BD - Le Temps des sauvages de Sébastien Goethals (2016)
Cette BD belge est l’adaptation du roman de Thomas Gunzig, manuel de survie à l’usage des incapables, … que je n’ai pas lu. Si l’adaptation doit lisser et simplifier le récit, elle conserve ici l’essentiel, c’est à dire une critique de notre monde à travers un thriller d’anticipation.
J’ai lu quelques commentaires sur le roman, qui le trouvait sombre, dans un monde grisâtre, avec des aspects surréalistes typiquement belges (ce qu’on est chiant, nous, les français…). Aussi, ne soyez pas surpris de voir un dessin faisant un grand usage du blanc, du gris, du noir. Surtout que l’histoire n’a rien de très joyeuse :
Dans un avenir qui semble contemporain, Jean doit surveiller des employés d’un supermarché qui se sont rendus coupables de …. d’être amoureux. Via la vidéo surveillance, il filme un tendre caresse pendant le travail. Il est présent à la convocation des deux employés avec le RH mais tout dégénère. La femme est tuée par un Taser et l’homme s’enfuit. Pendant ce temps, une bande de malfrats dévalise un fourgon blindé. Mais ces 4 personnes ne sont rien de moins que les enfants de la femme qui vient d’être tuée… Ils ont la particularité d’être “upgradés” avec des gênes de loup, car dans ce monde, tout le vivant est copyrighté. Jean rentre chez lui et se dispute avec sa femme, “upgradé” avec des gênes de Mamba vert, une commerciale sans scrupules.
Avec cet humain augmenté, nous abordons ici le thème du transhumanisme. Le récit est entre dystopie (monde sombre, où les multinationales dominent) et uchronie (brevetage du vivant depuis les années 80?). Et l’histoire n’est finalement qu’une course poursuite entre les 4 loups et le héros (anti-héros), Jean, le plus normal qui soit. L’histoire serait donc banale sans cet univers et la fin en est presque décevante si elle ne posait quelques questions. Nous avons cette bande de loups violents, utilisant leur instinct animal, mais sont ils vraiment les plus bestiaux ? Ils ont une hiérarchie bien établie et pourtant les plus terribles semblent être la femme de Jean et les très cyniques patrons du centre commercial. L’anti-héros loser fait la rencontre de Blanche, la parfaite girl next-door, blonde slave virginale mais qui s’avère aussi avoir un côté animal.
On parle de l’abrutissement de masse à travers les séries, les jeux vidéos qui sont devenus affreusement mercantiles, et les produits que l’on vent par tous les moyens même si c’est totalement inutile. Tous nos personnage fuient peu à peu la ville, la modernité pour revenir au monde animal, à la simplicité, même si chacun a des raisons qui paraissent opposés. 250 pages d’une bonne BD, dessinée efficacement avec de l’action, du mouvement, des pauses , quelques longueurs quand même et un héros qui n’est pas celui que l’on pense au final. Le philosophe ne disait-il pas que l’homme est un loup pour l’homme ?