Littérature - Tous les jours, Suzanne de La Grande Sophie (2025)
La Grande Sophie, vous la connaissez comme chanteuse depuis la fin des années 90. Mais profitant d’un petit creux dans sa carrière, la cinquantenaire se retourne sur sa vie à travers une correspondance avec une certaine Suzanne, sujet d’une de ses chansons.
Depuis Martin, je suis de plus ou moins près les sorties de ses albums, dont le très beau Nos Histoires qui avait été chroniqué il y a dix ans. Le dernier, “La Vie Moderne” a été un peu lâché en rase campagne par sa maison de disque. Il faut croire que comme les actrices qui dépassent 40 ans n’ont plus de boulot, les chanteuses de 50 ans sont ignorées par les commerciaux bardés d’à priori. Dommage, il y avait encore de très bonnes chansons. Mais au moins, cela lui aura permis de se mettre à une autre écriture en commençant une correspondance imaginaire avec Suzanne…correspondance entamée il y a bien des années mais qui trouve un aboutissement aujourd’hui. Ce n’est pas Suzanne Vega qu’elle apprécie mais une Suzanne qu’elle interrogeait déjà : “Regarde-moi, j’ai bien changé Suzanne, J’ai viré de l’autre côté de mon nid, Le volcan ne s’éteint pas Suzanne, La mer est haute, rien n’est tranquille, Qu’est ce qui m’arrive, qu’est qui m’attend, qu’est-ce qui m’a pris, et quand j’y pense, Comment te dire ce que j’entends, Venu de nulle part, Un autre vertige “.
Alors elle parle d’elle, de son entourage, de son enfance, de son début de carrière, du monde de la musique. Elle si discrète, mariée depuis plus de 35 ans avec le même homme, ayant toujours les mots justes pour nous parler à nous qui sommes d’une génération si proche…Si la forme est originale pour une autobiographie, le fond l’est aussi. Passons sur les quelques informations sur sa famille, son parcours d’enfance dans le sud pour la native de Thionville, son père syndicaliste et sa mère infirmière, etc…Oui cela forge le personnage évidemment et elle s’interroge d’ailleurs sur ce sujet. Mais elle parle aussi de ce milieu musical qu’elle a tenté pendant des années de pénétrer en jouant dans des bars, en faisant des petits boulots pour se nourrir, en étant accompagné, mais aussi trahie. La persévérance a finalement été récompensée avec un producteur atypique et aujourd’hui disparu et quelques autres. Elle regarde aussi avec le recul une jeunesse qui la regarde parfois avec dédain, pensant que tout est tombé du ciel pour elle.
Elle parle de ses idoles (Catherine Deneuve, Joan Baez, Sylvie Vartan, Françoise Hardy), de ses rencontres, de ses amitiés avec quelques anecdotes au passage mais toujours avec la pudeur qu’on lui connaît. On la sent, au fil des lettres, s’interrogeant sur la suite, sans regretter trop les chemins pris durant ces années. Ce n’est pas une megastar de la chanson mais elle a connu quelques succès, a joué à l’Olympia plusieurs fois et s’étonne qu’on lui parle de certaines chansons comme la magnifique “Hanoi”. On sourit et on rit aussi lorsqu’elle parle de son premier Tour-Bus, de ses premiers concerts dans des villages pas très accueillant. Cela démystifie un peu les choses, comme pour les enregistrements de disque qu’elle a vu évoluer avec les moyens informatiques, les home-studios. Elle sait en dire ce qu’il faut sans trop dévoiler d’elle même. Un livre finalement assez court et on aimerait parfois que Suzanne lui réponde, la questionne ou la félicite pour la réconforter quand la lettre est un peu plus courte, marquée par un instant présent. Un exercice pas si différent d’un … blog. Rendez-vous au prochain album ou au prochain livre (adapté aussi en spectacle…)?