Veganisme au quotidien - La fin des animaux sauvages dans les cirques n’est qu’une bataille gagnée…
La ministre de la transition écologique a annoncé récemment la fin des animaux sauvages dans les cirques ainsi que dans les parcs aquatiques. Victoire pour les animalistes comme moi, dit-on. Mais l’essentiel est encore à faire.
Je ne vais pas revenir ici sur la justification de la mesure. La photo ci dessous est suffisamment parlante pour moi et il ne s’agit pas d’un simple « transfert » comme je l’entends dire par de gros cirques. Combien de fois ai-je croisé des petits cirques installés sur un parking avec un peu de verdure et qui laisse des fauves dans une cage de ce type, juchée sur un camion. J’en ai même vu un qui avait mis la cage sur un rond-point en plein été croyant que ça ferait une bonne publicité vivante. La mesure vise à laisser justement les animaux sauvages dans leur milieu et ne plus en faire une distraction. Reste donc à gérer ceux qui sont en captivité, et surtout qui sont dans une captivité itinérante (cirques) ou contre nature (animaux marins des parcs aquatiques).
Quand un vegan dit qu’il faut arrêter l’élevage, on lui répond souvent : Mais que va-t-on faire des vaches, moutons, etc…? Et bien justement ici, la question est la même et c’est en regardant d’autres pays ayant pris la même mesure (la Belgique depuis 2013, par exemple, parmi les 20 qui l’ont déjà fait) qu’il va falloir ne pas faire les mêmes erreurs et reprendre les bonnes choses. En effet, si les gros cirques avaient parfois des parcs pour accueillir les animaux en basse saison, il n’y a pas beaucoup de structures pour assurer une retraite à des animaux qui n’ont connu que la captivité. Il est impensable de les réintroduire dans la nature un jour, et difficile de les introduire du jour au lendemain dans un zoo « classique », du fait de leurs habitudes comportementales notamment. A noter aussi que selon les pays, les espèces concernées ne sont pas toutes les mêmes. Par exemple les chameaux, lamas et … éléphants d’Asie ne sont pas concernés au Danemark (pionnier dans le domaine depuis 1991), seulement lamas, chameaux en Belgique. La Belgique a ainsi prévu qu’un « plan de cessation » doit être écrit, dans le texte de loi de cette mesure.
Je connais un exemple en France de « parc » dédié à ce type de cas, c’est la Tanière qui ouvre au public en cette fin d’année afin d’assurer sa viabilité financière. Cela reste la forme d’un zoo mais c’est une structure qui vise notamment à récupérer des animaux maltraités, des animaux dont on ne veut plus dans des zoos, des cirques, des anciens animaux de laboratoires (avec le GRAAL ) qui méritent tous une retraite paisible. Ils ont déjà eu un afflux d’animaux en provenance de pays ayant interdit les animaux sauvages dans les cirques et sont déjà au dessus des prévisions de « remplissage » de leurs enclos et cages de quarantaine. Donc il y a un réel besoin mais personne ne sait comment financer durablement ces espaces. En plus, c’est surtout pour des animaux terrestres aujourd’hui.
Pour les animaux aquatiques, c’est encore un autre problème car un dauphin et plus encore un orque a besoin de beaucoup d’espace dans un milieu marin. Que vont devenir les animaux des trois parcs concernés à terme ? Je m’interroge également sur le sort d’autres animaux marins présents dans ces parcs comme les manchots, les otaries, les phoques, qui sont également sauvages mais dont la mesure parle peu. Les zoos français et européens font face aussi aux mêmes problèmes d’absorption de cet afflux d’animaux, sachant en plus que la crise COVID a fait baisser la fréquentation, donc les ressources. Le timing n’est donc pas des plus favorables. Là encore, les expériences de réintroduction d’orques et dauphins dans la nature existent, mais sont longues et coûteuses. La mesure parle surtout d’interdire toute reproduction en captivité dans ces parcs mais de manière réaliste, il faut envisager que ces parcs ferment et pas toujours de manière coordonnée pour les animaux.. si la loi n’impose pas certaines mesures pour la sauvegarde de ces animaux.
