Littérature et Véganisme - Animaliste de Christophe Marie (2024)
J’ai croisé, comme beaucoup de militants de la cause animale, Christophe Marie dans de nombreuses manifestations depuis 20 ans où il représente la Fondation Brigitte Bardot. Il retrace ici une partie de son parcours militant.
Ce petit livre n’est pas un livre de mémoires mais remet en lumière quelques actions majeures de son parcours, parlant des coulisses et des rencontres, des succès ou des échecs. Il revient évidemment sur les débuts de son engagement, la rencontre avec Brigitte Bardot et cette amitié particulière avec l’actrice militante devenue symbole de la cause. On y parle du massacre des dauphins aux îles Feroë, de l’abattage rituel (j’y reviendrai…), des bébés phoques, de la Corrida et notamment de Rodilhan… et puis quelques paragraphes sur une association qui m’est chère, soutenue par la FBB.
Ce panorama qui arrive après qu’il se soit un peu éloigné de la FBB (il est directeur des affaires internationales de la fondation 30 millions d’amis) semble esquisser en filigrane des critiques des dérives du militantisme animalise ces derniers temps puisqu’il nomme la séduction de l’extrême droite, qui œuvre pourtant bien contre l’animalisme. Il ne peut évidemment pas être trop critique contre sa mère spirituelle mais à travers quelques anecdotes, on voit bien que BB est devenue “encombrante”, alors qu’elle permettait d’ouvrir des portes et d’être médiatique. Dans un monde qui cherche plus le buzz que l’information et la compréhension, c’est devenu complexe. Et justement, ce livre me laisse comme un vide. Autant il est passionnant à relater les coulisses des évènements qui m’ont marqués en temps qu’animaliste, autant il manque d’analyse et de recul sur d’autres, restant évasif sur des sujets pourtant complexes.
On y parle bien du lobbying des chasseurs, des industriels, des aficionados…Il remercie quelques figures politiques (Stavros Dimas, Clément Beaune, Aymeric Caron, …) tout en étrillant certaines (Ursula Van der Leyen, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron). Il ne faut jamais insulter l’avenir…et il n’est pas à la retraite de ce militantisme. On y voit la figure centrale qu’a été Brigitte Bardot depuis les années 60 jusque dans les années 2000…puis le déclin, peu abordé ici, tout comme le rôle qu’a joué Christophe Marie dans les rouages de cette association. J’ai souvenirs de personnes toxiques au sein de la FBB, heureusement parties depuis un moment. La dangerosité des actions est abordée comme celle avec See Shepherd aux Féroës ou à Rodilhan où les aficionados ont lynchés les militants qui tentaient d’empêcher le massacre de taurillons. Un militant a failli devenir infirme sur une autre action et j’ai souvenir moi même des invectives de ces dégénérés qui se délectent du sang et de la violence.
Les sujets abordés sont complexes et le livre trop rapide sur cela, créant même des confusions pouvant alimenter de possibles amalgames. Sur l’abattage rituel par exemple, inappliqué pour la religion musulmane et juive… Christophe Marie parle des bonnes relations et de l’ouverture d’esprit du recteur de la mosquée de Paris et en même temps des abattages non contrôlés dans certaines cités. Il parle assez peu du lobbying de la communauté juive traditionnelle ou des franges plus extrémistes des musulmans. Il parle aussi assez peu des contenus du Coran parlant de la souffrance animale et du fait que l’on mélange l’égorgement rituel et l’égorgement industriel qui ne se font pas dans les mêmes conditions de stress. Il parle trop brièvement des études sur la souffrance animale sur ce même sujet pour que l’on puisse comprendre. Évidemment on est vite tombé dans le n’importe quoi dans l’Aïd al-adha par ceux qui pensent plutôt à se faire un peu d’argent sans se souvenir des textes et du sort de l’animal. C’est ce qu’a du rappeler Dalil Boubakeur, mais son autorité reste limitée face à des imams autoproclamés qui détournent la religion pour leur pouvoir. Aujourd’hui on montre aussi plus facilement du doigt le halal que le Casher, pourtant si proches sinon identiques.
Dans le même sens, il n’y a pas d’analyse de l’imbrication politique autour de la Corrida, du foie gras ou de la chasse, même si l’on voit dans quelques exemples que le PS joue un rôle très néfaste à gauche, la droite étant comme souvent aujourd’hui dans le conservatisme le plus obscur. J’aurais aimé au contraire qu’il parle de la complexité de son action et du fait qu’il soit passé de l’activisme pur et dur à une action plus politique. Il faut les deux et l’âge y a sans doute quelque chose à voir. Il parle de ses collègues de L214 par exemple qui a eu de grandes réussites sur ces deux sujets. Il ne parle pas de la difficile cohabitation des associations et du relationnel qui peut être aussi conflictuel, malgré l’objectif commun. Chacun avance avec ses méthodes, sa maîtrise ou pas du consensus.
Le livre est donc un peu court à mon goût mais reste passionnant à lire (vite..), et je l’espère inspirant pour les militants qui succède à Christophe Marie et tant d’autres de nos “héros” de la cause, vivant ou disparus. La partie finale sur l’extrême droite est un trop bref rappel au moment où je vois et j’entends encore parler d’actions entachées de racisme, ou visant à attenter à la vie de personnes, qui certes participent à des meurtres d’animaux, mais ne méritent pas que l’on s’abaisse à leur niveau. Une vision de terrain de l’animalisme à compléter par d’autres écrits.