Réflexion - Ne pas être dans la tendance

Je n’ai jamais eu l’habitude d’être dans la tendance, ni forcément de la devancer. Alter-machinchose ? Mais j’observe avec délice les tendances que donnent les outils du web et le reste.

Évidemment, ce n’est pas pour m’y conformer, mais cela donne une idée de ce vers quoi nous nous dirigeons, à savoir, un bel Iceberg façon Titanic, si je ne me trompe. Mais bon, je sais que c’est mal, mais il m’arrive de prendre le pouls de la société à travers des outils comme les tendances Google et Twitter. En fin d’année, il donnent même les recherches et mots clés les plus utilisés. On peut aussi prendre le pouls de la société à travers les tendance sur le plus grand magasin du monde, en dehors des périodes de promotion… Oups, il y en a tout le temps. Et puis il y a le reste, ce qui sort, ce qui a du succès. Et de me souvenir de mon grand père qui me disait (et il en connaissait un rayon pour les subir dans son métier), que si on attend suffisamment longtemps, on revient à la mode avec ce que l’on a.

Dis moi ce que tu cherches…

Dans Google, il y a la page des tendances temps réel en France. Je vous préviens, ça fait peur… Il y a souvent les accidents dans les recherches et ce qui passe à la télévision le soir. Qui a dit qu’on ne la regarde plus? Apparemment, les utilisateurs de Google la regardent beaucoup…trop… Ils cherchent sur le film du soir, les acteurs, sur le résumé d’un débat qui fait parler. Et évidemment, il y a tout ce qui est résultat sportif. Un soir de coupe d’Europe de foot ou de championnat de France, il y a ça pendant des heures. Les bonnes affaires des produits phares aussi, genre Playstation 5 ou IPhone. Je vous passe le COVID, depuis quelques mois, mais à un moment, c’est tellement prévisible que ce n’est plus intéressant. Sauf que certains utilisent cette page pour savoir de quoi ils vont traiter comme information et là, vous voyez le serpent qui se mord la queue. Déjà que l’on est dans une bulle avec Google, Facebook et leurs algorithmes mais en plus cette bulle nourrit d’autres bulles. Le truc est bien fait car ça oriente vers des articles et résultats de recherche, ceux-là même qui sont recopiés.

Dis moi ce qui buzze…

Dans Twitter, on retrouve assez vite les mêmes choses, très loin de ce qu’il y avait les premières années de l’oiseau bleu. On a même des outils pour voir l’évolution dans la journée. Pareil, on a du sport, beaucoup de sport, même parfois des jours durant sur des matchs polémiques. On a du people avec les adolescents qui sont encore sur ce réseau, notamment sur les groupes de K-pop, plus quelques youtubeurs stars. Et puis, pour les tendances françaises, il y a la politique, la réponse à l’actualité du moment, surtout si l’extrême-droite s’en empare. Globalement, ces derniers mois, c’est cette frange de la population qui est la plus virulente pour sauter sur tout ce qui leur déplaît. A coté, les moutons de la REM et les excités insoumis sont des petits joueurs. C’est signe quand même de quelque chose dans la société française, même si justement à cause de cela, le réseau est déserté par beaucoup…Dont moi et pas mal de connaissances d’une époque révolue.

En parallèle, il y a les tendances Youtube, justement. Entre sorties musicales et chaînes visant surtout les ados et commentant sport ou télé-réalité ou lançant un challenge dont la débilité semble insondable, je ne sais pas ce qui est le plus affligeant. Je n’ai pas souvenir d’avoir trouvé de choses réellement intéressante dans cette rubrique. Il a fallu que j’aille voir ailleurs. Mais ça vient de moi, rassurez-vous. Là encore, l’accueil oriente dans ce qui est sensé nous plaire, à travers notre historique et nous enferme donc dans une bulle. Parfois se glisse une belle image choc dont j’ai du mal à trouver une logique. Ah si, il y a un nouveau bouton nouveauté qui essaie de nous guider vers autre chose. Visiblement, c’est ciblé par rapport à la génération.

On pourrait ajouter à cela les séries sur les plateformes qui en produisent et fournissent selon des envies bien calibrées à coup aussi d’algorithme. Là encore, une bulle pour nous enfermer et que nous ne maîtrisons pas, à part avec un peu de curiosité. Mais cette curiosité n’est-elle pas orientée par des avis de presse, du panurgisme de notre entourage. Jusqu’à l’impression que notre avis est déjà prémâché par ce que l’on a entendu. J’ai cessé de lire des avis d’ailleurs, ou alors quand je me suis fais le mien. Peut-être devrais-je ne pas donner le mien quand il est bon alors ? Déjà, je ne rajoute pas de bruit au bruit et c’est pas si mal.

