Réflexion - De la violence...
Premier billet vraiment politique de l’année, parce qu’à un moment, il faut dire les choses. La violence s’est emparée soit-disant du monde politique. Ah bon, parce que ce n’était pas violent avant ? Bref, pas un billet pour se faire des amis.
Il s’en ai fallu d’une petite tarte à Tain pour que l’éditocratie et le monde politique dénonce cette violence physique. Forcément, ils n’ont pas envie d’être les prochains. Pourtant, depuis les années Sarkozy (avant aussi mais ça parlera plus à grand monde), la violence n’a été que permanente, entre insultes répétées à des catégories de population, répression sournoise des manifestations, dictature déguisée d’une caste élue par moins d’un quart du corps électoral. Oui, il y a crise politique et il faudrait s’en souvenir.
Je ne vais pas forcément cautionner un atteinte physique envers un petit machiavel, quelque soit d’ailleurs les motivations, l’obédience de l’auteur. Pourtant, je comprends qu’à force d’en prendre plein la gueule, de tendre l’autre joue, certains aient envie d’en découdre. (Bon, j’en connais aussi qui aiment la baston pour la baston, mais ça, on les voit ailleurs que dans des manifs). Ce quinquennat a été un paroxysme inédit pour beaucoup de violence et de protestation avec les gilets jaunes bien sûr mais est-ce que l’on a oublié quand tout a commencé ? Pour moi, le commencement est dans le référendum sur la constitution européenne. C’est un basculement d’une violence inouïe où un gouvernement a littéralement rayé un vote démocratique et populaire pour n’en faire que selon son bon vouloir, proposant presque pire que l’initial dans le traité de Lisbonne (c’était aussi le chantage durant la campagne). Cet évènement a vidé de son sens le droit de vote. Il y a eu aussi ces différentes réformes des retraites, aussi absurdes qu’inefficaces puisque l’on fait peser la responsabilité sur les mêmes, vidant cette fois la valeur travail de son sens : “Travailler plus pour gagner moins”, surtout pour les prochains à passer. Les retraités, majorité des votants, s’en fichent, sauf les plus précaires. Les deux facteurs conjuguées et vous aviez alors les germes d’une révolte.
Après cela, la violence fut à “gauche”. Enfin… Une “gauche” d’apparence élue uniquement par rejet de Sarkozy, pas du tout par adhésion à un programme, à une figure “normale”, ou alors pour les plus naïfs. Je me souviens d’un de mes billets qui prophétisait l’échec d’un personnage qui avait failli déjà tuer le PS. Ce fut plus rapide et pire encore, lorsqu’il confia les rênes à Valls, ce facho (que je connais depuis 30 ans) déguisé en socialiste de droite. Et il y avait déjà en éminence grise un certain Macron. Recours au 49.3, démantèlement du contrat social, ruine de la classe moyenne, là aussi ce fut violent, notamment dans la répression des manifestations pacifiques alors, sorte de répétition de ce qui allait se passer. On a vu l’efficacité de la technique de la nasse pour exciter une foule, faire dégénérer une situation. L’opinion était très majoritairement contre ces mesures, on bafoua la démocratie dans cette violence, en appliquant l’inverse de ce qui avait été promis. Ce fut la violence de la trahison des idéaux de la gauche surtout. Le PS explosa et ne s’en remit jamais. Là encore, le sentiment que le droit de vote ne sert plus.
La violence fit encore irruption par les attentats, bien sûr. L’hypocrisie de Charlie, journal dévoyé depuis longtemps qui jetait l’huile sur un feu jamais éteint, jouant volontairement ou pas le jeu des extrêmes. Les modérés ont perdu la partie. Les lois d’exception sont devenues la normalité avec nombre d’arrestations sommaires que l’on a oublié. On accueillait à bras ouverts les pires dictateurs, certains soutiens indirects de ces mêmes terroristes, tout en se frottant les mains de contrats militaires. On laissa aussi pourrir la situation du “mariage pour tous”, histoire d’occuper pendant qu’on détruisait le social. Cela constitua une fédération de cette droite ultra-conservatrice qui trouva en Fillon son candidat ensuite. Il faut être extrême dans les primaire, consensuel ensuite, dit-on. La violence de la campagne fut réelle, jusqu’à des accusations éhontées d’anti-sémitisme sur tout ce qui était trop à gauche et la révélation de ce que tout le monde savait sur les assistants parlementaires. On en connaît le résultat aujourd’hui…Aurait-il été meilleur sans cela, je n’en sais même rien.
