Blog - Le Scepticisme contamine
Dans cette société qui ne croit plus en rien, sinon en de faux prophètes et en des idoles marquetées, je me désole de voir des faits remis en cause, à la fois historiques mais aussi scientifiques. Et ce n’est pas parce qu’Aristote disait que “le doute est le commencement de la sagesse” que l’on devient plus sage en doutant de tout.
Il y a quelques semaines de cela, l’animateur de débat et anciennement journaliste sportif Pascal Praud défrayait la chronique face à Claire Nouvian, ancienne journaliste également et militante écologiste. Le sujet du débat : Le réchauffement climatique. Et Praud d’affirmer qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le sujet… Justement si, il y a un consensus scientifique et même une unanimité sur les causes humaines de ce réchauffement si on regarde les professionnels de la profession, c’est-à-dire les … Climatologues. Il y a une unanimité que l’on ne trouve pas dans d’autres sujets dans la spécialité concernée. Vous ne trouverez nulle part de publication d’un climatologue remettant en cause la corrélation entre activité humaine et réchauffement climatique. Tout cela a été écrit dans des rapports chaque année, qu’ils soient internationaux, nationaux… sans toutefois réécrire l’histoire. Mais à chaque fois, on nous ressort un scientifique d’une autre spécialité (le pire étant le faussaire Claude Allègre) et qu’on invite souvent pour faire le buzz, plutôt que de vrais spécialistes. Donc il n’y a pas, il n’y a plus à débattre de la cause du réchauffement, cet écocide, pas plus que l’on pourrait en avoir sur la réalité des génocides. Il faut maintenant regarder devant, regarder les conséquences, les modèles mathématiques, et surtout, … Trouver des solutions plutôt que perdre du temps sur de faux débats qui durent depuis 60 ans, mais surtout depuis 30 !
Le problème est que souvent on laisse traiter la chose scientifique à des gens qui n’ont aucune formation scientifique, prennent le sujet par dessus la jambe. Et il faut dire que l’enseignement des sciences jusqu’au bac est de pire en pire, sans même parler de la place des publications françaises dans le monde. Mais le problème n’est pas franco-français puisque ce climato-scepticisme se retrouve également dans d’autres pays, et surtout au niveau de nos dirigeants politiques et économiques. Un scepticisme qui tient plutôt de la recherche du profit immédiat plutôt que d’une quelconque croyance. “Après moi le déluge”. Dans la recherche du buzz, du clash permanent, on trouvera toujours un hurluberlu pour affirmer qu’une vérité absolue est fausse. En histoire, on invitera (tant que ce n’est pas condamnable), un individu qui remettra en cause un fait historique vérifiable. On préfèrera même prendre un acteur pour parler d’histoire approximativement, qu’un historien pour raconter toute la richesse des faits, des causes, des conséquences. Si Pascal Praud a une formation en droit et journalisme, il ne viendra pas à l’idée à un climatologue de remettre en cause des jurisprudences, du moins sans citer de solides sources. Mais on préfère juste parler sans source, sans faits, juste pour attirer le chaland. Mais de ce fait, on enrichit l’ignorance et le scepticisme envers la science.
Il faut dire qu’il y a aussi moyen de détourner la science à son profit, comme l’a prouvé Monsanto, par exemple à travers des rapports et articles payés par cette société et une action de lobbying forcené. De quoi laisser penser à beaucoup de gens que les scientifiques sont sous influence. Difficile en effet d’aller voir par qui sont financées toutes les études qui paraissent dans les revues scientifiques. Des cabinets spécialisés ont été montés pour lobbying et diffusion de ces études, pour embaucher quelques brebis galeuses peu scrupuleuses sur les origines de leurs subsides et les méthodes. Il suffit d’un ou deux cas pour ruiner une profession, dit-on. Ainsi, si aux USA Monsanto est condamné pour le glyphosate, nous continuons à voir des politiques refuser des preuves scientifiques indépendantes au profit de celles sponsorisées. Attention aussi aux effets d’annonce… car le sujet fait vendre. Pourtant, dans ce cas de santé publique, c’est bien le doute qui devrait dicter la conduite. Le temps et l’argent dépensés sur ce sujet n’aident pas à trouver des alternatives plus natuelles, celles proposées étant toujours de la chimie.
Un autre sujet remis en cause, ces derniers temps, c’est l’homéopathie. On pourrait se réjouir que l’on regarde de plus près cette spécialité qui prescrit de très infimes doses médicamenteuses, avec en France, un quasi monopole d’un laboratoire. Malheureusement, tout n’est pas aussi simple qu’interdire cela pour charlatanisme. Le consensus est réel sur le fait que les “médicaments” homéopathiques n’ont pas d’action directe sur la maladie avec des dosages parfois proches de zéro. Pourtant il y a eu des cas où le traitement homéopathique a mieux fonctionné que le médicamenteux, du moins en apparence. D’un autre côté, il y a des surdosages réels de certaines substances dans l’organisme, par des traitements, ou simplement dans notre alimentation. Et de l’autre côté une réalité de l’effet placebo et de la somatisation. Prescrire bêtement de l’homéopathie ou un placébo n’a aucun effet si ce n’est pas accompagné d’une discussion avec le patient, d’une compréhension des causes, etc… Des choses de plus en plus rare dans une médecine à la chaîne. C’est d’autant plus important dans les traitements qui touchent à la psychiatrie où le médicament seul ne peut faire le boulot. Passer d’une homéopathie de masse à l’interdiction n’est pas une solution si on ne s’interroge pas sur les cas positifs et négatifs. Mais rembourser à 100% était bien une hérésie. Le déremboursement, soit, mais quand je vois en même temps un médicament comme l’Esmya, remboursé à 100% pour s’apercevoir de ses effets néfastes 2 ans plus tard, ça interroge vraiment sur le poids de l’économique face au scientifique. Et j’irai même jusqu’à interroger les méthodes de tests, mais c’est un autre débat.
