Réflexion - Le végétarisme à toutes les sauces...marketing
Je suis plutôt content depuis quelques années que le végétarisme soit devenu populaire alors qu’avant c’était vu comme une lubie étrange. Mais voilà que le marketing s’est emparé du phénomène pour faire un peu n’importe quoi
Quelques définitions
Il faut faire des petites différences dans les termes et vous allez voir qu’on trouve toujours des variantes, dérogations, etc :
- Végétarien : régime où ne l’on mange aucun animal, poissons et crustacés compris. Mais on peut consommer du lait, des œufs, du miel.
- Végétalien : régime où l’on ne mange aucun animal ou aucun produit issus d’un animal comme œufs, laits et miel.
- Végan : comme le végétalien mais on y ajoute le fait de ne pas consommer de produits animaux comme le cuir par exemple.
- Pisci-Végétarien : Comme végétarien mais avec la consommation de poissons et crustacés.
- Flexitarien : Invention marketing pour valoriser le fait que l’on ne mange pas toujours des animaux morts à chaque repas. Bref, c’est omnivore !
S’adapter
Oui, l’Humain est flexitarien par nature depuis l’origine des temps quant il n’était que chasseur-cueilleur. Par la force des choses, par le climat, il y a des périodes où la nourriture est plus végétale qu’animale. Même l’ours, autre omnivore, ne peut pas toujours se taper un saumon ou autre animal qu’il aurait tué. Mais comme il ne faut pas culpabiliser le consommateur/client, on a trouvé ce terme que j’ai vu pour la première fois au Québec je pense lorsqu’une chaîne de restaurants végétariens a été rachetée par un investisseur qui a trouvé plus lucratif de dire qu’on pouvait manger végétarien ET … normalement dans ses restos. Comme si dans les autres restaurants il n’y avait jamais d’alternative végétarienne ? Oups, j’avais oublié qu’en France on a un peu du mal alors qu’il n’y a parfois pas grand chose à faire pour offrir ce “luxe”.
Car finalement, un plat de pâtes aux champignons, des omelettes, c’est déjà végétarien. Végan ? OK, c’est plus difficile parce qu’il faut remplacer les œufs et le lait. Mais on peut tout de même trouver une large gamme de légumes sources de protéines. Sans même parler des “viandes végétales“… J’ai en souvenir un petit hôtel restaurant au fin fond de la Sarthe qui nous avait accueilli. Le patron avait travaillé dans un grand groupe hôtelier international avant d’acheter son établissement. Nous l’avions prévenu bien à l’avance et il est allé s’approvisionner rien que pour nous dans la grande ville du coin (Le Mans donc) pour nous faire du sur-mesure. Nous n’en attendions pas tant ! Comme quoi, quand on veut…
Où arrêter le mimétisme ?
Il y a une question clivante c’est de savoir où on arrête le mimétisme entre végétarisme/véganisme et cuisine traditionnelle. J’ai parlé des viandes et testé quelques produits qui imitent le fromage, les desserts. Je vois de nombreuses alternatives aux fromages en ce moment avec de l’artisanat ou du semi-industriel à base de noix de cajou et de ferments. J’en ai conservé qu’un dans ma liste de shopping, et encore c’est rare. j’en vois d’autres qui sont plus “allemands” ou suisse avec l’imitation du gruyère et autres fromages à pâte cuite. J’en ai trouvé très peu de ces derniers qui soient simplement comestible avec souvent une impression de plastique ou d’arômes trop artificiels pour rappeler simplement le fromage. Oui, j’ose le dire, c’est souvent bien dégueulasse même en accompagnement. Ca n’apporte rien dans ces cas là. Je n’ai besoin que d’une main pour compter ceux qui sont réussis pour ce qui concerne les râpés par exemple, ou encore les tranches de gruyère/cheddar et ça vient d’Allemagne. C’est souvent ceux qui sont toujours en rupture de stock. Le plus simple à réaliser, c’est le “fromage à tartiner”, ce qui est quand même bien à part. Là aussi, il y a une marque anglaise qui vaut le détour.