L’élection consacra un vainqueur qui obtenait 24% au premier tour, parmi 76 % d’inscrits ayant voté… soit à peine 18% des inscrits et encore dans ces 18%, combien adhéraient vraiment à ce programme conservateur déguisé en progressisme pour les nuls. Des instituts estiment cela à 8% de la population. Le résultat devait être dramatique et pouvait-il en être autrement quand tout est fait pour diviser. La violence, je l’ai ressenti quand tout a été fait comme si 75% de la population avait voté par adhésion. On donna des gages aux chasseurs, aux amateurs de corrida, à l’agriculture intensive, aux ultra-libéraux fraudeurs, etc… On balaya souvent de la main toutes les mesures environnementales promises, avec toujours la petite musique du chantage à l’emploi, arme favorite des grosses entreprises. La violence, ce fut la création d’une cellule Demeter pour pister et faire taire tous ceux qui ne sont pas dans la doxa ultra-libérale de l’agriculture intensive et ne disent pas Amen à la mafia de la FNSEA. Les exemples ne manquent pas, comme sur le sujet des algues vertes. Pendant ce temps-là, le ressentiment montait, jusqu’à ce qu’il explose pour une potentielle nouvelle taxation.
Cette fois, la violence fut de caricaturer le mouvement “Gilet jaune”, de monter en épingle des figures qui convenaient aux médias de masse pour arriver à ce but. Ceux qui occupaient les ronds-points furent dégoûtés, à la fois par la matraque et par ces tentatives de récupération ou la peinture que l’on fit dans les médias de masse. Se souvient-on des manœuvres stupides autour d’un arc de triomphe qui ne faisaient que rabattre les plus ultras sur le monument et impliquer ainsi tout autre manifestant? Se souvient-on encore que ce ne sont que des lampistes qui furent arrêtés, tous les meneurs fuyant miraculeusement de ces nasses ? Mon expérience des manifestations animalistes me fait connaître ces règles du jeu. Mais ça ne suffisait pas. Il fallut que les grenades éborgnent, arrachent des mains. Il fallut aussi que le terme “violence policière” émerge enfin, quand non content de viser des manifestants, on se mit à viser des journalistes. Les observateurs internationaux ont assez pointé du doigt cette répression. Je ne parle même pas de cette violence qui envahissait nos banlieues entre Policiers-cowboys et bandes rivales. Plus de demi-mesure dans cette extrêmisation, où le dialogue est rompu dans trop de localités. La violence envers les ex-gilets jaunes a repris de plus belle avec les réformes de l’assurance chômage, l’augmentation de la précarité que le virus n’a fait qu’exacerber depuis (les retraites auraient perdu 8% si la réforme était passée). Il est faux de dire que le chômage commençait à baisser quand depuis des années on s’évertue à radier les gens des compteurs et à ne leur offrir que de l’uberisation comme solution (voir “Moi, Daniel Blake” ).
A-t-on oublié aussi toute cette comédie des conférences citoyennes, cette consultation nationale où beaucoup participaient de bonne foi. Qu’en est-il resté ? Rien comme à chaque fois que cet outil a été utilisé dans notre 5ème république. Mais ma génération avait déjà eu droit à cette mascarade en 1994… Violence encore une fois renvoyée aux citoyens à qui l’on promet et que l’on finit par punir comme avant. Ah si, il y a eu une “prime macron” et la baisse des impôts locaux : La petite pièce donnée au mendiant par le nanti pour qu’il aille jouer ailleurs. Aujourd’hui, le résultat est tout autre, replongeant dans la misère ceux qui tentaient encore de s’en sortir. Dans le fond, rien n’a changé et les racines du mal sont plus que présentes. Au contraire, on privilégie toujours les mêmes. Pire, même, on ne donne la parole qu’aux plus virulents pour ne montrer qu’une parole supposée modérée en face.
Suivez le guide pour votre avenir - Botticelli 1485 d’après Dante
L’extrême est devenu la norme maintenant. Il faut faire du clash en invitant des adversaires irréconciliables, et de préférence stupides, à débattre d’un sujet clivant. L’émission de C8 TPMP autrefois axée sur les médias, est devenue le théâtre de cette mauvaise image. (hasard… sujet de philo de cette année : “discuter, est-ce renoncer à la violence”) On invite du politique, parce que ça fait de l’audience, pour se complaire dans cette farce. Les partis moins invités ailleurs n’ont presque pas d’autre choix que d’être les bouffons de service. A côté, la cousine CNews n’est plus une chaine d’information mais un média d’opinion à l’image d’un Valeurs actuelles, d’un Causeur ou de ce que sont devenus Le Point, l’Express depuis leurs rachats par les grandes fortunes. On me répondra que c’est le cas de quelques équivalents de gauche ? L’insulte et le mensonge en moins alors. Les chroniqueurs sont là pour artificialiser le débat, mettre en scène le clash. La violence c’est de voir plus souvent s’exprimer ces extrêmes dans des tribunes, ultra-laïcs compris plutôt que ceux qui cherchent la modération, le dialogue, le compromis. On voit la Police et l’Armée appeler à demi-mot à une révolte à travers des supposés retraités, quand on sait que ces deux corps sont très orientés à l’extrême droite (source), comme aux plus sombres heures du pays. La gauche modérée se commet même dans des manifestations troubles de ces corps pour tenter de les récupérer. Accompagner des fachos dans une manif, c’est comme leur donner la main. Macron fait des ronds de jambes à Valeurs Actuelles, De Villiers, Zemmour, ces bonimenteurs de la droite la plus rance. Il s’en faut de peu qu’on nous ressorte un “travail, famille, patrie” ces temps-ci.
