Littérature - Le Ventre de Paris d'Emile Zola (1873)
Dans la saga des Rougon-Macquart, je voudrais le tome 3… Un tome à part pour moi et auquel je trouve un intérêt historique, plus encore que littéraire.
Car dans cette saga de Zola, il n’y a pas vraiment d’apport dans l’histoire de cette famille. Il relie ce tome au reste par une parentée indirecte. Mais en terme de style, nous sommes bien dans la description méticuleuse du Paris de l’époque, et de son quartier nourricier : Les Halles. On voit donc passer Claude Lantier dans cette histoire, une Lisa Macquart mais le héros, c’est bien Florent, un jeune homme arrêté par erreur lors du coup d’état de 1851. Evadé du bagne, il revient à Paris. Il retrouve son demi-frère Quenu qu’il a élevé et qui est devenu charcutier à côté des Halles. Il devient inspecteur des halles, au grand dam de sa famille…
Nous sommes dans la veine Naturaliste de Zola avec de très longues et larges descriptions de la vie de ce quartier. Il suffit d’écouter le récit et de fermer les yeux pour s’y retrouver. Mais cela frise l’excès avec une indigestion de description de fruits, légumes, viandes, charcuteries, carcasses, … Les Halles sont effectivement un organe de Paris qui digère tout ce qui vient de ce qui ne s’appelait pas encore la banlieue. On y trouve aussi les poissons conservés dans la glace ou le sel. Si on parle aussi de lumière, de Saint-Eustache (la seule survivante aujourd’hui), il y a finalement peu de description des pavillons de Baltard, alors tous récents et dont il subsiste des traces au bien nommé Pavillon Baltard. Ils constituaient alors le coeur de ce quartier où tout le monde venait pour alimenter les restaurants, les boutiques de maraîchers. SI ce n’était que le ventre, c’était aussi un peu le coeur pour irriguer ainsi la vie dans la capitale, dès le matin, alors que la nuit était encore là.
C’est surtout une magnifique page d’histoire qui permet de mieux comprendre l’évolution de la capitale. Avant que tout soit transféré à Rungis, que l’on creuse ce centre commercial sans âme, il y avait une toute autre manière de faire. Point de chambres froides, de réfrigérateurs… Il fallait que tout soit frais, de saison. C’était du circuit court, par rapport à maintenant, même si on y parle de ports de la Mer du nord, de la Manche. Et autour de cela, gravitaient des métiers pour transporter toutes ces denrées, les répartir, les vendre et revendre. Plus que l’histoire de ce héros, il y a déjà cela qui a captivé mon intérêt. Mais Zola y rajoute un aspect social avec cette opposition entre “le gras” et le “maigre”. La rencontre avec le demi-frère du héros et sa femme, charcutiers, est proprement époustouflante. Le ventre est comme un cœur pour certains personnages et les maigres en seraient ainsi dépourvus.
Zola a écrit cela après la commune de Paris mais situe le récit pendant le 2nd empire. Il n’a pas l’air particulièrement à l’aise avec les discours “socialistes” de quelques personnages mais n’ose pas non plus critiquer la république. On y sent aussi une part de ses propres critiques contre l’Empire, qui l’a déçu, à travers le discours de ce “cabinet” où se rend Florent. Zola écrivait dans l’Aurore, qui était républicain et socialiste mais pas forcément dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui. Le “Ventre de Paris”, illustre ainsi les contradictions de Zola lui même. Florent est le personnage qui cristallise tout, des rumeurs, des jalousies, des haines, des inimitiés politiques…On y parle de bourgeois, d’ouvriers (non sans cynisme) et d’une classe moyenne naissante qui n’a pas encore ce nom. Tout cela est enveloppé dans le style de Zola avec une profusion de vocabulaire, parfois très daté, mais qu’il ne faut pas fuir pour autant. Un ouvrage qui vaut très largement la relecture au même titre que les Rougon-Macquart, sans à-priori. Car finalement n’est-il pas aussi actuel ?