On nous parle aussi que ces cirques et parcs permettaient de montrer des animaux sauvages en vrai, au plus près. Mauvaise excuse pour des animaux loin de leur milieu naturel, de leur comportement habituel et souvent tournés en ridicule par le dressage. Le comportement du public dans les zoos s’en ressent aussi, considérant l’animal comme une distraction ou un jeu pour les enfants plutôt qu’un apport culturel sur les besoins de ces animaux, leur préservation. Si les explications sont présentes dans les affichages, elles sont peu lues et on laisse les enfants crier et effrayer ces pauvres animaux qui souvent s’éloignent dans un espace plus tranquille. Le pire est dans les espaces « ferme » avec des animaux domestiques livrés en pâture à ces humains mal élevés qui les poursuivent et les manipulent sans vergogne comme leurs jouets. Pour en avoir discuté avec des soigneurs, il n’y a pas assez de moyens pour surveiller les agissements, et c’est clairement un problème d’éducation des parents. On ne passe pas en une génération de l’animal objet à l’animal respect.
Au delà des animaux sauvages se pose d’autres problématiques pour des animaux que l’on considère comme domestiques. Sans parler même des abattoirs, il y a de la maltraitance dans les haras et les champs de course, avec des chevaux que l’on laisse dans des boxes, que l’on cravache jusqu’au sang, que l’on drogue parfois, ce qui n’est pas évidemment le lot commun. Mais attention, là, on s’attaque à un puissant lobby où les plus riches ont leur mot à dire. Il y a par ailleurs beaucoup d’amoureux des chevaux qui les traitent bien, les bichonnent et les laissent dans des champs, comme j’en connais beaucoup en Normandie. Mais je connaissais aussi des maltraitances par défaut de soin sur des équidés qui se retrouvaient avec des sabots non taillés. On pourrait aussi parler du « permis chien/chat » qui validerait le fait qu’une personne sait ce qu’il faut faire quand on a un animal. Je crains que ça ne suffise pas pour lutter contre les abandons.
Sans rentrer dans le délire psychotique d’un Christophe Barbier qui voit Hitler derrière cette mesure « animaliste », il y a quand même à réviser un peu de nos acquis sur la place de l’animal dans notre vie d’animal humain, qu’il soit sauvage ou non. Qu’on admette ou non la prédation d’espèces sur les autres, il y a à faire changer les mentalités pour ne plus réduire l’animal à un objet qui ne penserait pas. Les dernières avancées scientifiques en éthologie vont dans ce sens mais sont encore trop ignorées dans les domaines de l’éducation comme de la politique. Et si Rome ne s’est pas faite en un jour, la protection animale ne gagnera pas non plus en un jour. Les animaux sauvages ont tout à gagner de solutions concertées pour cette phase de transition qui prendra encore des années.
L’autre défi est aussi de savoir comment juguler les disparitions annoncées d’espèces du fait de la disparition de leur environnement. En Argentine, le Jaguar est réintroduit après quelques années de disparition à l’état sauvage, par exemple. Le déplacement des biotopes du fait de la remontée des températures va perturber notre cohabitation avec le reste du vivant. Ce n’est plus une simple question de loup et de bergers maintenant. Qui sait même si demain des invasions de criquets n’apparaîtront pas sous nos latitudes. La liste des espèces en danger est connue aujourd’hui mais il n’y a pas de réponse pour tous. Les animaux emblématiques (Lion, Tigre, Rhinocéros, Ours …) ont parfois la chance d’être médiatisés mais ils sont aussi ceux que l’on chasse le plus. Quid aussi de ceux qui n’ont pas la chance d’être particuliers, connus, montrés ? Ils pèsent bien peu face à l’expansion humaine sans limite, sinon celle des maladies qui justement ont à voir avec notre confrontation à la vie sauvage.
Et puis il y a les humains, ceux qui travaillaient dans ces secteurs. En cette période de chômage de masse, de monde du spectacle menacé, c’est encore un secteur en plus. Pourtant le cirque s’est déjà réinventé depuis plus de 10 ans sans animaux (Cirque du soleil, Phénix, …). Les parcs animaliers aussi changent peu à peu même si la démesure de certains m’inquiète. Les émissions sur les coulisses peuvent aider si elles sont bien faites…Ce n’est pas vraiment le cas dans ce que je vois des versions françaises. Les parcs aquatiques sont plutôt enclins à devenir des piscines avec des activités autour, que des prisons pour animaux (quoiqu’avec le COVID…). Après tout, le cirque a changé en quelques siècles et les parcs aquatiques ne sont que très récents. Il y a donc de l’espoir si on ne reste pas enfermé dans le discours traditionaliste et conservatiste qui empêche toute réflexion.