BD - Japanese Zero Fighter de Seiho Takizawa (2023)

Plus que la chronique d’un volume de manga, c’est de l’œuvre de Seiho Takizawa dont je vais parler. Une œuvre consacrée uniquement à l’aviation militaire japonaise mais pas forcément de la manière que l’on attend.

On pourrait en effet craindre qu’il ne verse dans l’héroïsme et l’hagiographie ou que ce ne soit qu’un Buck Danny japonais (sachant que les premiers épisodes étaient plutôt dans le racisme anti-japonais…). Au contraire, il met plus en avant les avions au coeur des combats, de part et d’autre de la guerre du pacifique et a une vision critique de cette guerre. Né dans les années 60, il est d’une autre génération que celle qui a vécu la guerre.

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Si l’on connaît surtout le Mitsubishi A6M alias Zero qui donne le titre à cet album, il y a bien d’autres aéroplanes produits dans l’archipel nippon. Le dessin animé de Miyazaki “Le Vent se lève” a pu illustrer la vie de son créateur d’une manière détournée. Ainsi j’ai découvert l’existence du Raisen, un avion de la fin du conflit, produit en trop petit nombre et victime de défauts de conception qui le gênait pour les phases d’atterrissage. Dans ce volume, on parle surtout de chasseurs et des chasseurs bombardiers, souvent bricolés en bombardiers, et des intercepteurs. On y rencontre des Corsair, des Lightning, des Mustang côté américain mais aussi des avions russes lorsque les japonais combattaient en Chine. C’est bien des combattants japonais de 1938 à 1945 que l’on parle.

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Seiho Takizawa les présente dans toute la diversité mais parle surtout du sentiment d’être injustement sacrifié, faute de moyens. Il montre des aviateurs qui voient très vite les limites de leur aeronef face aux évolutions des ennemis. Il y a déjà les capacités de production qui sont réduites par rapport aux USA. Jusqu’ici la puissance militaire japonaise avait fait illusion car les ennemis étaient faibles en qualité et nombre. Cela avait leurré les dirigeants militaires qui ignoraient volontairement ou pas la puissance américaine. Et puis on constate une baisse de la qualité, faussement attribuée au fait que les avions étaient construits par des jeunes filles… Le machisme japonais ! Certains gradés semblaient conscients de cela puisque l’on relate un sacrifice d’un capitaine déjà à Pearl Harbor car il n’aurait pas voulu voir son pays sombrer.

Ce sont ici des suites de petites histoires sur différents théâtres d’opération. On aborde évidemment la formation des Kamikaze avec le désespoir de voir partir des gamins de la campagne avec à peine une centaine d’heures de vol, à peine capable d’atterrir. Mais c’est aussi le fanatisme présent chez certains gradés qui est effrayant de bêtise et qui pousse des innocents à perdre la vie sans aucun gain pour qui que ce soit. La guerre dans toute sa stupidité. Ce volume est surtout consacré à ces combattants qui savent qu’ils sont condamnés à plus ou moins brève échéance et essaye juste de survivre mission après mission face à des hordes toujours plus nombreuses d’ennemis. Ils voient même leur propre pays s’enflammer sous les bombes américaines, touchant leur famille autrefois à l’abri.

Le dessin est évidemment extrêmement réaliste, et surtout dynamique, rendant bien l’intensité des combats en “Dogfight”. Les amateurs de vieux avions mythiques seront ravis. Il manquerait presque un peu plus de données techniques pour les puristes. Mais c’est aussi parce que Seiho Takizawa veut insister sur ces humains sacrifiés de part et d’autre… comme par exemple dans cette histoire montrant à la fois un marin artilleur US et un pilote japonais, dont les regards se croisent à Midway. “c’est un humain comme moi” dira l’un puisque l’on qualifiait parfois les japonais d’inhumains pour leurs actes de sacrifice (on ne parlait pas encore des massacres en Corée et Mandchourie…). Et si les héros de guerre sont souvent des morts, on se demande bien ici ce qui fait un héros. Un manga qui ne fera pas sourire, c’est sûr mais qui interroge l’histoire mais aussi le nationalisme et ses conséquences.


Ecrit le : 10/10/2025
Categorie : bd
Tags : manga,histoire,japon,avion,aéronautique,1940s,2020s

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