Il faut aussi reconnaître qu’il reste des mystères et que des pratiques presque ésotériques peuvent fonctionner, même si on n’y croît pas. Ainsi j’ai pu constater l’efficacité de certains massages utilisant des bols et pratiqués par les tibétains. Je n’y croyais pas et j’ai pu ressentir l’efficacité de la méthode ce qui m’a fait m’interroger sur ce qui pouvait se produire, scientifiquement. Il s’agit pourtant bien de créer une onde qui va probablement agiter des molécules dans notre corps, ce que l’on ressent physiquement par un réchauffement. Derrière l’aspect folklorique, il y a de la science mais sait-on forcément en mesurer les conséquences ? Autre aspect dont j’avais parlé avec un de nos chats, le magnétisme corporel. La médecine vétérinaire s’obstinait à soigner la conséquence et pas la cause, sans aucun succès. Difficile de traiter le psychisme chez un chat. Mais il y a des vétérinaires qui avouent leurs limites et essaient de les repousser. J’aurai pu croire au charlatanisme mais force est de constater qu’avec un minimum de médicaments (proches de l’homéopathie pour les doses) et deux séances, l’animal était transformé. Difficile alors de croire à de la somatisation. Par contre, ça ne fonctionne pas tout le temps, et il y a des gens qui font croire le contraire ou n’ont aucune capacité dans le domaine. Il faudrait vraiment se pencher plus sérieusement sur ce domaine, surtout qu’aujourd’hui des instruments de mesure existent pour comprendre. Mais économiquement, ça ne motive pas grand monde…
Voilà aussi les limites de la médecine actuelle, surtout en France où la communication entre spécialités est rare. J’en ai fait l’expérience avec ce dont souffre Madame et où, comme beaucoup de personnes qui souffrent des mêmes maux, il n’y a aucune réponse unanime de la médecine. Heureusement qu’avec les écrits existants ailleurs, les témoignages et en se battant avec un dossier écrit pour faire comprendre, on arrive à progresser peu à peu. Mais c’est inadmissible que des milliers de patients, surtout des femmes, souffrent dans l’indifférence de la médecine. La presse en parlera peut-être quand une personne médiatique en souffrira… et encore. Mais saura-t-elle trouver les bons mots pour décrire cela, sachant que le médicament ne soigne pas, sinon les conséquences, qu’il y a une variété de causes à trouver selon les patients, certainement une cause racine très lointaine. Avouer son ignorance est souvent plus efficace que faire preuve d’arrogance comme je le rencontre chez beaucoup trop de praticiens. Je lisais un livre témoignage de Michel Onfray sur cela avec le Deuil de la Mélancolie qui confirmait aussi cette vision des choses.
Malgré l’ignorance de la médecine, il ne faut pas rejeter ses progrès et oublier qu’aucun traitement n’est valable à 100%. Aujourd’hui, on remet de plus en plus en cause les vaccins. Ils sont pourtant efficaces dans la plus large des majorités de cas. Si pour ma part j’en connais deux qui me posent problèmes (soit néfaste, soit contre productif), je n’ai aucun souci avec tous ceux que j’ai eu et je n’ai pas été touché par des maladies qui tuaient auparavant. Pourtant on les voit réapparaître et j’entends de plus en plus de discours antivaccin dans mon entourage. Cette défiance a pour origine les abus de certains laboratoires qui sur-prescrivaient ou étaient plus avides de bénéfices que de santé publique, n’attendant pas toujours les résultats d’essais pour affirmer l’efficacité de leurs produits. Ils ont donc, par leurs tromperies, ruiné la réputation de la spécialité. Du ménage a été fait, mais il reste une opacité très néfaste à cela, que cela soit dans les tests animaux pas très pertinents, ou ceux sur des volontaires qui ne le savent pas eux même qu’ils le sont (tests en Afrique par exemple). Je vois aussi que les périodicités de vaccinations reviennent au raisonnable, même en médecine vétérinaire, ce qui prouve qu’on a un bien meilleur encadrement qu’avant, une meilleure connaissance. Mais pour aller contre la rumeur, maintenant, c’est très difficile. On ne peut pas conseiller de ne pas se faire vacciner, même s’il y a 5% de risque, car on met en danger bien plus de 5% des gens. Il faut par contre s’assurer que les praticiens savent gérer ce risque, autant par les actes, que par les mots.
