Cinéma - Jugement à Nuremberg de Stanley Kramer (1961)

Parmi les grands films de tribunal, il y a celui consacré à l’un des procès de Nuremberg mais consacré à des juges allemands.

C’est celui dont on parle le moins aujourd’hui, par rapport aux dignitaires du régime mais pourtant, c’est un des plus complexes à comprendre. Car comme dit l’avocat (joué magnifiquement par Maximilian Schell), ce ne sont pas les juges qui font la loi, mais ils l’appliquent. Ici, nous avons une reconstitution du “procès des juges”, avec des noms changés, c’est à dire un procès de quelques juges pendant la période nazie (1933-1945) qui condamnèrent des gens à être stérilisés, exécutés, déportés dans des camps, … Leur défense est de n’avoir qu’appliquer les lois, et de ne pas tout savoir de ce qu’il se passait. La défense de beaucoup d’allemands…même encore aujourd’hui.

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L’histoire, que l’on doit à Abby Mann avec la participation de Montgomery Clift, c’est celle du juge américain Dan Haywood (Spencer Tracy) qui débarque dans l’Allemagne en reconstruction. A moitié à la retraite, ce juge essaye de comprendre ce pays qui a basculé dans l’horreur. Il fait la rencontre d’une femme d’un général, Madame Berthold (Marlene Dietrich) dont il occupe la maison, et de son personnel. Mais dans son tribunal, il y a l’implacable procureur, le colonel Lawson (Richard Widmark) face au jeune avocat allemand Hans Rolfe. Et parmi les accusés, un retient particulièrement l’attention du juge dès le début, par son mutisme : Ernst Janning (Burt Lancaster). Il a été dirigeant durant le régime de Weimar (jusqu’en 1933), dont il rédigea la constitution et a pourtant été un juge zélé pendant le régime nazi, si l’on en croit la liste des condamnations. Alors, comme l’invite l’avocat qui parle du procès du peuple allemand, le juge Haywood essaie de comprendre…les allemands.

Dans la distribution, nous avons donc Marlene Dietrich qui tenait à faire ce film car après avoir fuit cette Allemagne Nazie, elle gardait un sentiment de culpabilité collective tout en pensant que cela pouvait se reproduire. Pour Maximilian Schell, suisse-autrichien, c’est sa famille qui fuit l’Autriche en 1934 et il passa son enfance en Suisse. Montgomery Clift, alors instable psychologiquement après son accident, il y avait aussi un besoin d’un projet et d’un investissement sur cette période qui l’avait marqué. Burt Lancaster avait servi durant la Campagne d’Italie mais était resté loin des combats. Montgomery Clift fut exempté pour raison médicale. Tous ont du se demander ce qu’ils auraient fait s’ils avaient été allemands,

Le film n’est pas un documentaire. Mais il use pourtant d’images d’archives comme celles des camps d’extermination qui furent photographiés (cf Lee Miller) ou filmés. Si les lieux d’incarcération font un peu trop propre et “studio”, cette part là est très réaliste et ne ménage pas le spectateur. On a aussi l’impression que le juge découvre cela, abrité qu’il était dans sa Virginie. On parle d’ailleurs des sombres lois de stérilisation de cet état, au passage. La complicité internationale à la montée d’Hitler est aussi évoquée, comme le financement par des puissances de l’argent. Mais je trouve qu’on adhère un peu trop facilement à la thèse de “On ne savait pas” ou “On ne pensait pas cela possible”. Il le fallait politiquement dans le contexte de la guerre froide pour reconstruire rapidement l’Allemagne capitaliste face au bloc de l’est. Le personnage joué par William Shatner est un peu là pour montrer cette acceptation de tourner la page. Le témoignage de la vieille femme de ménage montre pourtant bien qu’il y avait une adhésion aux théories raciales et aux discours d’Hitler qui ne se cachait pas (Mein Kampf sortit en 1925…en 34 en France).

Le mutisme du personnage de Lancaster est symbolique : Sidération, honte mais aussi un silence pour oublier. Le film donne les éléments pour tenter de comprendre cette dérive vers l’innommable. On parle de la famine de la crise de 29, de la revanche de 14-18 et de ce sentiment de déclassement, d’injustice. Si certains éléments stylistiques (des mouvements de caméra trop saccadés) vieillissent, le sujet est totalement d’actualité à regarder ce qu’il se passe aux Etats-unis, mais aussi en Europe et en France. Les discours racistes se libèrent, les idées extrémistes de déportation ne se cachent plus. Et en plus on laisse faire de véritables génocides à nouveau sans même lever le petit doigts, parmi les dirigeants internationaux. A se demander presque si ce témoignage sert à quelque chose ? Il devrait pourtant bien…Le film est long et on en connaît l’issue historique (discutable elle aussi). Peut-on pardonner de tels actes ou de telles complicités collectives ? Comment les condamner sans créer un nouveau ressentiment qui sera le germe du conflit suivant (cf Traité de Versailles). Autant de questions sans réponses mais qui nous renvoient à nous même. Qu’aurait-on fait dans un tel système…ou que fera-t-on demain?

Ce film fait partie du challenge IMDB Top250

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Ecrit le : 05/09/2025
Categorie : cinema
Tags : cinéma,film,guerre,jugement

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