La “Simplétisation”

Je vais utiliser ce néologisme pour faire la synthèse de ces deux outils. A ne voir le monde que dans la réaction immédiate, que dans les futilités de la distraction, sport, films ou cinéma, on n’apprend plus grand chose et on ne voit pas les “signaux faibles” en plus. Il y a évidemment ce phénomène de bulle, de l’entre soi et d’ailleurs pour se protéger des dérives de Twitter, on va aussi bloquer ou bannir ce qui ne nous plaît pas. Sauf que l’on s’enferme alors encore plus, ne voyant que ce qui nous intéresserait à priori et n’essayant pas d’apprendre un peu plus, d’être curieux. C’est tout le paradoxe de ces outils de recherche de savoir et de partage qui finalement, par la dérive violente de l’humain et sa “paresse intellectuelle”, le conduit à réduire son champs de vision. Je plaide évidemment coupable moi-même, restreignant mon champ de lecture sur le web, mais heureusement, comptant sur les livres pour voir un peu plus. La tendance c’est la vieille image du mouton de Panurge aussi (pauvre animal), le fait que l’on suive sans réfléchir, l’effet de meute aussi sur le buzze. Certains parlent, alors pourquoi pas moi, etc…

Sachant que depuis peu, c’est Tik Tok qui est le site le plus vu au monde devant Google, on peut se poser quelques questions sur ce qui intéresse dans la vie, sur ce besoin irrépressible de distraction futile plutôt qu’utile, ce besoin de “se vider” le cerveau tout autant que de voir ce que les autres ont vu histoire de s’intégrer au groupe. Je sais évidemment en disant cela que ça ne touche absolument pas les personnes concernées. Pourtant, s’interroger sur ce qui amène à cela, sur ce qui permet d’en sortir est intéressant et peu…tendance.

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True prosperity d’Heather Eatman 2016 (Wikimedia)

Dis moi ce que tu consommes…

Je ne regarde pas trop cela, mais c’est en travaillant sur ce sujet que je me suis dit que ce serait intéressant. Je suis donc allé sur Amazon, rayon “meilleures ventes”, rubrique “Baromètre des ventes”. Sans surprise, c’est du produit technologique qui a la part belle. Et pas du bon marché, même si on me dira que ce sont des grosses promos…hum, quand on voit ce qu’on en fait après, je me marre. Sauf que le truc est aussi largement orienté par les derniers achats de la personne qui regarde donc. Mais si on regarde quand même quelques rubriques en dehors des saisons et évènements, on voit des trucs comme l’oxymètre qui revient (effet COVID), des trucs aussi étrange que l’infusion pour bébé, et les dosettes de café pour les parents, du gadget inutile comme le gant-lampe LED. Et puis il y a les grosses sorties littéraires et BD, les prix, ou les trucs que tout le monde lit sans vraiment savoir pourquoi, sinon qu’untel en a parlé en bien quelque part…Et ça ira aux oubliettes de la bibliothèque, si ce n’est pire.

Et puis la tendance à l’abonnement. On connaît déjà les multiples abonnements aux services de télé payante, de streaming audio ou vidéo. On connaît maintenant les abonnements aux logiciels que ça soit chez Adobe ou Microsoft. Mais voilà que l’on va louer tout en pensant faire de bonnes affaires. Car évidemment, le truc, c’est qu’on ne calcule pas le coût total de la location + options pour comparer avec l’achat comptant. Ça fonctionne très bien pour les voitures dont on n’affiche plus le prix mais le loyer aujourd’hui, comme je le voyais il y a 10 ans aux USA. Mais aujourd’hui, on va plus loin que le crédit. Dernier avatar de cela, une offre Toyota de télécommande par abonnement mensuel. Mais là encore, c’est vendre d’abord par pack ce dont on a pas besoin avant de finalement faire payer cher ce dont on a réellement besoin en donnant l’impression d’une bonne affaire. On fait trop rarement la somme de ses abonnements, sauf quand on est dans la merde. Surtout que l’abonnement, c’est la captivité à un catalogue, à un contrat rarement lu jusqu’au bout et qui peut changer au cours du temps. L’ “agilité” brandie de pouvoir payer pour ce qu’on utilise est à prendre avec des pincettes.

Je pourrais faire de la Novlangue en parlant d’éphémère durable. C’est durable par contrat parce qu’on le rend plus facile à signer qu’à le dénoncer, durable pour celui qui encaisse. C’est éphémère par le besoin ressenti ou la durée de vie du produit. Nous sommes dans le règne de l’instantané, de la dopamine, de la fausse appartenance à un groupe, du paraître plutôt que l’être. Mais comme toutes les drogues, c’est la redescente qui est difficile. En même temps la vie est une suite de réussite mais surtout d’échecs, d’essais infructueux, d’erreurs. Tout n’est pas à rejeter tout le temps dans les tendances, certaines étant malheureusement abandonnées. Je pense par exemple au recyclage qui avait lieu après le choc pétrolier, ou au fait d’avoir mis des lignes de tramways au début du 20ème siècle. Une autre tendance (le jetable, le tout voiture) a remplacé avant que plus tard on s’aperçoive de l’erreur.

Et si la tendance était juste de réfléchir avant d’agir ?

Une mélodie éphémère ? video


Ecrit le : 19/03/2022
Categorie : reflexion,
Tags : société,tendance,mode,sociologie,web,internet

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