A l’heure où j’écris cet article, je suis témoin au-dehors d’une scène étonnante. J’ai au sommet d’un de mes arbres un nid de pies. Deux corneilles se sont dit que les petites pies feraient un bon déjeuner. Mais c’était sans compter sur la défense de toutes les pies du coin qui sont venues à la rescousse pour chasser les importuns. J’avais déjà vu la solidarité chez ces oiseaux lorsque l’une d’entre elles avait été attaquée par un chat. Si malheureusement, la blessure a été fatale, c’était des attaques coordonnées sur le chat pour l’empêcher d’achever leur congénère. On connaît peu les pies, qui ont mauvaise réputation. On a l’impression d’animaux solitaires qui parfois viennent manger des cadavres de petits animaux, comme les corneilles, corbeaux alors que ce sont des animaux grégaires. La science ne s’est intéressé que tardivement au comportement des oiseaux, dont le cerveau était souvent considéré comme petit, supposément comme son intelligence. L’éthologie a pourtant démontré toute l’intelligence de la pie, parmi les plus évoluées chez les oiseaux, celle-ci se reconnaissant même dans un miroir. De quoi aussi se remettre en cause dans notre vision surpuissante de l’homme face à la nature. Et puis la pie change aussi son habitat, avec l’évolution de l’environnement, du climat, ce qui devrait nous faire nous interroger sur notre impact. Il n’y avait pas de autant de pies dans les zones habitées avant…
Je ne cesse de citer Descartes comme le prototype même de cette vision dépassée et néfaste que peut avoir aussi la science. Tout ça parce que l’on a retenu de lui le Cogito Ergo Sum, plutôt que le discours complet sur la méthode et toutes ses autres découvertes. La simplification de sa pensée, ou sa vision utilitariste par d’autres en a fait la devenir néfaste. On est tenté de rejeter un auteur pour une seule de ses pensées. C’est aussi tout le problème de la vulgarisation que l’on voit ici. Je lisais récemment un ouvrage de Pascal Boniface qui présente la géopolitique avec quelques “fiches”. Si l’idée était de présenter la spécialité, il y réussit pour le néophyte. Mais malheureusement, l’ouvrage est déjà dépassé à peine un an après sa sortie, tant cela change dans ce monde. Il ne sait donner toutes les clés de compréhension, surtout, pour chacun des thèmes abordés, c’est-à-dire les principaux conflits actuels. Vouloir résumer cela en 3 pages était illusoire et même parfois dangereux. Je doute malheureusement que tout le monde utilise la bibliographie pour creuser les sujets. De là, peut-on alors devenir sceptique sur le sujet, son analyse et avoir une vision simplifiée, tronquée.
Edgar Morin parlait récemment de la connaissance et que le fait la connaissance n’est pas l’accumulation des connaissances. Eh bien ce n’est pas de lui seul, mais ça résume pourtant bien. Il faut connaître la connaissance, dit-il dans sa Méthode tome 3. La spécialisation a en fait ses limites et plutôt que cela, il faut s’ouvrir à d’autres connaissances pour comprendre mieux la sienne. N’étant pas moi-même un spécialiste d’un seul domaine, de par ma formation, et mes errements, je comprends assez bien ce que veux dire ce sociologue et philosophe. Dans un monde qui n’a jamais été aussi riche de connaissances, il y a cette tendance à se reposer sur d’uniques spécialistes d’un domaine ou bien ne prendre que des bribes. La climatologie que je citais au début est un exemple d’une science qui fait appel à de multiples spécialités pour comprendre les phénomènes. Ceux qui remettent en cause les résultats sont souvent cantonnés dans une seule spécialité, se refusant à connaître mieux cette connaissance. On en revient toujours à la qualité des sources dans la recherche de la connaissance et le croisement de ces sources.
Je vais terminer paradoxalement en parlant de religion et de théologie; A l’heure où l’on rencontre des gens qui dévient les religions vers l’extrémisme, il convient aussi de ne pas prendre ce qui ressort forcément en premier dans notre outil principal de recherche de connaissance : Le moteur de recherche internet. Si l’on cherche sur une religion (ou même une idéologie), on tombe trop souvent sur ce qui fait du buzz, sur ce qui crée un choc. Que cela soit le coran ou l’ancien testament, on ne peut comprendre sans avoir de connaissance du contexte, de l’histoire et la sociologie du moment. Il faut bien d’autres spécialités que la simple capacité à lire le texte. En science, comme en actualité, il en est de même. Notre scepticisme galopant vient le plus souvent de notre incapacité à maîtriser les outils d’aujourd’hui, ou plutôt leur dérive. Plus que les moteurs de recherche, la connaissance réside toujours dans des encyclopédies, des bases de données d’écrits qu’il faut décoder, mettre en parallèle, avec méthode et cela n’est pas encore enseigné correctement. Je n’ai pas forcement conscience d’avoir eu cet enseignement et pourtant je l’ai développé par moi-même, par curiosité sans doute. Là se trouve, pour moi, le véritable défi du siècle à venir pour ne pas tomber dans un scepticisme général.