pas sous mon contrôle et ne va pas dans le bon sens, ne prend pas en compte toutes les composantes du problème, ça m’énerve, je m’énerve, je me fâche… En face, il y a quelques fortes personnalités, des gens qui se la jouent solo et je peux brandir toutes les bonnes pratiques, les normes et procédures internes, j’ai le sentiment de n’être pas écouté. Il y a bien une question de pouvoir, celui hiérarchique qui prime sur le fonctionnel. J’ai un peu l’habitude puisque cela fait 20 ans que je fais du “transversal” et que je dois donc utiliser la carotte et le bâton pour faire avancer. Mais des fois, on retombe dans des basiques et des problèmes d’ego ou jalousie.
Je ne peux faire abstraction de mon propre ego, c’est vrai. Je ne vais pas passer mon temps à faire valider toutes les étapes, tous les documents par l’auditeur qui est déjà débordé par exemple. Il y a une question d’autonomie et de confiance dans son propre travail d’une part et d’autre part le fait qu’on a des points de passages où tout sera revu. Je ne me vois pas non plus valider tous les documents dans tous les sens, il y a des hiérarchiques pour ça, qui devraient être à même de le faire. Mais aujourd’hui, il y a cette peur de signer quelque chose, de donner sa validation, parce que ça peut nous retomber dessus. Je fais ce constat depuis très longtemps dans mon entreprise mais au fur et à mesure je vois que ça s’est généralisé. Le petit pouvoir conquis par certains n’est pas celui de valider. Il est juste celui de diriger d’autres personnes, de diriger selon des instructions bien balisées par la strate du dessus. C’est un mal très français de privilégier ceux qui ne font pas de vagues, sont dans le moule et appliqueront tout à la lettre sans prendre la moindre initiative. Regardez le gouvernement, hum…Mais paradoxalement, ce n’est plus ce qui est demandé avec des petits groupes de travail, des task forces, des modes “chantiers” pour reprendre le vocabulaire à la mode dans le management qui donnent des méthodes mais pas des solutions.
Question méthode, justement, dans mon activité, je ne peux en appliquer une seule pour 4 entités ayant le même objectif mais pas les mêmes moyens. Pour vous situer, j’ai 20 personnes sur certaines, et 2 chez d’autres et tout ça dans le même délai, évidemment. Je ne veux pas être un Control Freak mais je combats aussi cette envie chez moi. Afin de ne pas avoir de mauvaise surprise au dernier moment, je passe un peu partout pour regarder si on ne me la fait pas à l’envers. Et donc, il y en a un qui me l’a fait, à l’inverse de ce qui avait été dit trois jours plus tôt. Bon, je peux concevoir que l’on puisse vouloir faire par soi même dans son coin… Je le fais aussi, mais en présentant les choses par étape. Mais là, c’est une personne qui m’a déjà sorti une solution merdique qu’on rattrape à l’arrache aujourd’hui, le genre bien traître, lunatique et têtu comme … un humain. La moutarde monte au nez…et pas que chez moi visiblement. Je pense qu’il y a un autre problème de fond derrière … pouvoir, de jalousie, espoirs déçus ?
Le pouvoir détruit tout, dit-on souvent, même les plus exemplaires. Il y a la conquête du pouvoir, déjà…Mais le pire me semble être dans la conservation, ce besoin “naturel” que l’on a de ne pas perdre ce que l’on a obtenu de haute lutte. On a eu des exemples récents qui n’ont pas été détaillés par les médias ou très mal.