Alors en même temps j’observe autour de moi. Ma propre mère qui exprime un racisme latent exacerbé par une amie et voisine proche du RN. Ont-elles déjà oublié le passé ? Un beau-frère qui se “radicalise” encore plus et suit avec avidité ces mégalomanes “du mal” que sont devenus les Zemmour, Onfray, Général De Villiers. Il n’y a pas à dire, un séjour dans les paras, même jeune, ça attaque le cerveau. Le dialogue est rompu, entre homophobie et xénophobie affichée. Il y a ces collègues devenus complotistes, qui croient que l’on a mis des hologrammes à la place de Biden, que tout est un complot mondial, que le virus c’est rien, etc… Il y a cette petite musique de la censure qui arrive avec la lutte contre les Fake-news. Qui croire, où trouver le consensus, la modération, la paix entre nous ? Tout n’est que course au pouvoir et diviser pour mieux régner. Alors forcément, dans tout cela, la tarte, c’est un moindre mal que l’on a cherché en fermant les yeux. Le pire, c’est que cela renforcera la popularité de l’agressé sans se poser les questions de fond.
Peu à peu, j’en ai perdu l’envie de participer à cette comédie politique digne de la pire telenovela. Je repense toujours aux Tuches 3 et à ses fans, à Idiocracy, à ce que l’on mérite. Je relis l’histoire, les années 30 allemandes et l’ascension miraculeuse d’un médiocre qui devient génie du mal. J’en vois plusieurs du même genre aujourd’hui. Je relis les années 30 et 40 françaises, ces personnages qui de soif de pouvoir commettront le pire. J’en vois qui ressemblent tant à cela encore. Je vois les équivalents que je ne pensais pas possible se produire peu à peu. Je ne sais même plus à qui me fier, aujourd’hui. Un peu comme ce que l’on voit dans tant d’autres pays, comme Israël cette année où l’on imagine même plus de processus de paix, où la justice se fait soi-même, où les gouvernements se montent contre un autre, pas dans l’intérêt de la population, avec l’alliance de la carpe et du crocodile. Échec assuré ! J’ai comme l’impression que si les puissances de l’argent se rangent derrière un de ces tribuns, remplacez les juifs d’hier par les musulmans d’aujourd’hui et vous aurez la suite du remake. Si, si, je vous assure que les théories en vogue sont du même acabit que les protocoles des sages de Sion à l’époque. Pour l’instant, il n’y a que Bolloré et sa nébuleuse…
quand la droite se radicalise, elle a plus la parole…Mais le buzz ne se fait plus le matin.
Alors dans tout cela, nous y allons droit dans le mur de 2022, le non-choix. On voit du complotisme partout, même si l’on reste pourtant maladroitement factuel . J’ai en mémoire les attentats de Madrid, ce qui suivit dans les élections. J’ai en mémoire l’émergence de l’extrême droite dans les paisibles pays nordiques, en Hollande, Belgique, Italie, Allemagne, Autriche, Suisse…La liste est longue maintenant. Toujours des discours de peur de l’autre, mêlée à l’incertitude de l’avenir. Suis-je dans ce pessimisme si français ou dans le réalisme ? Des articles étrangers sur la politique française s’inquiètent aujourd’hui comme je le fais. Mes collègues blogueurs libristes partent parfois dans des dérives mortifères. Je vais cesser d’en suivre, si cela continue. Mes anciens collègues blogueurs politiques ont souvent perdu la foi et ne s’expriment plus. Sombre tableau que tout cela ? J’en viens à regretter les bonnes tartes à la crème de nos amis belges sur les BHL et autres mondains médiocres. La violence, nous la vivons tous les jours finalement dans cette agression permanente de l’actualité, futile ou traitée en surface, celle que je ne regarde plus que de très loin, avec mon propre timing. Il n’y a qu’à regarder le traitement et la récupération de l’affaire Mila, qui évite largement le fond du problème, ou encore les chiffres des décès de policiers qui sont loin des réalités d’une analyse.
Je comprends finalement pourquoi je préfère me réfugier dans la politique internationale, même si ce sont des conflits. Cela me fait me sentir dans une bulle de sécurité, comme si je mettais le mal ailleurs. Je n’ai pas peur de l’avenir…du moins du mien qui sera ce qui est prévu. Je ne regrette pas de ne pas m’être reproduit pour ne pas augmenter les maux de cette planète. Mes congénères ont leur avenir en main, s’ils arrivent à sortir de cette hallucination. Voir par exemple ce qu’en dit Cyrille en fin de son article, puisque nous avons patiemment construit cette dévalorisation. Et si c’est le chaos qui est choisi, qu’il en soit ainsi. Mais arrêtons de nous plaindre de la violence des autres quand nous l’avons engendrée.