Réflexion - La merdification condamne-t-elle la tech ?

Je lisais récemment la série de billets de l’ami Lord sur son blog. Et avec un parcours ayant des similitudes, nous en arrivons à une position paradoxale d’être Geek tout en étant méfiant avec la technologie. Vieux (Geek) con pour certains ou personne d’expérience ? A voir mais le terme «Merdification» semble coller parfaitement à notre époque dans le monde de la «Tech», comme les «marketeux» disent.

Ce terme, on l’a vu naître assez récemment et pourtant cette merdification, comme le dit aussi Ploum, c’est un processus qui a été particulièrement visible dans ce qu’est devenu l’Internet ou les Internet. Certains iront voir du coté du capitalisme pour trouver une raison à cela, d’autre à l’humain. J’ai un peu l’impression qu’il y a co-responsabilité de ces dérives qui ont vu un lieu de liberté un peu utopique se transformer en un nouvel eldorado pour milliardaires et le prolongement du monde réel. Un peu prévisible en fait…Est-ce une raison pour laisser faire et être victime ? Nous avons toujours tendance à suivre le troupeau et aujourd’hui le troupeau va sur des fausses pistes quand l’urgence est pourtant clairement identifiée (climatique)…on est bien loin de ce que devrait produire l’intelligence collective.

Il n’y a qu’à voir cette mode pour l’Intelligence Artificielle mise à toutes les sauces dans tous les domaines, surtout que la plupart du temps, ce n’est pas vraiment une intelligence. J’ai vu comme beaucoup la pub pour le dernier smartphone Google. Tu peux maintenant faire apparaître ou disparaître des éléments d’une photo, parce qu’apparemment c’est un besoin essentiel. Oui, travestir la réalité et faire prendre des vessies pour des lanternes, ça doit être le truc…pour bien pouvoir faire ta petite «fake news» perso ou te la péter sur les rezoooo. Comme je le disais, nous n’avons pas les mêmes valeurs. Mais tu peux aussi faire des recherches en entourant un objet sur l’écran. Déjà que les gens n’écrivent plus mais parlent à leur téléphone…mais là, même plus besoin de parler mais de toucher un écran. C’est pas beau le progrès ? Bon, évidemment, ce que la publicité ne dit pas c’est que Gemini, l’IA qui va faire le job derrière, est con(ne) comme un balai (encore que le balai, lui, il fait bien ce qu’on lui demande). J’ai testé récemment des IA sur des sujets plutôt simples et entre Bard/Gemini, Bing+OpenAI, ChatGPT et Mistral, en formulant en deux langues, ça n’a pas donné des résultats très pertinents. Sur un sujet très français, c’est Mistral qui s’en sortait le mieux, ce qui montre bien l’importance de la culture dans ce qui nourrit la bête…Mais la culture et les programmeurs d’IA, ça semble souvent faire 2, comme on peut le voir dans les tests de culture générale des grandes écoles, d’ailleurs. La merdification consistant à faire des recherches simplifiées à l’extrême ne pousse ni à savoir formuler une question correctement, ni à savoir analyser une réponse. Et c’est une merdification de l’humain qui en ressortira. On peut y rajouter maintenant le dernier Apple Iphone avec l’IA utilisée pour…créer des Emojis personnalisés. Ou encore Sony et sa PS5 Pro et l’IA utilisée pour un upscaling plus performant, c’est à dire rajouter des détails pour les écrans 8K que personne n’a, quand toute ces puissance pourrait être utilisée à bon escient.