Tout ce qui est “mock meat” / fausse viande, ou saucisse est aussi problématique. Pas pour le nom car les gens sont capables de voir le mot végétarien/vegan si le fabricant ne joue pas au con. Nous sommes tellement conditionnés par des habitudes que naturellement nous continuons à vouloir manger les plats que nous aimons : Steak-frites, Hot-Dog, Burger, ou même des soupes aux raviolis et autres plats asiatiques. Pour les plats préférés des français que sont Couscous et Pizzas, pas de souci, on sait faire sans viande et éventuellement avec quelques imitations. Et pour le reste, on sait aussi faire des choses sympas aussi. J’en sais quelques choses, j’ai ma petite collection de recettes adaptées dont certaines avec du haché végétal ou des préparations imitant la viande/poisson. Petit à petit j’essaie de passer à des choses moins proches, avec quelques protéines de soja au pire que j’ai préparé moi même, ou du Seitan, cette sorte de préparation à base de gluten de blé qu’il est facile de réaliser mais qui ne ressemble pas tant que ça à de la viande tout de même. C’est évidemment plus long, plus complexe que d’acheter un truc tout fait qui sera souvent bourré de gras et de conservateurs. Comme partout, on trouve de la merde dans le produit industriel et des choses bien faites, équilibrées et pas aussi néfastes que l’original. Comme partout, il faut savoir lire, décoder les étiquettes et ne pas toujours écouter cette petite voix satanique : “Hum, prends, mange, c’est bon, c’est sucré, gras, salé comme tu aimes”.
Le vrai-faux végétarien
J’ai vu des gammes de grands distributeurs apparaître avec le nom “veggie” en gros. Elles mélangent allègrement le vegan et le végétarien. Parfois il y a eu changement de recette et on s’aperçoit que des œufs réapparaissent, que le gras est plus présent. D’autres sont même plus sournois en considérant que mettre un peu de poisson ni vu ni connu ça passe.
Et puis j’ai entendu des trucs hallucinants de la part de grands cuisiniers comme le désormais fameux “piment végétarien”. Euh, attendez, le piment, c’est bien un légume non ? Parfois une baie, un fruit ? Donc c’est végétal. Vous en connaissez vous du piment animal ? Le piment-oiseau ne vient pas du tout d’un oiseau, je vous rassure. Donc le prochain qui me sort le piment végétarien alors que ça ne vient pas réellement des antilles, je lui en fait bouffer un pot pour le faire changer de couleur (quoi qu’il ne pique pas…). Parce que ça a beau avoir une signification aux Antilles vis à vis de l’histoire, c’est un produit qui n’est pas spécifique à cette région et qui a des variantes en Amérique centrales. Un snobisme du même type que celui d’Espelette… qui est mexicain d’origine.
Les marques de fast-food (de moins en moins fast…et toujours pas très food) ont lancé des produits souvent éphémères en gamme végétarienne. Ca a fait le buzz. C’est véritablement végétarien, j’ai testé, regardé les compositions chez McDonalds, Burger King ou même Subway. Se pose pourtant le problème de la préparation sur des grilles et plaques avec des graisses animales quand ce n’est pas correctement manipulé. Et puis c’est donner de l’argent à des boites qui font toujours de la cruauté contre les animaux leur business principal.
Still Life with Fruit, Oysters, and a Porcelain Bowl, Abraham Mignon, 1660 - 1679⠀
Faire une transition ?
Avec tous ces produits qui s’offrent à nous dont souvent la provenance est lointaine, il se pose une question sur la période entre carnivorisme et végétarisme. Pour notre part, ce fut radical, soudain, si ce n’est que nous avons fini ce que nous avions encore, ce qui revient à une sorte de période de transition. Nous avons bien ressenti des manques, cherché des alternatives sans les trouver à l’époque mais nous avons résisté. Le flexitarisme loué par beaucoup serait cette transition. Sauf qu’en n’étant pas radical, on ne change pas. Un peu comme le fumeur qui se dit qu’il va arrêter mais quand même se faire une petite clope le soir. Ça ne fonctionne pas…Il faut une alternative en effet et les produits cités précédemment en sont. Mais la bouffe est notre drogue sans que l’on s’en aperçoive. Notre corps et surtout notre cerveau réclame ses doses.
En France aussi on sait faire, mais est-ce toujours nécessaire?
Après, pour ceux qui voudraient passer directement à l’étape végane, je ne tiendrais pas forcément le même discours car se passer de lait, fromage, œufs est bien plus complexe avec bien plus de carences potentielles si on fait n’importe quoi. Pour nous, l’étape végétarienne a duré environ 5 ans avant que le reste ne s’impose. J’en ai vu tant faire le chemin inverse par trop de radicalité. Sinon, j’ai fait récemment un bilan sanguin complet et en dehors de la sédentarité imposée par le COVID qui n’a pas arrangé les choses, il n’y a rien de grave. En tout cas, il y a bien longtemps que je n’ai plus de soucis de calcium sur les ongles.