Prenez la Bolivie… Il y a eu très peu d’analyses expliquant la situation de ce petit pays très pauvre, convoité pour ses ressources (le Lithium notamment). La situation économique des plus pauvres s’est grandement améliorée à l’arrivée d’Evo Morales, un peu à l’image de ce qu’il se passa au Venezuela dans les premières années de Chavez, pays très comparable pour son attractivité. Les chiffres et la popularité du président sont incontestables. Et puis cela s’est érodé, le pouvoir s’est installé, des gens ont profité de la situation. Il y a des influences étrangères qui aident l’opposition, complotent, poussant à une paranoïa du pouvoir. La présidente par intérim actuelle a des liens avec des milices paramilitaires liées à la CIA, et l’église, ne se cache pas d’un racisme envers les populations indiennes (dont Morales fait partie). Car il faut ajouter un clivage entre indiens et hispaniques et des menaces de sécession de certaines provinces. On sombre alors dans un clientélisme pour asseoir son autorité, dans une sorte de corruption. Ainsi l’économie de la coca et ses dérives dans le trafic de stupéfiant a été encouragée. Morales a laissé se développer d’autres corruptions dans des attributions de marché alors que paradoxalement il essayait de ne pas voir les richesses du pays partir vers des puissances étrangères. La conservation du pouvoir devenait une priorité pour lui, de manière à pouvoir continuer le développement dans son sens, on l’imagine. Il a perdu le contrôle. Sa popularité s’est effritée et l’opposition est redevenue crédible, bien aidées sans doute par des moyens Etats-uniens. Ce n’est pas un remake de l’opération Condor mais on s’en rapproche. Jusqu’à preuve du contraire, l’avance de Morales sur son rival était plus que confortable. Les chiffres annoncés comme des estimations étaient critiquables et ont été justement imposés par des institutions étrangères à la Bolivie (l’OEA sous influence US…). Il faudra des années pour faire toute la lumière sur ce coup d’état (et non une révolution), le temps de voir cette nouvelle dictature militaire disparaître le plus vite possible. Mais il ne faut pas sanctifier Evo Morales aveuglément.
Ce problème de la conservation du pouvoir, on commence à le voir chez certains nouveaux élus de l’Assemblée française, chez LREM ou France Insoumise notamment. Il y en a qui ne veulent pas faire carrière là dedans, souvent dégoûtés par le milieu ou l’investissement que cela représente pour… contrôler ce que l’on fait. D’autres pensent continuer, et se fondent dans le moule soit en appliquant servilement la règle du chef, soit en sombrant peu à peu dans le clientélisme. L’ancien monde, ha, ha. L’épisode du énième débat sur le voile en fut l’illustration, chez FI par exemple. Ruffin et Quattenens ont un électorat local bien différent de Mélenchon à Marseille et ils n’ont pas suivi leur leader dans la manifestation contre l’islamophobie, problématique pourtant bien réelle. Leurs excuses étaient aussi pitoyables que celles de Raphaël Enthoven, le philosophe de salon, le même qui se pavanne dans des meetings où on trouve Zemmour et autres. L’avenir dira s’ils ont eu raison de naviguer ainsi en eaux troubles. Pourtant conserver le pouvoir est une nécessité en politique pour pouvoir agir efficacement. Il faut pouvoir contrôler ce que font ceux qui représentent son opposition. Trouver l’équilibre entre contrôle et conservation du pouvoir est ce qu’il y a de plus difficile. Et de compromis en compromis, on peut se retrouver en compromissions. La radicalité même d’apparence, limite le rayon d’action. Garder la tête froide et l’intérêt commun à l’esprit n’est pas chose facile dans un exercice de pouvoir. Quant à l’intégrité…
A notre petit niveau de citoyen consommateur, il y a aussi une lutte. On parle du pouvoir des GAFAM sur nos données, sujet que j’ai largement abordé dans des tutoriels. Je lisais récemment le “Surveillance://” de Tristan Nitot…Bon, je n’ai pas forcément appris grand chose mais ça a le mérite de vulgariser le sujet. Je ne vois pourtant pas ma mère lire ce livre et agir derrière, ni même des collègues peu doués avec l’informatique. Mais nous avons clairement perdu tout contrôle sur nos données, même avec beaucoup d’effort ou alors il faut reprendre un pouvoir total mais ce n’est pas donné à tout le monde. D’autant que ça signifie se passer de beaucoup d’avancées et conforts personnels. Je parlais de compromis juste avant, là on est dedans mais on est toujours esclave dans ce compromis. J’ai conscience d’être encore lié à beaucoup de choses, à ne pas pouvoir maîtriser ne serait-ce ce qui s’affiche sur ce blog, sous l’article. Sur son “miroir”, ça pourrait le faire un peu mieux mais je sais que j’aurai un jour des problèmes de sécurité à gérer donc il reste pour le backup. Comme disait à peu près Stan Lee par un de ses personnage, avoir un pouvoir c’est une grande responsabilité. Aujourd’hui, nous avons bien plus de pouvoir qu’il y a 30 ans par l’informatique mais si peu de contrôle et encore moins l’idée de nos responsabilités.