Dans un domaine que je maîtrise mieux, j’ai vu la lente dérive dans la merdification de l’automobile. A force de normes (nécessaires) anti-pollution, on a complexifié le moteur thermique au point qu’il puisse émettre effectivement moins de polluants dans ses conditions optimales. Le problème est qu’il n’atteint pas ses conditions optimales très souvent car on s’est contenté de programmer des réponses aux normes. Mais ça encore, ça fait partie du jeu. Par contre, si en plus on a rendu le moteur très fragile ou sensible à la moindre impureté, le client ne va pas aimer qu’on lui dise qu’après 100 000km, il va falloir changer. Et parfois c’est même moins parce que des tests ont été ignorés ou bâclés sous la pression hiérarchique. Comme dans l’éducation nationale, tu fais carrière si tu ne fais pas de vagues et que tu dis que tout va bien. Cherchez pas, tous les constructeurs ont eu leur brebis galeuse, même les plus exemplaires dans le domaine qualité. On pousse à toujours plus de rentabilité pour les actionnaires donc on fait moins de développement, moins de tests ou alors sous-traités au moins-disant ce qui aboutit à … de la merde.

Dernier exemple en date quand j’ai utilisé un véhicule électrique pourtant largement déverminé : On est incapable de savoir si on a bien «éteint» le véhicule car entre les phares qui s’allument et les multiples écrans qui donnent des informations non pertinentes, c’est un joyeux bordel…(et un peu de conso électrique au passage). Qui n’a d’ailleurs pas attendu l’électrique pour ça puisque déjà on a merdifié l’habitacle par des écrans tactiles qui perdent l’utilisateur quand les fonctions essentiels sont plus simples avec un simple bouton physique. Ouf, certains constructeurs ont fait un choix conservateur et les néo-constructeurs chinois font encore l’erreur de copier Tesla. Sauf que les prescripteurs ne sont plus les mêmes depuis quelques temps. Entre une cartographie bâclée, un fournisseur qui oublie de donner les specifications d’un organe qui nécessite un logiciel particulier ou que le prescripteur du constructeur l’utilise autrement que prévu, on a beaucoup de soucis qui pourraient être évités. Plus qu’un problème de technologie, c’est un problème de communication entre humains et du trop plein de confiance dans la technologie, justement et l’ignorance que l’on en a.

Derrière toute cette esbroufe d’écrans, il y a des changements d’interface à chaque mise à jour qui finissent de perdre le client. Chez Tesla, on va parfois préférer rajouter la fonction coussin qui pète sans prendre garde que la détection d’obscurité pour les phares à cesser de fonctionner. Cherchez pas, on a derrière tout ça la crème du développement de la Silicon Valley dirigée par un mégalomane crypto-fasciste. Il n’y a qu’à voir l’état du chantier Teams, Windows ou Office chez Microsoft pour comprendre que l’on ne sait plus faire correctement le boulot dans cette région du monde (et ses filiales) mais qu’elle continue de nous dicter ses standards. Sortir un produit insuffisamment testé est devenu monnaie courante puisque de toute façon, il y a aura un patch, un update ou une autre version à fourguer. A force de couches et surcouches, tout est devenu inutilement complexe tout en voulant toujours rajouter une couche de … simplification pour l’utilisateur. Le logiciel libre a suivi le même chemin à bien des égards. Il n’y a qu’à regarder la profusion de formats de packages pour la diffusion de logiciels entre les classiques dépôts, le snap, le flatpack, le appimage. e tout n’étant pas toujours disponible et oblige à alourdir un système si on ne veut pas passer un peu de temps à chercher l’optimisation. Récemment encore je lisais un problème avec des appimages et des dépendances qui s’annulent les unes les autres. D’autres s’amusent à des mises à jour inutiles pour aller à la mode du moment, quite à ce qu’une boite de dialogue prenne deux fois plus de place sur un écran de smartphone pour faire la même chose qu’avant. On oublie qu’en bout de chaîne, il y a diversité de taille d’écran, des soucis visuels nécessitant des contrastes et des habitudes qui ont des impacts forts.

