BD - Les Tuniques bleues de Lambil, Cauvin, Salverius - 63 tomes (1968-2019)
Je ne fais pas les choses à moitié et j’ai mis quasiment 2 ans pour lire les 63 tomes parus. Si d’autres séries n’auront pas droit au même traitement, celle là a su conserver son niveau de qualité depuis …50 ans !
J’avais traité de quelques tomes qui me tiennent à coeur : Le premier, parce que je n’avais pas eu le loisir de le lire, le deuxième pour le véritable début, le 7ème qui hantait ma mémoire, et un des derniers qui m’a fait replongé. Et si cette série a conservé son niveau de qualité, cela tient pour moi au fait que c’est la même personne aux scénarios : Raoul Cauvin, aujourd’hui 81 ans. S’il a officié sur d’autres séries, c’est la seule où il y a eu une osmose avec son dessinateur. Il le dit lui-même. Et avec la disparition de Salverius au 4ème tome, cela aurait pu signer la fin de cette série. Lambil a su se fondre dans le dessin de son prédecesseur et le faire évoluer par petites touches, ce que l’on ne remarque qu’un mettant côte à côte les premiers et derniers tomes.
J’ai toujours trouvé cela osé de faire une série humoristique dans un environnement de guerre. Ici, la guerre de sécession nous paraît éloignée de notre histoire et pourtant elle a été une sorte de répétition du conflit mondial de 1914-18 pour les tacticiens et fabricants d’armes. Les Tuniques bleues réussissent à rendre cela avec beaucoup d’incursions dans la réalité historique. Bref, on s’instruit aussi avec cette série. Je l’ai déjà dit mais je n’aurai certainement pas lu et vu des documentaires sur cette guerre sans cette série de BD. Il faut évidemment être belge pour trouver la manière de faire de l’humour comme cela. Blutch et Chesterfield ont très vite trouvé leur place dans ce numéro de duettiste.
L’autre paradoxe est que la série est antimilitariste et pacifiste. On sent bien que c’est le discours de Blutch qui prime souvent par rapport à un Chesterfield trop zelé. Le fait de montrer des figures historiques sous leur mauvais jour est aussi une manière d’appuyer le trait. Et puis il y a le personnage de l’album Miss Walker, Mary Edwards Walker, authentique pionnière de la médecine et féministe qui a un discours antimilitariste au delà des camps.Et puis il y a une autre personnalité féminine forte… Arabesque, la jument de Blutch qui s’évanouit à chaque coup de feu pour éviter la bataille. Forcément, ce discours ne peut que me plaire et en ces temps où l’on glorifie beaucoup trop le militaire, cette série me paraît d’utilité publique.
Dans ces plus de 60 tomes que j’ai pris le temps de relire, il n’y a pas de raté, tout juste des faiblesses. Même ceux qui compilent des histoires courtes me plaisent pour une raison ou une autre. Sans atteindre toujours le génie, il y a toujours une ou deux scènes cultes par album. Je ne peux que constater que je peux piocher au hasard dans la pile pour avoir un fou rire à un moment ou un autre. On a une recette typique du Buddy Movie, comme les bonnes comédies classiques. Comme Asterix et Obelix aussi, on a deux héros opposés par le caractère et le physique mais qui sont pourtant inséparables malgré les épreuves. Même quand Blutch veut se venger (Dent pour dent), on sent que l’amitié le retient d’aller trop loin.
Alors évidemment, c’est une série qui couvre ma génération, un peu celle d’avant et sûrement celle d’après. Je ne trouve pas que ça vieillisse parce que je l’ai côtoyée toute ma vie. Je n’ai pas assez de recul ni pu testé sur un enfant de maintenant ce que ça donnerait pour dire si oui ou non cela a vieilli. J’ai l’impression que non, comme Asterix (même si là, les derniers albums me semblent moins bons), parce qu’il y a eu aussi des tomes plus ancrés dans l’actualité. Pas besoin de parcs, de films ou animés pour que cette série perdure dans la mémoire de chacun. Il suffit d’un bon rayonnage dans toute bibliothèque et de se laisser guider par une couverure, un titre, ou pourquoi pas un numéro…Et toi lecteur, quel est ton ressenti sur cette série ? Quels souvenirs ?