Alexandre et Porus de Charles Le Brun - 1673
En ne pensant qu’à la facilité et au confort, par exemple, on n’imagine guère les conséquences sociales, environnementales, économiques. Derrière chacun de nos clics, de nos appuis sur un petit terminal dans la journée, il se cache un pouvoir. Je peux en effet me faire livrer tout et n’importe quoi à travers le monde. Je peux manger à toute heure quasiment avec un livreur, dans les grandes villes. Je peux partir loin et rapidement pour pas cher. Je peux louer des biens immobiliers pour des durées courtes, à n’importe qui, etc…Imaginez si après chaque clic nous avions des messages nous rappelant toutes les conséquences ! Cela serait invivable de nous rappeler qu’un enfant a fabriqué ça, que tel achat peut contribuer à la fermeture d’une boutique locale, qu’une livraison fait prendre des risques à un humain pour un salaire de misère… mais qu’il n’a pas toujours le choix, parce qu’on a voté pour quelqu’un qui précarise encore plus les chômeurs. Je m’interroge sans arrêt sur le moment où on a vraiment basculé dans le n’importe quoi, par habitude et confort égoïste. Je pense à cela parce que justement je n’ai parfois aucun pouvoir pour faire autrement.
Mon confrère blogueur Anatole M rappelait dans un commentaire tout ce qui avait fermé récemment dans son village. J’ai la chance d’avoir encore un centre ville un peu dynamique dans ma petite ville. Ce n’est pas le cas dans les villes voisines. Ce n’est hélas pas tout de la faute du maire, ça serait trop simple. J’ai failli perdre mon médecin traitant (l’ancien est décédé, la remplaçante a attendu 3 ans sa nomination) pourtant. Il n’y a plus du tout de point presse correct dans le coin. La Poste se réduit comme peau de chagrin et maintenant il y a des files d’attente jusqu’à la porte, comme lorsque j’étais à Paris. Les transports sont toujours avec des horaires scolaires dans des véhicules peu adaptés, et inaccessibles aux handicapés. Ils ont été rachetés par un grand groupe qui pense plus au profit qu’au service. Les trains tombent en panne de plus en plus souvent et il n’y a plus personne dans la gare…. ou dans les trains à l’heure où l’on peut se faire agresser, surtout quand on est une femme. J’en passe…On peut me faire de beaux discours sur les transferts de pouvoirs entre état, région, département, le résultat est là : Plus de monde, plus d’argent en circulation, et pourtant moins de services. Le cercle vicieux c’est que faute de service, chacun trouve sa solution personnelle ou part ailleurs avec l’espoir de reprendre le contrôle sur sa vie.
Je suis partagé sur tout cela car avoir le pouvoir sur tout c’est un peu vivre isolé et égoïstement. Laisser le contrôle, c’est partager un peu de son pouvoir…mais au risque de se le faire prendre. On en revient une fois de plus à nous humain, cet animal qui a cru prendre le pouvoir sur une planète, contre toutes les espèces vivantes.
Et pendant ce temps, le pouvoir met en place les outils de notre contrôle…