Dans mon métier, j’utilise un progiciel de gestion métrologique acheté chez un des leaders du domaine. Il y a plus de 25 ans j’en utilisais un dans un stage et j’avais aidé un peu au développement. Aujourd’hui c’est de l’interface web et dans l’ensemble l’ergonomie s’est un peu améliorée, pour des fonctions identiques…Par contre, on voit que les équipes se sont succèdées et ont rajouter chacune des pierres à un édifice devenu bancale. Recours à différentes version d’une même interface, bases de données complètement fantaisistes et mal optimisées dans leur structure, suppression de toute équipe de test sur les X variantes qui coexistent chez les clients… et pas plus d’équipe test chez le client. On arrive à un truc qui perd des informations, est cousu de bugs (si je voulais l’utiliser quotidiennement, j’en trouverai un nouveau à chaque jour qui passe) et chaque correction apporte presque plus de bugs qu’elle n’en corrige. A un moment, il faudrait savoir se poser et se remettre en cause mais la pression est de sortir un truc, pas que ça soit bien fait. Si j’étais caricatural, je dirais même que les progiciels de ce domaine, aujourd’hui, ne font rien de plus que ceux d’il y a 25 ans, et parfois (souvent??) sont plus lents.

Et le monde de la tech de nous sortir tout et n’importe quoi sans même se poser les bonnes questions dans un monde qui change. Aujourd’hui, on devrait penser transition écologique, économie de ressource, d’énergie. Et non, l’IA rend tout plus gourmand car ça fait tourner des milliers de CPU, des millions.… On a des PC qui sont 100 fois plus puissants que ce que j’avais avant pour faire peu de choses en plus. Rien qu’un traitement de texte ou un tableau ne démarre pas vraiment plus vite et a encore des limitations de taille. On a des navigateurs internet qui bouffent toutes les ressources parce qu’on a laissé proliférer des tonnes de protocoles et des langages et sous-couches pour merdifier les sites. Rien que mon dernier smartphone ne démarre pas plus vite que le précédent ou même le premier…idem pour les PC Windows malgré les SSD, cherchez l’erreur. Pendant ce temps, on s’étonne que de vieux geeks comme moi reviennent à l’essentiel comme le site statique en HTML, comme le protocole Gemini, comme la survie du vieux protocole Gopher. On s’étonne que l’on achète heureusement beaucoup de PC d’entreprises d’occasion parce que les neufs n’apportent rien, sinon de la fragilité. Idem pour les smartphones qui n’ont trouvé que le nombre de culs de bouteilles à multiplier pour faire de la photo pour se vendre, avec le recours à la modélisation pour corriger les aberrations géométriques et chromatiques, donc encore des ressources.

Là, récemment, je veux changer de box internet. Avant je pouvais enregistrer des émissions et les récupérer, les monter, etc…finito sur les dernières versions de box qui ont tout mis dans le cloud. Et la seul qui le fasse encore est un truc gros, qui démarre plus lentement avec certes une jolie interface mais plein de trucs que j’ai déjà et qui ne servent sans doute qu’à 1% des clients car beaucoup trop technique (va expliquer la configuration IPV6 ou l’intérêt de la fonction Bridge à Monsieur et Madame Michu…). Petite pensée à un collègue qui a acheté une caméra de surveillance en Wifi et qui a été incapable de faire cohabiter ça avec son Wifi 2,4 et 5Ghz …On peut aussi se poser la question d’avoir x superpositions de gammes d’ondes pour la même chose mais le sujet prendrait des plombes.

La technologie n’a jamais été aussi présente dans nos vies mais paradoxalement, les gens n’ont jamais été aussi maladroit pour l’utiliser. Car il faudrait la comprendre et comprendre les enjeux de ce monde qui continue de courir à sa perte. J’aime l’image du Titanic qui fonce dans l’Iceberg. J’ai déjà pris place dans une chaloupe mais l’orchestre continue de jouer ses partitions. On se retrouve au port…Je ramerai peut-être mais j’arriverai quelque part. Juste que sur une planète ronde, il y a des chances que je ne m’éloigne pas du problème.

Fin ! video


Ecrit le : 01/10/2024
Categorie : geek, reflexion
Tags : geek,réflexion,informatique,hardware,test

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