Tuer pour vivre ?
Le marketing oublie volontairement le fond du problème, qu’il parle de végétarisme, de flexitarisme ou même de nourriture. Je n’ai jamais vu une pub avec “marre de tuer des animaux avec de la souffrance ? devenez végétarien !”. C’est pourtant ma motivation de départ mais ce n’est pas la seule. Et normalement vous trouverez un pléonasme dans la phrase précédente. N’empêche que depuis que l’on diffuse des vidéos sur les conditions d’élevage des poules, on accepte moins les œufs de poule en batterie. Depuis que l’on parle d’abattage dans ces vidéos, la consommation de viande a baissé et le végétarisme est devenu une affaire sérieuse pour les industriels français. Cela l’était déjà ailleurs où l’on fait parfois même pire en terme de pratiques intensives. Tuer pour vivre n’est pas quelque chose à montrer. L’image d’Épinal du bétail dans les champs qui termine miraculeusement dans notre assiette reste ancrée. J’en connais peu qui ont déjà tué de leur main un animal. J’ai connu cela quand j’étais petit avec canards ou lapins, parce qu’il y avait un voisin qui en élevait. (sans parler des vacances à la ferme). Là aussi on m’a masqué cet acte mais j’avais compris. Étrange non ?
Je me suis souvent posé des questions autour de cette cohabitation avec le règne animal. J’ai la chance de pouvoir plus choisir que d’autres parce que j’ai des légumes à portée de main et une tonne de choix. Et tout petit on m’a éduqué à tout manger parmi les légumes. Ailleurs dans le monde ou même en France cela peut être compliqué. J’ai souvent écouté ce qu’en disaient les autochtones nord-américain, les inuits dont les conditions de vie imposent d’autres régimes que le notre. L’animal y a une place particulière et on rend grâce à la terre, à l’animal pour ce “prélèvement” (pas celui des chasseurs…). L’élevage est rare aussi et certainement pas avec la dimension industrielle que nous lui avons donné depuis seulement un siècle et demi. Et en même temps les populations se régulaient d’elle même dans ces contrées si rudes.
La question n’est pas dans le manichéisme, elle est dans la prise en compte de ceux qui nous entourent, notre acceptation de l’autre, comme animal. Lorsqu’un éleveur dit qu’il aime ses vaches, je peux le croire… selon la taille de son cheptel. Il est de plus en plus rare de voir de petites exploitations. dire que l’on aime ses animaux est totalement faux pour des élevages de volailles industrielles et notre spécisme joue là dessus. Nous rangeons, hiérarchisons les espèces comme cela nous arrange. La poule devient négligeable comme la souris de laboratoire. L’argument de l’intelligence est avancé pour l’un quand c’est la capacité à proliférer pour l’autre. Et pourtant on prête peu d’intelligence au bœuf, parce que ça nous arrange, on la nie chez le cochon qui en a pourtant autant qu’un chien, si ce n’est plus. Tout cela est balayé par un marketing qui réduit l’animal à un objet inanimé, une image ou une machine comme la poule pondeuse. De là à comprendre pourquoi l’on abandonne nos compagnons comme des jouets, il n’y a qu’un pas.
Conclusion
Nous voilà réduit à notre époque à user aussi du même marketing pour combattre les idées reçues, à faire comprendre qu’un animal est un être sensible. Après toutes les adoptions de circonstance pendant les confinements, la maltraitance et l’abandon n’ont jamais été aussi forts. Les vieilles habitudes ont aussi repris et j’observe à nouveau une perte de terrain des produits végétariens et vegans dans certains supermarchés. Les boutiques historiques ont maintenant de la concurrence mais y’aura-t-il de la place pour tout le monde. Je vois encore beaucoup de produits étrangers sans concurrents français de qualité. Je me rassure en entendant des discours de la part de tenant de la bonne bouffe qui voudraient que le végétal remplace l’animal dans tout ce qui est industriel. Mouais, ça sous-entendrait quand même que c’est aussi de la mauvaise qualité, et que seule une élite irait se permettre de tuer l’animal “de qualité. Hasard, ce sont les mêmes qui défendent la corrida. Bon, il y a encore du boulot pour comprendre l’urgence à miser sur du bon végétal. Heureusement que nous pouvons faire des choses sans cruauté nous même avec un peu d’intelligence et de partage des bonnes idées.